Le rôle de Tajmaat (assemblée du village) dans l’organisation du confinement à travers la Kabylie depuis l’apparition de la pandémie de coronavirus (covid-19) reflète son « efficacité atemporelle », a soutenu Azzedine Kenzi, enseignant en anthropologie au département de langue et culture amazigh (DLCA) à l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou.
Son implication active dans l’organisation de ce cette mesure de prévention et de l’élan de solidarité qui l’accompagne montre qu’elle (Tajmaat) « conserve son rôle d’élément fédérateur qui gère la vie publique dans le but de maintenir la cohérence et l’homogénéité de l’intérêt général et reflète son efficacité atemporelle », relève l’universitaire dans une déclaration à l’APS.
Observant cette dynamique qui s’est enclenchée à travers la wilaya, l’universitaire évoque, dans chaque village, « une société segmentaire qui se prend en charge d’elle-même en s’appuyant sur une profondeur sociétale, communautaire et solidaire puisée dans les référents historiques et le substrat culturel de la région ».
Cette institution sociale, poursuit-il, s’avère, également, « une forme organisationnelle intacte qui évolue et se met à jour pour faire face aux besoins de l’heure en renouvelant ses formes d’organisation en fonction des conjonctures et des défis ».
Pour preuve, dit-il, « sa collaboration dans la gestion de cette crise sanitaire avec les associations de jeunes et autres et les autorités administratives locales », faisant remarquer, à ce titre, qu’elle n’est pas étrangère à l’émergence de ce formidable tissu associatif qui émaille la région et qui tire son origine de la même profondeur sociétale et des mêmes référents historiques et substrat culturel ».
Se référant à la notion d' »habitus » développée par le sociologue français Pierre Bourdieu, M. Kenzy note que « ce phénomène d’auto-organisation constaté est inscrit et est maintenu dans l’inconscient collectif de ces villages à travers les différents rituels et actions de solidarité ».
Il citera, à ce propos, les différentes actions de volontariats menées à travers les villages ainsi que le concours du village le plus propre organisé à l’échelle de la wilaya qui, dit-il « contribuent à maintenir ces liens et à les transmettre aux jeunes génération ».
Pour M. Kenzi, « la région a toujours ressuscité ses formes d’organisation anciennes pour faire face aux dangers » faisant remarquer, par ailleurs, que dans pareilles situations, « l’intérêt de la collectivité est placé au-dessus de tout. La priorité est donnée à la collectivité et l’individu se fond toujours dans l’être collectif et s’incline aux mesures édictées par souci d’efficacité face au danger ».
« A travers les cumuls historiques qui lui sont rapportés ainsi que par son expérience tirée de ces actions collectives vécues, l’individu prend conscience que, dans ces moment-là, le salut de chacun est dans le salut de tous et que le corps social en se protégeant le protège lui aussi », explique-t-il.
En outre, et nonobstant l’évolution connue à différents niveaux, dans sa structure comme dans sa démographie, le village kabyle qui n’est plus celui des siècles derniers, « même s’il est d’apparence un espace renfermé, est aujourd’hui ouvert sur le monde et la modernité », estime anthropologue.
Une ouverture, a-t-il observé, qui dans le cas de cette pandémie, « lui a permis de prendre la mesure du danger au même titre que l’ensemble de la population de la planète et de gagner du temps dans la course contre sa propagation grâce à ses propres mécanismes de protection hérités de ces référents historiques et de ce substrat culturel de la région ».
APS