Au regard du nombre et de la complexité des réserves que le gouvernement algérien devra impérativement lever pour avoir l’autorisation d’intégrer l’OMC, il faudrait encore beaucoup de temps, mais aussi et surtout, de détermination pour y parvenir. La crise politique et l’éparpillement des centres de décisions que vit présentement le pays ne sont évidemment pas faits pour arranger les choses et, de ce fait, tout porte à croire que l’Algérie continuera à figurer longtemps encore, dans le peloton restreint des nations qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas intégré cette organisation à laquelle, il est bon de rappeler, adhèrent pas moins de 164 nations.
Cette tiédeur de l’Algérie à rejoindre l’Organisation Mondiale du Commerce serait en grande partie due, au refus de l’Algérie d’aligner les prix de l’énergie (carburants et électricité notamment) sur les cours du marché mondial tel que le réclame l’OMC. Le refus de l’Algérie s’explique par la crainte toute légitime, de perdre les quelques avantages comparatifs que lui procure sa qualité de pays pétrolier et gazier ». Les prix des carburants ont certes subi de fortes hausses ces deux dernières années mais au niveau international on estime que l’Algérie est encore loin de la vérité des prix, qui devront être encore augmentés d’au minimum 50% pour être au niveau des cours mondiaux. C’est évidemment une décision impossible à prendre dans le contexte d’instabilité politique et social que traverse l’Algérie. L’adhésion de l’Algérie à l’OMC n’est donc pas objectivement envisageable sur le court terme. Il faudra attendre que le pays se stabilise pour que puisse être prise une décision aussi impopulaire qu’une forte hausse des prix des carburants et de l’électricité.
Alors qu’elles poursuivent le même but, l’Union Européenne contrairement à l’OMC, n’a pas posé cette exigence comme droit d’entrée dans sa zone de libre échange euro-méditerranéenne et, c’est sans doute, ce qui explique la précipitation de l’Algérie à adhérer à cet espace commercial régional plus tôt qu’à celui, bien plus large de l’OMC, qu’elle semble fuir depuis trois décennies. Il y a pourtant beaucoup de bonnes raisons d’intégrer cette Organisation qui pousse au respect des normes commerciales, environnementales et autres, sans jamais créer de dommages aux entreprises des pays adhérents. On ne connaît en effet aucune entreprise dont la faillite qui serait due à l’adhésion de son pays à l’OMC, mais on connaît par contre beaucoup de sociétés dont les pays n’adhèrent pas à ces zones, mais qui éprouvent de terribles difficultés managériales. C’est le cas, à titre d’exemples, de certaines entreprises vénézuéliennes, nord-coréennes et algériennes.
Et même si la libéralisation du commerce extérieur a en réalité beaucoup plus servi les intérêts des puissances économiques que ceux des pays auxquels on avait recommandé d’ouvrir leurs marchés, il faut tout de même reconnaître que la concurrence internationale régie par des règles universelles, a permis à de nombreux pays membres de produire plus et mieux, mais aussi et surtout, d’écouler leurs produits dans des contrées lointaines.
Ils ont pu moderniser leurs industries et leurs potentiels agricoles devenus de ce fait, plus performants et plus compétitifs. Indéniablement, le commerce sans frontières offre des avantages dont, notamment, celui de pouvoir vendre à l’étranger, mais il requiert toutefois des réformes macro et micro économiques préalables communément désignées sous le vocable de « mises à niveau ».
De nombreux pays partis de rien, comme la Chine, l’Inde, la Turquie, la Malaisie et autres, l’ont prouvé en parvenant à produire des marchandises qui correspondent parfaitement aux goûts des consommateurs du monde entier. Le point faible de l’Algérie réside précisément dans son refus têtu de moderniser ses unités industrielles.
Restées archaïques, ces dernières ne produisent que des marchandises invendables à l’étranger et, parfois même, sur son propre sol, envahi par des produits importés. Ce n’est pas l’adhésion de l’Algérie à la zone de libre échange euro-méditerranéenne et, sans doute encore moins, son entrée future à l’OMC, qui sont responsables de ce désastre économique et commercial, mais plutôt, le refus des autorités politiques algériennes, de mettre en œuvre les réformes qui s’imposent et dont les détails sont pourtant clairement décrits dans les documents annexes des contrats d’adhésion.
Et ce n’est pas l’argent qui avait manqué à l’Algérie pour effectuer les réformes qui accompagnent les processus d’adhésion à des zones de libres échanges. Elle aurait dû le faire dans le cadre de son adhésion à la zone de libre échange euro-méditerranéenne, à celle du continent africain, de l’espace économique arabe et, bien entendu, à l’OMC. L’argent du pétrole était largement disponible pour opérer les ajustements structurels et les mises à niveau industrielles requises, mais on y accorda si peu d’importance que seules quelques rares entreprises en ont bénéficié.
On voit donc, que ce n’est pas l’argent qui avait manqué mais, bel et bien, la volonté d’opérer les changements structurels requis. Faute de réformes l’écrasante majorité des entreprises algériennes ont sombré dans un archaïsme qui les empêche d’être des partenaires commerciaux à part entière. Incapables de vendre leurs produits à l’étranger, elles ont été contraintes de verser quasi exclusivement dans les importations. Positive tant que les prix du pétrole étaient à leur apogée, la balance commerciale a fini par sombrer dans un déficit lourd et chronique, dès que les recettes d’hydrocarbures ont fortement décliné.
Le gouvernement algérien pense pouvoir renégocier l’accord de zone de libre échange euro-méditerranéenne, dans le but de repousser l’échéance du 15 septembre prochain à une date ultérieure, mais à supposer qu’il puisse obtenir gain de cause, le problème de fond restera posé. Il est valable pour tous les accords de libre échange que l’Algérie a contracté (ZLEM, Zone Arabe et zone Africaine) et qu’elle s’apprête à conclure (OMC) : tant que l’Algérie ne procédera pas à la mise à niveau de ses entreprises de production, ces dernières seront inaptes à la concurrence mondiale. Elles ne pourront jamais être des partenaires égaux et à part entières des concurrents étrangers, qui avaient seulement pris le soin de moderniser leurs unités de production avant elles.
Incapables d’exporter leurs produits trop chers et de mauvaise qualité, elles n’auront d’autres choix que de se ranger dans le créneau des importations, payées avec l’argent du pétrole. Ce qui n’était pas l’objectif des zones de libre échange, dont le but officiellement proclamé était de promouvoir les échanges mutuels dans un contexte de concurrence loyale.