Dans cet entretien accordé à Algérie-Eco, M. Akli Moussouni, Expert Senior/ Directeur des programmes au Cabinet de recherche et développement SIMDE COMPAGNY, revient sur la nouvelle approche du Gouvernement de développer les start-up et de faire d’elles un levier de développement en Algérie.
Algérie-Eco : L’Algérie veut faire des start-up un levier important de développement de l’innovation et de l’économie numérique et d’amélioration des services à la population. Pour commencer, qu’est-ce qu’une start-up?
M. Akli Moussouni : Selon WIKIPEDIA c’est « une jeune entreprise en démarrage, innovante à la recherche d’importants fonds d’investissement, avec un très fort potentiel éventuel de croissance économique et de spéculation financière sur sa valeur future ». Sous d’autres cieux, ces startups ont conçu leur propre modèle de développement au-delà du classique de l’entreprise ordinaire, pour devenir une entreprise plus importante avec de gros budgets en tant qu’ex-start-up. C’est-à-dire que le concept de « start-up » n’est qu’un passage en force de rien vers une place importante dans l’environnement. Malheureusement ce rêve ne se concrétise que pour une start-up sur 10 selon les données mondiales. A l’exception de quelques unes mondialement connues, la presque totalité des startups ont disparue avec leur fond en moins de 5 ans ; compte tenu de l’hyper-complexité des marchés pour les jeunes pousses.
Pour aider ces pousses censées avoir une vision on a inventé les accélérateurs de startups avec le financement des parties alléchées par l’idée, mais généralement, cette démarche ne peut être d’un soutien indéfini de la start-up qui doit voler de ses propres ailes dans un ciel obscurci par une complexité et concurrence sans états d’âme.
Plusieurs mesures ont été annoncées par les plus hautes autorités de l’Etat au profit des start-up et des jeunes porteurs de projets. Parmi ces mesures, on peut citer : La création d’un ministère délégué chargé de l’économie de la connaissance et des start-up, l’exonération de TAP et d’IBS au profit de ces jeunes entreprises, la création d’un fonds public destiné à financer les start-up, la prise en charge des risques de défaillance du porteur de projet par l’Etat, la création d’incubateurs de start-up et des labels pour ces dernières… Le dispositif offre, également, à des jeunes de la diaspora algérienne et des investisseurs étrangers la possibilité de s’impliquer dans la création et le financement de start-up. Que pensez-vous de cette nouvelle approche du gouvernement?
Après avoir arabisé à outrance l’enseignement on a fini par produire chaque année près d’un million de jeunes non formés pour se lancer dans un chantier économique qui n’existe presque pas pour ne l’avoir pas développé. Le peu qui existe fonctionne sur la commande de l’Etat financée exclusivement avec les recettes de l’exportation des richesses. Les secteurs censés productifs, en l’absence de la construction d’une économie universelle, ce sont transformés en charge pour l’Etat au lieu de lui produire des richesses. Par ailleurs, l’industrie, pour fonctionner, on doit lui importer les intrants et la matière première. En dehors des jeunes universitaires fraîchement formés, qui ont eu l’audace de partir sous d’autres cieux ont fini par s’en sortir en faisant le bonheur des autres pays contrairement à ceux qui sont restés au pays, gagnés par le malaise du chômage et la morosité quotidienne, se sont transformés à la longue en grand fardeau pour la société et une menace pour le pays au lieu d’une énergie pour son développement.
Devant cette menace, on a tout mis de côté pour situer les jeunes au centre des préoccupations, pour lequel ont ouvert le trésor public maladroitement en tant que « Porteur de projet » dans un contexte économique non planifié et non organisé. Dans l’incapacité d’admettre l’échec retentissant de cette politique démagogique autour du jeune « porteur de projet », il n’en demeure pas moins qu’on continu à entretenir cette politique en changeant jusque les dominations des dispositifs contre-productifs par rapport aux deniers de l’Etat. Le gouvernement Djerad sera par conséquent, le responsable de la déconfiture de l’économie du pays au moment où le jeune et le moins jeune en âge de travailler doivent être impliqués et encadrés à travers une politique de création de richesses dans un pays qui en regorge.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire, mais prendre des décisions politiques inappropriées en guise de programme économiques risque de mener le pays dans l’impasse au regard du contexte économique mondial et du marché incertain de l’énergie, seule ressource en devises du pays qui ne produit presque rien d’autre.
Quand on se remémore l’échec du dispositif Ansej (devenu Anade) pour ce qui est des micro-entreprises. Ne risque-t-on pas de refaire la même erreur avec les start-up? Le développement de ces entreprises est-il réalisable en Algérie? Comment peut-il se réaliser le développement? Quel est le potentiel de l’Algérie en la matière?
A nos yeux, la création de deux ministères délégués auprès du 1er Ministre dont l’un est chargé des microentreprises et de l’économie de la connaissance et des startups pour un même dispositif qui incarne la faillite de 220.000 PME qu’il est impossible d’assainir sans l’effacement total de l’ardoise ne fera que compliquer la situation à une économie globale du pays au bord de l’impasse et dont les conséquences se font sentir déjà sur la vie quotidienne des citoyens. Le gouvernement Djerad est en train de commettre un impair car aucun modèle de développement n’est applicable pour notre pays dans son contexte actuel non planifié.
Le développement de ce type d’entreprises est faisable dans les limites de ses possibilités de manœuvre dans un environnement assaini au préalable des contraintes contre-productives. Ce développement ne peut se réaliser qu’avec la construction de chaîne de valeur en filières dont la notion doit être partagée entre l’opérateur d’une part dont le souci est de rentrer dans ses fonds régulièrement avec une marge qui lui permettra de doper ses actions et l’Etat d’autre part disposant d’une vision globale à terme et où il n’intervient que dans des cas exceptionnels et en relations avec la marche mondiale ou autre événement imprévu. L’opportunité de mise en place d’un tissu économique en toiles actives doit être orienté dans une 1ère étape à s’inscrire dans la logique de rééquilibrage du commerce extérieur du pays.
Le ministre Yacine El Mehdi Oualid, a déclaré lors de la dernière rencontre dédiée aux start-up qui a été tenue à Oran : « l’édification d’une économie forte nécessite la conjugaison des efforts pour la création d’un tissu de start-up capables de relever les différents défis auxquels le pays fait face, économiques notamment ». A elles seules, les start-up peuvent-elles être le moteur du développement?
Il est difficile d’accorder du crédit à ce genre de discours qui ne relève d’aucune logique économique connue. L’édification d’une économie c’est l’affaire de tous les secteurs et de toutes les parties concernées pour mettre en œuvre des politiques agricoles, industrielles ou autres à l’abri des tâtonnements qu’on ne finit pas de reproduire à contre-courant du bon sens et des exigences de logique universelle de l’économie. Ni la start-up ni la microentreprise n’ont jamais servi de modèle de développement pour l’imposer à un contexte économique gravement malade de sa configuration archaïque. C’est une reconfiguration radicale du paysage économique qui s’impose au pays avec la valorisation de toutes les potentialités productives actuellement mises en hibernation. C’est uniquement là que toute la population en âge d’exercer s’épanouira sur un terrain propice pour mener une activité professionnelle cohérente décente et digne à l’abri des aventures politiciennes sans lendemain, faisant dans l’évaporation sans limites les deniers de l’Etat.