Le président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Nasri, s’est exprimé, dimanche, sur les contraintes et les obstacles qui freinent les exportations algériennes. Intervenant sur les ondes de la chaîne 3, Ali bey Nasri a dénoncé un décalage entre le discours et la réalité du terrain et a estimé que la réglementation des changes demeure « le principal frein à l’exportation ». Il a, à ce propos, appelé la Banque d’Algérie à davantage de « réactivité ».
« Je peux dire que le ministère du Commerce a déployé des efforts en matière de vulgarisation de l’exportation, nous sommes toujours au point mort concernant la réglementation de change. C’est-à-dire, vis-à-vis du principal verrou à l’exportation, cité par tous les exportateurs, on est unanime, nous sommes encore au stade zéro, nous sommes en situation ante et régi par le règlement, qui date pratiquement depuis presque 14 ans (2007), et qui n’est pas en phase de ce qui devrait encourager les exportations », a déclaré le président de l’Anexal.
« Le discours du président de la République du 18 août 2020 au Palais des nations concernant le plan de relance économique est resté lettre morte, c’est-à-dire, les instructions et les orientations qu’il a donné pour encourager les exportations ne sont pas traduites sur le terrain », a-t-il relevé, en ajoutant : « Nous sommes membre du comité de pilotage de la stratégie d’exportation en Algérie, nous avons collaboré à une synthèse et nous avons transmis ce que nous considérons ce qui devait être levé comme obstacles au niveau de la réglementation des changes, malheureusement, nous avons eux des échos extrêmement défavorables », a-t-il déploré.
La Banque d’Algérie à « plus de réactivité » et lever les entraves à l’exportation
Il a appelé la Banque d’Algérie à « plus de réactivité » et à lever les entraves à l’exportation telles que : l’interdiction faite aux entreprises algériennes d’établir des représentations à l’étranger et la pénalisation du non rapatriement des devises. « Il faut qu’on comprenne définitivement que l’internationalisation d’une entreprise algérienne est un levier de croissance pour l’économie du pays », a-t-il dit relève Ali Bey Nasri, en estimant : « Jusqu’à quand allons-nous interdire aux entreprises algériennes, qui ont atteint un certain stade de maturité, d’investir à l’étranger ? »
Concernant l’argument de la Banque d’Algérie sur la baisse des réserves de change, le président de l’Anexal a indiqué : « Nous avons demandé à ce que les opérateurs utilisent le compte devise de l’entreprise, pourquoi on ne le fait pas « , s’est-il demandé.
Ali Bey Nasri a également appelé à davantage de souplesse dans la réglementation des changes, pour accompagner les exportateurs qui sont en grande majorité inexpérimentés. « Sur les 1200 exportateurs recensés, 1150 font leurs premiers pas », a indiqué le président de l’Anexal, qui a considéré injustifié de faire planer sur leur tête la menace d’une accusation en pénal, qui assimile le risque de non-rapatriement des recettes d’exportations à une fuite de capitaux. Il a, dans ce sens, proposé d’extraire des poursuites judiciaires, les exportateurs assurés auprès de la CAGEX.
Ali Bey Nasri a indiqué qu’il milite pour que « le développement des exportations comme source de devises soit inscrit, noir sur blanc, dans les missions de la Banque d’Algérie ». « Les réserves de changes, il ne s’agit pas de constater leur fonte, mais de trouver les leviers pour justement engranger des recettes », a-t-il dit, en constatant qu’entre 2019 et 2020, le déficit commercial est passé de 6 à 10,6 milliards de dollars.
Il a appelé aussi à réduire la dépenses du fret, libellées en devises puisque dominé par les armateurs étrangers. « Avec l’effet de la pandémie, il y a une déstabilisation du fret maritime, notamment la disponibilité des conteneurs. Le taux de fret a été multiplié par trois, ça veut dire que malgré la chute des volumes importés par l’Algérie, je pense que ce taux-là devrait passer de 7 à 8 milliards de dollars. Si on fait une pondération entre le volume qui a diminué et l’augmentation multipliée par trois, c’est clair qu’on va perdre des sommes faramineuses », a-t-il expliqué.
Rappelant qu’il y a eu un programme d’achat de 25 navires de transport de marchandises, le président de l’Anexal a indiqué: « est-ce qu’on ne peut pas, dans les réserves de changes de 43 milliards de dollars, mettre 2 ou 3 milliards de dollars pour l’achat des navires qui nous manquent, notamment les céréaliers, au lieu de perdre chaque année 5 à 6 milliards de dollars de fret ».
Ali bey Nasri, qui s’est étonné également que la Loi de Finances 2021 ait supprimé le compte d’affectation du Fond de soutien pour la promotion des exportations (FSPE). « Nous n’avons pas encore de réponse officielle sur le sort réservé au FSPE », a-t-il indiqué, en mettant en garde contre les effets négatifs de la réglementation des changes alors que l’Algérie s’engage dans la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf).
L’exportation de services, une valeur ajoutée à 100%
Le président de l’Anexal a également évoqué l’importation des services et le potentiel algérien en matière d’exportation de services. Il a expliqué que beaucoup d’opérateurs algériens font appel à des courtiers à l’étranger et à des commissionnaires. « Ils les paient, donc c’est un service rendu à l’extérieur », a-t-il dit.
« On a été saisi par certains opérateurs, et certaines administrations fiscales les considèrent comme une importation, qui est à nos yeux un service rendu avec le principe de l’extra-territorialité », a-t-il expliqué, en relevant qu’il y a une contradiction entre cette volonté exprimée par le premier responsable de l’Etat qui est d’encourager l’exportation. Il a ajouté que l’acte d’exportation est défiscalisé et avec la direction général des impôts il y a des avancées sur ce plan de défiscalisation.
Ali Bey Nasri a relevé qu’il y a un fort potentiel dans l’exportation de services. « Ce que je constate, c’est que je reçois beaucoup de jeunes qui veulent exporter. Il y a des applications, des écoles de formation… C’est inimaginable ce qu’il y a comme potentiel à l’exportation dans les services », a-t-il fait savoir.
Selon lui : « Exporter un service, c’est 100% de valeur ajoutée. Exporter un produit manufacturé ça peut être à 20% ( de valeur ajoutée, ndlr). C’est-à-dire, exporter un service c’est 5 fois de valeur ajoutée que l’exportation d’un produit manufacturé », a-t-il expliqué, en ajoutant : « On peut exporter 1 milliard de dollars de produits manufacturés, mais, avec 100 ou 200 millions de dollars de services, la valeur ajoutée est aussi importante, parce que, jusqu’à maintenant, toutes les exportations réalisées en Algérie font aussi à des importations, donc, les services, c’est une valeur ajoutée à 100% qu’il faudrait encourager. » « On revient toujours à cette fameuse forteresse de la Banque d’Algérie », a-t-il dit.