Le ministre de l’Energie Mustapha Guitouni, a sommé lundi les gros consommateurs d’électricité à rationaliser leur consommation, évoquant une « réflexion » au niveau du ministère, applicable à moyen ou à long terme, pour que les tranches à très forte consommation électrique paient le prix de cette énergie à « son juste prix », c’est à dire sans bénéficier du soutien de l’Etat.
S’exprimant lors d’une cérémonie de remise de décision de nomination du directeur de la région Est et des décisions et passations de consignes de plusieurs directeurs de distribution, organisée par la SDC (Société Algérienne de Distribution de l’Electricité et du Gaz), M. Guitouni a pointé du doigt le « gaspillage » de l’électricité qui continue de porter préjudice au Trésor public en raison des subventions conséquentes décaissées annuellement pour soutenir les prix de l’énergie.
« En juillet dernier, on est arrivé à un pic de consommation électrique de 13.900 MW et il ne restait pratiquement rien dans le sac. La Sonelgaz a su gérer la situation et a évité le recours aux délestages. Elle est arrivée à produire 1.000 MW supplémentaires dans des conditions très difficiles pour arriver à 14.000 MW contre 13.000 MW en 2016 », a-t-il observé.
Mais, a-t-il poursuivi, cette consommation record est certes le résultat de la canicule qui a marqué cet été, mais elle est surtout le fruit du « gaspillage » qui continue de caractériser la consommation des quelque 6 millions de clients sur les quelque 9 millions que compte la société.
« Nous gaspillons trop, et si on continue comme ça il va falloir qu’on revoie le prix de façon à ce que les gros consommateurs paient plus cher l’électricité », a-t-il lâché dans un point de presse tenu à l’issue de la cérémonie.
« Les couches défavorisées vont continuer à payer le prix subventionné mais les riches doivent payer le juste prix », a-t-il soutenu. Cependant, aucune augmentation des prix, même pour les gros consommateurs, n’est prévue « pour le moment », a-t-il insisté.
« Pour le moment, il n’y a aucune décision concernant l’augmentation du prix de l’électricité ou de l’énergie en général », a-t-il tranché en ajoutant que l’avant-projet de loi de finances pour 2018 « ne prévoit pas pour l’instant d’augmentation dans les prix de l’énergie ». Chiffres à l’appui, le ministre a tenu à démontrer que l’Algérie figurait parmi les pays de la région et au monde entier où l’énergie est la moins chère.
A titre d’exemple, en Algérie on paie 1,77 DA pour la première tranche de consommation électrique (250 à 500 KWh), qui regroupe en principe les couches les plus défavorisées, contre 9,06 DA au Maroc et 3,39 DA en Tunisie.
La deuxième tranche, qui concerne une consommation médiane, est payée à 4DA le KWh en Algérie contre 10,7DA au Maroc et 7DA en Tunisie alors que la 4ème tranche, qui regroupe les gros consommateurs, est facturée à 4DA en Algérie, à 15,98DA au Maroc et à 14 DA en Tunisie.
« La réflexion sur les prix doit être axée sur la 4ème tranche, c’est à dire les gros consommateurs », a-t-il insisté. Le gap entre les prix de l’énergie en Algérie et ceux dans les pays voisins ne se limite pas à l’électricité mais touche également les carburants, puisqu’avec une consommation annuelle de 15 millions de tonnes, l’Algérie pratique les prix les plus bas de la région.
Le prix moyen de l’essence, par exemple, est fixé à 32 DA/litre alors que ce carburant coûte en réalité 125 DA à l’Etat. Au Maroc on paie l’essence à 85 DA/litre et en Tunisie à 67 DA, a-t-il ajouté. Evidemment, la différence entre les coûts réels de l’Energie et les prix de vente est prise en charge par le Trésor public. Revenant sur la production électrique de la Sonelgaz durant l’été, il a, encore une fois, pointé du doigt le gaspillage qui pousse l’entreprise, regrette-t-il, à produire des quantités supplémentaires qui lui coûtent des milliards de dollars/an.
« En 2018 il faut mettre en place 2.000 MW d’électricité en plus. Cela nous coûte un investissement global entre 3 à 4 milliards de dollars », a-t-il avancé. Mais « c’est un montant conséquent qu’on pourrait utiliser dans d’autres secteurs si on arrive à rationaliser notre consommation électrique », note le ministre.
En plus, le gaz utilisé dans la production de cette électricité pourrait alors être économisé et exporté, ce qui fera rentrer des devises au pays, a-t-il soutenu en faisant remarquer que contre une puissance électrique de 14.000 MW en Algérie, la Mauritanie en a 400 MW, le Maroc 6.000 MW et la Tunisie 4.000 MW. « C’est que les prix bas en Algérie incite à la consommation », a conclu M. Guitouni.
Interrogé sur l’origine du déficit de la SDC, lequel a avoisiné les 51 milliards (MDS) de DA en 2016, le ministre a estimé que ce résultat est une « évidence du moment qu’on produit à un coût de 11,43 DA le KWH et on vend à 4DA, c’est à dire que l’Etat prend en charge les 8DA/KWH ». Pour faire face à cette situation il faudrait également assurer une meilleure maîtrise des coûts, préconise-t-il.
Interrogé sur les actions prévues par le ministère, il a avancé que des portes ouvertes sur ALNAFT (l’Agence Nationale pour la valorisation des Ressources en Hydrocarbures) seront organisées en septembre à Alger (au CIC du Club des Pins) où des ambassadeurs et des opérateurs publics nationaux seront conviés pour bien connaître les missions de cette agence dans la perspective de reprendre l’exploration et la recherche dans le domaine minier.
Il a également annoncé que l’Agence préparait le lancement du 5ème appel à la concurrence national et international pour l`octroi de périmètres de recherche et d`exploitation d`hydrocarbures, sans avancer de date.
33 milliards de DA de dégâts occasionnés sur le réseau de distribution en juillet-août
Interrogé sur la prochaine réunion de l’OPEP, prévue le 22 septembre à Vienne, il a rappelé que les pays concernés par l’accord sur la réduction de la production se dirigeaient vers un respect plus strict de leurs quotas de production. « Si l’on arrive à respecter les quotas à 100%, les prix vont rester raisonnables », a-t-il prédit. Présent à la rencontre, le Secrétaire général de l’UGTA Abdelmadjid Sidi Said a plaidé pour une « meilleure considération » des cadres algériens.
« Chez nous, on n’accorde pas suffisamment de considération et de respect à nos cadres. Il faut mettre fin au nomadisme des cadres pour aller plus vite dans le développement. Il faut redonner au cadre algérien sa dimension humaine et de manager », a-t-il vivement recommandé. M. Guitouni a, de son côté, assuré que » la stabilité de la ressource humaine était au centre de la feuille de route du Gouvernement ».
A son tour, le P-dg de SDC Mourad Ladjal a indiqué que le large mouvement qui a touché 16 directions de distribution et 72 agences commerciales allait garantir une meilleure prise en charge des besoins des clients.
Un bilan de la SDC présenté à cette occasion a fait ressortir un résultat déficitaire de la société de 50,8 MDS de DA en 2016 sur un chiffre d’affaires de 267,2 MDS de DA et des créances de 55 MDS de DA.
Les clients de la société étaient de près de 9 millions pour l’électricité en 2016 et près de 5 millions pour le gaz. Durant juillet et août 2017, la société a enregistré 763 d’incidents et d’interventions ayant touché notamment 21 wilayas et nécessité la mobilisation de 450 équipes. Le montant approximatif des dégâts occasionnés sur le réseau de distribution durant cette période est estimé à 33 MDS de DA.