Le Pr Djamel Eddine Aïssa, de l’Université de Bab Ezzouar (USTHB) d’Alger, a participé lundi dernier à un séminaire organisé par la faculté des sciences de la terre de l’Université Oran 2. Sa conférence, intitulée « Les terres rares, un substitut énergétique », était aussi l’occasion de « remettre les pendules à l’heure ». Il a abordé les enjeux géologiques et géopolitiques des terres rares en Algérie.
Le Pr Aïssa a expliqué que les réserves de terres rares en Algérie, souvent présentées comme importantes, ne peuvent être confirmées. Les études réalisées jusqu’à présent sont en surface (2D), et il faudrait des analyses approfondies (3D) pour une évaluation précise. Il a ajouté : « Et même si tel est le cas, on n’a pas intérêt à le crier sur tous les toits », soulignant les risques géopolitiques liés à ces ressources stratégiques.
Les terres rares sont utilisées dans de nombreux domaines technologiques comme les électroménagers, les smartphones, les véhicules et les drones. Selon lui, des pays comme la Chine, le Vietnam et la Russie possèdent les réserves les plus importantes, avec 44 millions de tonnes estimées pour la Chine. Le Pr Aïssa a illustré la demande mondiale en expliquant que la fabrication annuelle de 500 millions de disques durs pour ordinateurs nécessite 6000 tonnes de néodyme.
Face à une demande croissante et aux restrictions sur les exportations, certaines puissances industrielles pourraient chercher des alternatives en Afrique, parfois vulnérable à l’exploitation. Le Pr Aïssa a évoqué, selon le journal El Watan, ses craintes en parlant de « bruit des bottes à nos frontières », en référence aux tensions dans le Sahel.
Concernant l’Algérie, il a expliqué que seules quelques terres rares parmi les 17 éléments connus présentent un intérêt économique. Les plus importantes sont le néodyme, le dysprosium et l’europium. Leur extraction est cependant complexe et nécessite des équipements spécifiques. Le recyclage des terres rares à partir de produits électroniques usés reste limité en raison de procédés coûteux et polluants.
Pour identifier les réserves, le Pr Aïssa a recommandé de cibler des zones contenant des roches spécifiques, comme les carbonatites ou les formations issues du magmatisme alcalin. Il estime qu’il faut au moins cinq ans de recherches pour avoir une estimation fiable des réserves. Selon lui, les priorités devraient être définies en fonction de la teneur en éléments recherchés, comme le néodyme, qui est très demandé même en faibles quantités.
Le Sud algérien est considéré comme la région la plus prometteuse pour ces ressources. Le représentant de l’Office de recherche géologique et minier, Yahia Azri, a rappelé que l’Etat algérien a lancé en 2021 un programme de recherche impliquant 26 équipes et 150 ingénieurs pour explorer le potentiel minier. Il a souligné l’importance du lien entre l’université et le secteur économique pour valoriser les recherches.
Le Pr Hanafi Benali (USTHB) a présenté les études sur les minéralisations liées au magmatisme dans l’Oranie, en se concentrant sur les massifs de Tifraouine et de M’sirda. Ces travaux visent à identifier de nouveaux gisements. Le Pr Mohamed Tabeliouna, de l’Université Oran 2, s’est penché sur la dorsale Reguibet dans le Sud-Ouest algérien, tandis que le Pr Mohamed Idriss Hassani a traité des impacts environnementaux de l’exploitation minère. Enfin, le doyen de la faculté des sciences de la terre, Abbès Sebbane, a souligné l’importance des formations universitaires liées aux ressources minières, pour accompagner les ambitions nationales dans ce domaine.