Pour l’Algérie, s’impose une révision déchirante de toute la politique socio- économique et de la gouvernance. Certes la situation du passé est alarmante , mais il ne suffit pas de critiquer éternellement le passé, mais de trouver des solutions opérationnelles pour l’avenir de la population algérienne. Certains responsables formatés par l’ancienne culture rentière ,au lieu de s’attaquer au blocage du fonctionnement de la société, croient aux miracles juridiques, alors que l’Algérie a des lois les meilleures du monde rarement appliquées.
1-Il ne faut pas être un grand mathématicien, devant faire une simple règle de trois à partir des données officielles du Ministère de l’Energie. Si l’on prend la référence du prix du baril de 2019 qui était d’environ 66 dollars, moyenne annuelle, et sous réserve d’une stabilisation de la production en volume physique, qui a connu une nette baisse entre 2008/2019, en reprenant l’hypothèse optimiste de l’AIE de mars 2020 d’un cours pour 2020 de 43 dollars, (d’autres scénarios pessimistes de banques américaines donnent un cours largement inférieur pour 2020 de 25/30/35 dollars), les recettes de Sonatrach dont le gaz représente 33% qui connait une chute drastique de plus de 50%,avec une baisse de la demande des principaux clients européens, seront de 21,65 milliards de dollars auquel il faut soustraire environ 25% de cout restant un profit net de16,23 milliards de dollars. Avec un cours de 25 dollar et un cours du gaz naturel sur le marché libre inférieur à 1,2 /2 dollars le MBTU 80% des gisements algériens ne sont plus rentables devant fermer les gisements marginaux du fait du cout élevé de Sonatrach supposant un nouveau management stratégique. Un discours de vérité, s’impose loin des discours démagogiques, la loi de finances 2020 selon le FMI, fonctionnant sur la base d’un cours minimum de 100 dollars le baril, 50 dollars étant un artifice comptable. Le risque avec la paralysie de l’actuel appareil de production et des importations de biens et services incompressibles,85/90% des inputs importés tant des entreprises publiques que privées, est l’épuisement des réserves de change ( montant inférieur à 60 milliards de dollars en mars 2020) et ce fin 2021, le premier semestre 2022 et donc le retour au FMI, ce qu’aucun patriote ne souhaite mais supposant de solutions opérationnelles et une mobilisation générale, renvoyant à la moralité des dirigeants .
2.Devant différencier la partie devises de la partie dinars, quelles solutions à la fois possibles et difficiles à atteindre pour combler le déficit de financement en soulignant que dans la pratique des affaires tant interne qu’international n’existent pas de fraternité ou des sentiments mais que des intérêt. Dans ce cadre la loi de finances complémentaire 2020, devant s’éloigner du populisme qui accroîtra la crise à terme, doit agir sur plusieurs paramètres et variables afin de concilier l’efficacité économique et la justice sociale , indispensable pour la cohésion sociale durant cette conjoncture très difficile.
Pour atténuer la chute des réserves de change existent trois solutions.
La première solution est de recourir à l’emprunt extérieur même ciblé. Dans la conjoncture actuelle où la majorité des pays et des banques souffrent de crise de liquidité c’est presque une impossibilité sauf auprès de certaines banques privées mais à des taux d’intérêts excessifs et supposant des garanties
La deuxième solution, est d’attirer l’investissement direct étranger : nous sommes dans le même scénario d’autant plus que selon la majorité des rapports internationaux de 2019, l’économie algérienne dans l’indice des libertés économiques est classée ver les derniers pays ( bureaucratie, système financier sclérosé, corruption ) , la seule garantie de l’Etat algérien sont les réserves de change en voir d’épuisement (moins de 60 milliards de dollars en mars 2020).
La troisième solution, est de rapatrier les fuites de capitaux à l’étranger. Il faut être réaliste devant distinguer les capitaux investis en biens réels visibles des capitaux dans des paradis fiscaux, mis dans des prêtes noms, souvent de nationalités étrangères ou investis dans des obligations anonymes. Pour ce dernier cas c’est presque une impossibilité. Pour le premier cas cela demandera des procédures judicaires longues de plusieurs années sous réserve de la collaboration étroite des pays concernés.
Pour la partie du dinar qui est une monnaie non convertible existent cinq solutions pour atténuer le déficit budgétaire.
La première solution est la saisie des biens de tous les responsables incriminés par la justice supposant un verdict final pour respecter l’Etat de Droit par la vente aux enchères.
La seconde solution, est d’intégrer la sphère informelle qui draine environ 40/45% de la masse monétaire en circulation. Cela est la partie dinars. Or les expériences historiques, notamment en période de guerre, montrent qu’en période de crise, il y a extension de cette sphère. Or lorsqu’un Etat émet des règles qui ne correspondent pas à l’Etat de la société, celle-ci enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner existant un contrat moral beaucoup plus solide que celui de l’Etat, entre l’acheteur et le vendeur.
La troisième solution, est le recours à la planche à billets sous le nom de financement non conventionnel. Dans une économie totalement extériorisée où l’économie algérienne repose essentiellement sur la rente, la politique keynésienne de relance de la demande par injection monétaire afin de dynamiser l’appareil productif ( offre et demande) produit des effets pervers à l’image de la dérive vénézuélienne avec une inflation qui a dépassé les 1000% pénalisant les couches les plus défavorisées.
La quatrième solution, est la dévaluation rampante du dinar afin de combler artificiellement le déficit budgétaire : on augmente en dinars la fiscalité pétrolière et la fiscalité ordinaire où les taxes à l’importation s’appliquent à un dinar dévalué entrainant tune augmentation des prix tant des équipements que des matières premières dont le cout final est supporté par le consommateur.
La cinquième solution ultime, est la vente des bijoux de famille par la privatisation soit totale ou partielle supposant des acheteurs crédibles , devant éviter le passage d’un monopole public à un monopole privé beaucoup plus néfaste, un consensus social , le processus étant éminemment politique et dans ce cas, les ventes pouvant se faire en dinars ou en devises.
En résumé, Le monde étant en perpétuel mouvement où au désordre se substitue au bout d’un certain temps un ordre relatif, je pense fermement que les impacts de l’’épidémie du coronavirus sont un danger pour le présent, mais porteuses d’espoir pour l’avenir de l’humanité, une opportunité par notre capacité à innover par une autre gouvernance, d’où l’importance d’un langage de vérité loin des discours démagogiques qui mettent en danger la sécurité nationale.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL