La crise de l’économie algérienne n’est pas, comme on serait tenté de le croire, une crise financière seulement. Si cela avait été le cas, les 1000 milliards de dollars de recettes et la centaine de milliards de réserves de change générés par les ventes d’hydrocarbures durant ces 15 dernières années, auraient été largement suffisants pour la surmonter. Les diagnostics établis par divers observateurs de la scène économique algérienne sont aujourd’hui quasi unanimes à reconnaître que la difficulté à remettre le pays sur le chemin de la croissance n’est pas tant due à un problème d’argent, mais à une grave défaillance de notre système de gouvernance.
Ce constat également admis par les opérateurs économiques et la classe politique dans son ensemble, reconnaît également que l’économie de marché est l’unique moyen de redressement possible, tout en regrettant que sa construction soit malheureusement inachevée depuis qu’elle fut officiellement lancée en 1989 à la faveur de l’adoption d’une nouvelle Constitution. Depuis cette date un certain nombre d’actions ont certes été entreprises dans ce sens, mais l’instabilité politique et les problèmes sécuritaires qui avaient troublé le quotidien des algériens durant plus d’une décennie, ont considérablement retardé la transition souhaitée.
Encore à l’état embryonnaire, le système de marché algérien pose en effet, aujourd’hui encore, un sérieux problème à pratiquement toutes les branches de l’économie algérienne qui ne parviennent pas à se hisser au niveau des standards mondiaux, faute de mise en œuvre de l’environnement entrepreneurial requis.
La législation des affaires est en effet incomplète et souvent contradictoire, les banques sont restées archaïques, les interférences du politique dans l’activité économique toujours présentes, la Justice en total déphasage avec les règles de l’économie de marché et la politique monétaire en nette rupture avec les pratiques marchandes universelles. Compte tenu de tous ces aléas il est à l’évidence illusoire de prétendre à une résurrection de l’économie algérienne, quand bien même, elle serait favorisée par la disponibilité d’énormes capitaux. En l’absence d’un système de marché mature, la création d’entreprises, la promotion d’investissements productifs, mais aussi et surtout, la bonne gouvernance continueront à être problématiques et, dans tous les cas, inopérantes quand il s’agit de générer des ressources financières complémentaires à celle des hydrocarbures. Incapables de générer de la valeur ajoutée tous les secteurs de l’économie algérienne sont contraints de prélever une bonne part leurs besoins financiers de la rente d’hydrocarbures qu’ils contribueront ainsi à amoindrir.
Ce constat saute aux yeux s’agissant du millier d’entreprises publiques déficitaires que l’Etat doit renflouer périodiquement en puisant de l’argent des contribuables et de la fiscalité pétrolière.
Sa mise en place ayant pris un retard considérable, le système de marché qui devait articuler le développement économique sur l’initiative privée commence à peine à prendre forme. Les entreprises privées sont, certes plus nombreuses que par le passé, mais encore trop insuffisantes (à peine 7OO.000 PME alors qu’il en faudrait au moins le double) pour constituer un puissant palliatif au déclin des recettes d’hydrocarbures. Les faibles performances productives de ces petites et moyennes entreprises (plus de 60% sont des TPE), leur sous capitalisation et leur excessive dépendance des importations, les disqualifient du rôle de pourvoyeurs de ressources budgétaires hors hydrocarbures. L’État algérien sera, longtemps encore, forcé de compter sur les seules recettes fiscales pétro-gazières pour satisfaire la demande sociale et promouvoir le développement économique.
Les pouvoirs publics et, notamment les responsables en charge des secteurs économiques, reconnaissent que la crise qui affecte l’économie algérienne est beaucoup plus un problème systémique qu’un problème d’ordre financier Un ouvrage diagnostic récemment publié par l’ex ministre de l’industrie Hamid Temmar sous le titre « la transition de l’économie émergente » apporte la preuve que la crise qui affecte l’industrie et, plus largement, l’économie algérienne dans son ensemble, résulte en grande partie de la lenteur de la transition d’une économie de commandement héritée du régime socialiste à une économie d’initiative qui tarde à se mettre en place faute de réformes.
L’absence de volonté politique, les rentes de situation, la bureaucratie, la corruption et autres habitudes héritées de l’ancien système, constituent autant de contraintes qui retardent aujourd’hui encore son avènement alors que le principe de l’économie de marché fait l’unanimité de la classe politique et, plus largement, de la société algérienne toute entière. Passer outre les obstacles de façon autoritaire, comme ont souvent tendance à le faire nos gouvernants à coup d’ordonnances, peut effectivement faire avancer l’édification du système de marché, mais à condition que l’élaboration des réformes soit précédée de débats avec les tous acteurs concernés. Concoctées en vase clos et imposées à la société à coups d’ordonnances présidentielles, les réformes ont à l’évidence peu de chance d’être appliqués ne serait-ce que du fait qu’elles soient contestés par ceux là même qui seront chargés de les mettre en application.
N.G