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Faute de lutte efficace: La corruption s’enracine dans la société

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Dopée par les marchés publics et les importations, la corruption est devenue au fil des ans, un des moyens privilégiés d’accession à la richesse et au pouvoir.

Faute de lutte efficace contre ce fléau, la corruption a pris progressivement racine à divers niveaux de la société algérienne, au point qu’aujourd’hui l’ascension sociale tend à s’opérer de plus en plus à la faveur de cette logique.
Le couple corruption-clientélisme affecte en effet toutes les couches de la population, qui en usent et abusent au gré des circonstances, mais aussi et surtout, des complicités. Le constat le plus grave est que la corruption tend aujourd’hui à sévir au sein-même des instances ayant pour rôle de lui faire barrage. Sans doute parce qu’ils étaient conscients des graves dommages que ce fléau peut causer à divers rouages de l’État et à la société toute entière, pratiquement tous gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays avaient affirmé vouloir faire de la lutte contre la corruption une de leurs principales priorités. Certains de ces exécutifs s’étaient même attelé à créer des institutions expressément destinées à cette lutte, allant même jusqu’à organiser des procès retentissants (Khalifa, Sonatrach, BCIA etc.) en grande partie destinés à dissuader ceux qui en seraient tentés.

Une législation anti-corruption, certes encore incomplète et parfois même contradictoire, a été promulguée et des coups de boutoir souvent portés à des chefs d’entreprise et fonctionnaires accusés de ce type de malversation. Mais parce qu’ils ne se sont pas attaqués au système politique qui a rendu possibles ces dépassements, les actions multiformes engagées par les instances de lutte (Cour des Comptes, services de sécurité, Justice) ne sont jamais parvenues à réduire significativement ce fléau qui a continué à prendre de l’ampleur au gré de l’explosion des dépenses publiques et des importations. Les gisements de corruption se nichent en effet bien souvent dans certains marchés publics travaux publics d’envergures nationale ou locale et dans les importations où les malversations peuvent prendre les formes de surfacturations, tromperies sur la qualité et la quantité des produits introduits à nos frontières. L’objectif de la corruption est de transférer, sans aucune création de richesses nouvelles, des revenus mal acquis, qui resteront longtemps oisifs en d’éventuels blanchiments.  La protection des corrupteurs dont bénéficient les importateurs corrompus permettront à ces derniers de brasser des capitaux considérables, sans jamais en être inquiétés.

L’échec répété des opérations anti corruption menées depuis plusieurs années contre ce phénomène impossible à éradiquer, a fini par accréditer l’idée selon laquelle ce fléau, qui ne serait pas exclusif à l’Algérie, est une fatalité structurelle contre laquelle le combat est perdu d’avance. Le discours selon lequel il serait plus raisonnable de s’en accommoder en amnistiant les auteurs plutôt que de perdre son temps à les traquer, fait du reste progressivement son chemin dans l’opinion publique dont une large frange serait même d’accord sur le principe, de ne plus poursuivre ces délinquants à la seule condition qu’ils bancarisent leurs avoirs. Un article de loi de finance leur permet même de bénéficier d’un certain nombre d’avantages s’ils consentaient à mettre l’argent malhonnêtement gagné en banque. Sans doute par manque de confiance cette opération qui doit s’étaler sur trois années, donne pour l’instant des résultats très mitigés.

Parce qu’elles les ont favorisés par certaines pratiques dont elles ont eux-mêmes usé à volonté, les autorités politiques sont elles aussi de plus en plus nombreuses à partager le principe de « passer l’éponge » sur des faits de corruption, notamment lorsqu’ils ont été commis par des personnes qui leur sont proches ou quelles cherchent à manipuler pour des objectifs politiques (financement de campagnes électorales par exemple).

Depuis de longues années, et sans doute encore plus durant cette dernière décennie, les autorités algériennes ont en effet promu toute une panoplie de dispositions qui ont fait le lit de la corruption : octroi de gré à gré de marchés publics à des connaissances, désignation clientéliste de dirigeants d’institutions et entreprises publiques, distribution tout aussi subjectives de logements, de véhicules, de bourses, de prises en charge médicales à l’étranger et autres avantages distribués sous formes de rentes. « Un wali qui vous accorde par amitié un logement et un terrain peut faire de vous, du jour au lendemain, un milliardaire », nous apprend à juste raison, un des responsables du Conseil national de la Concurrence à l’occasion d’une discussion informelle sur ce fléau.  Dans cette même logique d’enrichissement sans cause, la carte d’ancien moudjahid peut donner droit à de nombreux privilèges que les ayants droits revendent généralement à prix fort pour permettre aux acquéreurs d’importer des véhicules dénués de taxes douanières, d’acquérir des licences de débit de boissons alcoolisées, des terrains agricoles et à bâtir, en profitant d’importantes remises. A ce sombre tableau, il faudrait sans doute ajouter le fait que les pouvoirs algériens ont de tout temps entretenu le flou entre ce qui est légal, interdit ou toléré, entre le licite et l’illicite, favorisant ainsi le recours à l’arbitraire politique pour retirer ou redistribuer, au gré des allégeances, des avantages. C’est précisément ce flou qui permettra aux véritables commanditaires de la corruption d’échapper aux coups de filet périodiques des services de sécurité qui ne mettront, au bout du compte, la main que sur le menu fretin. Le mal est aujourd’hui profondément enraciné dans la société où se tissent des liens de solidarité entre les acteurs qui tirent profit de la corruption et certaines institutions publiques censées pourtant la combattre.

Nordine Grim

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