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Tétanisés par le Code pénal, les banquiers hésitent à prendre des risques managériaux

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L’acte de gestion n’étant toujours pas dépénalisé en Algérie, le risque pour un dirigeant de banque publique d’être incarcéré en raison d’une décision mal qualifiée par un tribunal est, aujourd’hui encore, bien réel. Bien que se faisant plus rares que par le passé, les procès intentés aux banquiers continuent en effet à faire les choux gras d’une presse friande de ce genre d’événement qui entretient ce sentiment bien légitime de peur.

Ce sont effectivement des moments forts qui permettent aux cadres des banques et, plus largement, à ceux du secteur public économique en général, de se rendre que rien de concret n’a été fait en matière de dépénalisation de l’acte gestion, en dépit des déclarations d’intentions maintes fois réitérées par les plus hautes autorités du pays.

Faute de réforme claire et sans équivoque du code pénal en vigueur, l’arsenal juridique hérité de l’ère socialiste continue aujourd’hui encore à sévir. Un code pénal anachronique que les autorités algériennes hésitent à abroger sans doute pour tenir en laisse les dirigeants tentés de sortir des « chemins vertueux » que leurs tutelles leur ont tracé.

A moins de bénéficier de solides protections permettant de commuer les fautes passibles de tribunaux, en simples erreurs de gestion tout juste passibles de sanctions administratives, les dirigeants de Banque publique, comme du reste tous les cadres des entreprises étatiques sans appuis, peuvent du jour au lendemain, se voir appliquer des sanctions pénales.

Nos juges n’étant pas formés aux règles de la gestion moderne, il n’est pas rare que ces derniers traitent les banques publiques et les EPE comme des entreprises socialistes dont l’État est directement responsable et, non pas, comme des sociétés par actions dotées d’organes de gestion (Assemblée Générale, PDG, Administrateurs) et de contrôle particuliers (Commissaires aux comptes), régis non pas par le code pénal mais par le code commerce.

Il est alors facile pour ces juges d’ériger en fautes pénales passibles de plusieurs années d’emprisonnement, des actes de gestion sur lesquels seuls les organes de gestion et de contrôle statutaires ont, au regard du code de commerce, droit de regard.

Pourtant, l’appréciation des fautes de gestion sous l’angle du droit civil (code de commerce) plutôt que du droit pénal (code pénal) est le traitement qui devrait le mieux convenir à ces entreprises érigées depuis les réformes de 1988, en sociétés par actions régies par un code commerce expressément promulgué à cet effet.

Et, du point de vue de la législation algérienne en vigueur, il faut bien savoir que nos banques publiques sont considérées comme d’authentiques sociétés par actions dont l’État est pour l’instant l’unique actionnaire. Sous le régime des sociétés par actions qui légalement les régit,  le seul régime de droit que ces dernières devraient suivre est le Code de Commerce qui, rappelons-le, place les actes de gestion inhérents à cette catégorie d’entreprises sous le régime de la responsabilité civile.

Les banques publiques algériennes en faisant partie, seuls les détournements et les abus de biens sociaux devraient être passibles de poursuites pénales, à la condition qu’ils soient portés à la connaissance de la Justice par les commissaires aux comptes ou les Conseils d’administration mandatés à l’effet de saisir les procureurs concernés.

Le code commerce interdit en effet expressément à tous organes autres que ceux qui sont expressément désignés (PDG, Conseil d’Administration, Assemblée Générale des actionnaires et commissaire aux comptes) de s’immiscer dans la gestion courante de la société ou d’y effectuer des contrôles. Seuls ces organes sont habilités à qualifier une erreur ou une faute de gestion et à saisir les tribunaux en cas de malversation flagrante d’un ou plusieurs gestionnaires de l’entreprise bancaire.

Le contrôle des sociétés par actions doit nécessairement être effectué à posteriori, l’objectif étant de donner un maximum de liberté de gestion aux managers qui sont, faut il le rappeler, jugés sur les résultats économiques et financiers qu’ils sont appelés à réaliser en vertu d’un contrat de performance qui les lient aux Conseils d’administration de leurs banques.

Se pose alors la question de savoir pourquoi, les autorités algériennes persistent à faire coexister deux approches totalement contradictoire, l’une à caractère pénal et l’autre de droit civile, si ce n’est dans le but de les manipuler au gré des conjonctures et des rapports de forces qui secouent épisodiquement la vie politique algérienne.

C’est en tout cas l’intime conviction des gestionnaires de banques qui ont fait les frais de ce traitement bicéphale de l’acte de gestion, plus que jamais convaincus que la pénalisation de l’acte de gestion est une épée de Damoclès qu’on tient à maintenir au dessus de la tête des chefs d’entreprises publiques pour leur rappeler leur devoir d’allégeance.

Il y a certainement du vrai dans cette affirmation. Sinon comment expliquer que les autorités algériennes n’aient jamais songé à abroger ces lois en total déphasage avec l’économie de marché, l’occasion leur ayant été maintes fois offertes par le processus de réformes (lois sur l’autonomie des entreprises, promulgation du code de commerce), mais aussi et surtout, à l’occasion des modifications apportées au Code Pénal en 2001 et en 2015.

La coexistence de deux législations l’une moderne (code commerce) et l’autre anachronique (code pénal) permet aujourd’hui encore aux détenteurs de pouvoirs régaliens, d’infliger des sanctions pénales aux gestionnaires qui seraient, pour une raison ou une autre, dans leur collimateur.

Pire encore, le pouvoir de contrôle de l’Etat a davantage été renforcé avec la possibilité désormais offerte à la Cour des Comptes et à l’Inspection Générale des Finances, d’opérer à tout moment des investigations pouvant déboucher sur des dépôts de plaintes qui risquent de coûter leur liberté aux cadres incriminés par ces institutions qui n’ont pourtant du point de vue du droit, rein à voir avec les sociétés par actions exclusivement régies par le code de commerce.

Et ce n’est évidemment pas ainsi que l’on pourra moderniser la gestion de nos banques et entreprises publiques et, encore moins, en faire des outils économiques performants.

Tétanisés par la saga des procès intentés à leurs collègues, les gestionnaires des EPE et, tout particulièrement, ceux des banques, préfèrent en effet adopter une démarche exagérément prudente, voire même exagérément bureaucratique, plutôt que de prendre un quelconque risque qui pourrait se retourner contre eux. Une attitude confortable qui sied à ces gestionnaires qui demeurent, faut-il le rappeler, des employés du secteur public ne bénéficiant d’aucune gratification spéciale au cas où le risque qu’ils ont pris, venait à générer d’importants bénéfices pour leur banque.

Faire le moins possible, constitue dans ce cas l’attitude la plus sage, et le drame pour nos banques serait de voire cette attitude défaitiste et passéiste se généraliser à l’ensemble de leurs cadres dirigeants. La porte serait alors largement ouverte à l’immobilisme et l’absence de volonté de moderniser ces pièces maîtresses de l’économie.

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