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Le virage américain sur le Yémen illustre l’échec de l’offensive saoudienne

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Le virage pris par les Etats-Unis sur la guerre au Yémen, Washington exigeant désormais la fin des frappes aériennes de la coalition menée par Ryad, est une forme d’admission de l’échec d’une offensive meurtrière ayant déclenché une crise humanitaire désastreuse. Ce revirement de Washington illustre aussi un mécontentement croissant du gouvernement américain à l’égard du prince héritier saoudien, conséquence de l’outrage soulevé par l’affaire Khashoggi, ce journaliste saoudien tué le 2 octobre dans le consulat d’Arabie à Istanbul.

Le ministre américain de la Défense Jim Mattis a appelé mardi les belligérants au Yémen à cesser les hostilités et à ouvrir des négociations de paix « d’ici 30 jours ».

Les spécialistes n’entrevoient toutefois pas de terme proche au conflit, qui, selon l’ONU, a fait quelque 10.000 morts.

La guerre au Yémen oppose des forces pro-gouvernementales aux rebelles Houthis, soutenus par l’Iran et qui se sont emparés en 2014 et 2015 de vastes régions du pays, dont la capitale Sanaa.  En mars 2015, une coalition sous commandement saoudien est intervenue militairement au Yémen en soutien aux forces pro-gouvernementales.

Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a de son côté demandé mardi que cessent les frappes aériennes de la coalition menée par Ryad « dans toutes les zones habitées du Yémen », une admission en creux des pertes civiles causées par ces bombardements. L’Arabie saoudite a été accusée à plusieurs reprises de bavures ayant coûté la vie à des centaines de civils. « Sans aucun doute l’affaire Khashoggi a monté l’opinion publique américaine contre les Saoudiens », commente Charles Schmitz, un expert du Yémen à la Towson University.

Les Etats-Unis restent toutefois profondément impliqués dans cet effort de guerre, tempère-t-il. Le Pentagone assiste notamment les forces de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis en ravitaillant en vol les chasseurs bombardiers de ces deux pays.

Ryad a ces derniers mois fait face à une pression croissante du Congrès américain: en mars, une proposition d’interrompre le soutien des Etats-Unis à l’offensive saoudienne au Yémen a été rejetée au Sénat, mais au terme d’un vote serré.

Dimanche, le quotidien New York Times a publié une photo potentiellement choquante d’une fillette yéménite de 7 ans très émaciée, victime d’une famine qui menace 14 millions d’habitants du pays.

La nouvelle position américaine « est peut-être une indication de la frustration du gouvernement américain quant au dérapage de la situation. Ou bien c’est une façon de dire qu’ils tentent de faire quelque chose mais sont impuissants, et alors ils reprochent aux parties combattantes d’échouer à résoudre le conflit », avance Waleed Alhariri, du Sanaa Center for Strategic Studies. « C’est une bonne déclaration diplomatique, mais elle n’a pas été appuyée par une action véritable et concrète ou un effort à grande échelle pour résoudre le conflit », poursuit M. Alhariri. Ce spécialiste note d’ailleurs que de précédentes tentatives de cessez-le-feu ont vécu.

Pour Charles Schmitz, une avancée est possible en s’attaquant au problème des missiles tirés par les rebelles Houthis à destination du territoire saoudien, dont l’arrêt pourrait servir de monnaie d’échange contre la fin des bombardements jalonnant la campagne militaire de la coalition sous commandement saoudien. « Si les Etats-Unis pouvaient contribuer à (cette option), je pense que cela pourrait aller loin », souligne-t-il.

L’émissaire de l’ONU pour le Yémen a dit mercredi sa volonté de relancer les discussions de paix « d’ici un mois », après les appels de Washington à des négociations pour mettre fin au conflit.

Paris et Londres, deux autres membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, ont soutenu les efforts américains.

Mais pour Jeremy Taylor, du Norwegian Refugee Council, un éventuel cessez-le-feu n’a que trop tardé. « Cela fait des années que nous appelons à ce genre de déclaration. Ce que nous voulons voir désormais, c’est une pression politique sur les parties, telle que seuls les Etats-Unis peuvent exercer ».

Afp

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