En 2015 déjà, l’Algérie consommait sur place pas moins de 45% de ce qu’avait Sonatrach. En 2020, c’est un peu plus de la moitié de ce que cette compagnie va extraire du sous sol saharien, à laquelle il faut ajouter plus de quatre milliards de dollars de carburants et lubrifiants importés que les algériens consommeront selon une étude prospective du Ministère de l’Énergie.
Cette croissance démesurée de la consommation locale s’étant, au regard des statistiques, installée dans la durée, il y a fort à craindre que l’unique firme pétrolière algérienne dont dispose le pays, n’ait plus grand-chose à exporter à terme.
L’état de stagnation des réserves d’hydrocarbures et la relative faiblesse des performances productives de cette compagnie, risquent même de conduire à terme à une situation de pénurie qui pénaliserait, aussi bien, le marché local que la clientèle étrangère qui a du reste déjà commencé à se plaindre de commandes non honorées.
Pour éviter cette tragédie il est impératif de penser d’ores et déjà à couvrir les besoins nationaux par d’autres moyens que les énergies fossiles. L’énergie solaire est toute indiquée pour combler le manque à gagner. C’est principalement le rôle imparti à la compagnie nationale d’électricité et du gaz (Sonelgaz) que le gouvernement a chargé de réaliser dés l’année 2018 au minimum une centrale électrique de 400 mégawatts par an qui s’ajouteront aux 22.000 MW d’énergies photovoltaïques déjà disponibles. Pour maintenir un niveau de disponibilité satisfaisant, il y a lieu de poursuivre l’effort de développement des énergies renouvelables et, notamment le photovoltaïque, au-delà de l’année 2030 pour avoir quelques chances de couvrir à cette échéance au minimum 25% de la consommation nationale.
Il faudrait évidemment développer en parallèle à cet effort de construction d’unités de production d’énergies renouvelables, un ambitieux programme d’efficacité énergétique consistant notamment à mettre fin aux « passoires énergétiques » qui affectent l’écrasante majorité du parc immobilier et à équiper un maximum de bâtiments en capteurs solaires qui permettront d’épargner autant d’énergies fossiles que possible.
Pour ce faire, il y a lieu d’accélérer l’isolation thermique d’au minimum 100.000 unités d’habitat par an et l’introduction progressive d’équipements et appareils ménagers (chauffages, climatiseurs) peu gourmands en consommation d’énergie. Il faudrait également que le ministère de l’Energie déploie une vaste campagne marketing en direction des automobilistes en vue de les inciter à convertir leurs véhicules au gaz naturel. Les concessionnaires automobiles devraient en outre être instruits à l’effet d’inclure dans leurs programmes d’importations une proportion plus grande de voitures équipées de moteurs hybrides et électriques.
Mais le plus gros challenge consistera à convaincre le secteur industriel à modifier son modèle de consommation actuellement centré exclusivement sur les énergies fossiles et notamment le gaz naturel qui alimente l’essentiel des installations industrielles publiques et privées réalisées durant ces trente dernières années. Il ne s’agit évidemment pas de susciter ces changements par la contrainte mais au moyen de mesures incitatives pouvant prendre la forme d’allégements fiscaux, de tarifs préférentiels et de bonus octroyés aux entreprises qui auront fait un effort en matière d’économie d’énergie ou de recours à des énergies renouvelables. Les premières estimations du Ministère de l’Énergie, annoncent la possibilité d’économiser au moins 93 millions de Tep à l’horizon 2030, la réduction des émissions de CO2 d’environ 200 millions de tonnes et la création de 180.000 nouveaux emplois, si les actions inscrites dans le programme de transition énergétique en vigueur depuis février 2016 venaient à être mises en œuvre par les autorités actuelles. C’est un programme qui mérite attention du fait qu’il identifie avec précision les actions à mener à l’effet d’accélérer la transition énergétique à travers, notamment, la mutation du modèle de consommation actuel basé sur les hydrocarbures, vers un modèle plus propre et respectueux de l’environnement. Ce programme d’actions ambitionne également de réduire la consommation locale d’hydrocarbures dans le but de maintenir les exportations de gaz et de pétrole à des niveaux acceptables. Ce plan stratégique vise enfin à développer une puissante industrie des énergies renouvelables, qui pourrait à terme satisfaire une part considérable de nos besoins en énergie, en exporter une partie sous forme d’électricité (projet Désertec qui pourrait bientôt prendre forme) et, bien entendu, créer d’activités de sous-traitance et des dizaines de milliers d’emplois.
En dépit du handicap financier dont souffre le pays suite à l’effondrement des cours du pétrole et à la crise sanitaire mondiale, au Ministère de l’Énergie on ne perd pas de temps pour mettre en œuvre ce programme de transition énergétique. La toute récente signature avec le partenaire allemand d’un accord préliminaire relatif à la relance du méga projet Désertec portant sur la production de quantités colossales d’énergies solaires, éoliennes et autres destinées à être exportées sous forme d’électricité en Europe, en est la preuve. Pour ce qui est du volet économie d’énergie, la bataille pour la réduction de la consommation nationale aurait également commencé, à en croire notre interlocuteur.
Pour booster l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements, des formules multiformes de partenariats avec des firmes étrangères seraient envisagées et pour certaines déjà mises en œuvre dans l’objectif de développer, aussi bien, l’amont, que l’aval de l’industrie énergétique dans son ensemble. Si le gouvernement n’écarte pas l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste des possibilités envisagées, il n’en précise toutefois pas ni les moyens à mettre en œuvre, ni les échéances.