Dans un entretien publié hier mercredi sur le site Sputnik News, le ministre de l’Énergie, Abdelmadjid Attar, a dressé un portrait de Sonatrach peu reluisant, une société qui tâtonne, sans stratégie précise. Il a également abordé la question de l’exploitation du gaz de schiste et le rachat de la raffinerie d’Augusta en Italie.
« La Sonatrach est une société pétrolière, elle doit construire sa propre stratégie. Elle doit être présente sur les marchés et faire de la veille stratégique », a indiqué le ministre qui a rappelé que « le groupe disposait d’une petite structure commerciale en Espagne mais elle a été dissoute pour des raisons que j’ignore ».
« Cette situation fait que nous sommes sur la défensive alors que nous devons être offensifs. Ce n’est que lorsque le GNL américain a commencé à nous prendre des parts de marché en Europe que nous avons compris qu’il fallait réagir », a affirmé le ministre de l’Énergie, dans le même entretien.
« La vision commerciale des cinq prochaines années doit être tracée aujourd’hui, nous ne pouvons plus attendre », a indiqué le ministre qui a rappelé l’absence de maîtrise par la Sonatrach des transactions sur le marché spot.
« La compétition a imposé la vente en valorisation spot, au prix du jour. Cependant, la Sonatrach a continué à défendre les cessions à long terme. Les études disent que d’ici à 2025, plus de la moitié des quantités de GNL seront commercialisées sur le marché spot », a souligné le même responsable.
« Nous devons reconnaître que nous ne maîtrisons pas ce type de transactions. La Sonatrach aurait dû avoir une vision en matière de trading pour s’adapter au marché », a affirmé le ministre.
M. Attar a également fait état des difficultés de Sonatrach dans ses projets à l’international, notamment en Afrique. « Nous avons raté beaucoup d’opportunités dans ce qui devrait être notre zone de prédilection car nous avons d’excellentes relations avec beaucoup de pays du continent », a-t-il estimé.
« Augusta ne peut pas raffiner de pétrole algérien »
Abordant le rachat par Sonatrach de la raffinerie d’Augusta en Italie, le ministre de l’Énergie a indiqué qu’ « il s’est avéré qu’Augusta ne pouvait pas raffiner de pétrole algérien mais du brut saoudien et azerbaïdjanais ».
Questionné sur la loi sur les hydrocarbures votée en 2019, M. Attar a indiqué qu’ « en arrivant au ministère, en juin 2020, je n’ai trouvé aucun texte en préparation ».
« En fait, l’anomalie était la suivante: cette loi a été élaborée par la Sonatrach. Les décrets d’application devaient également être préparés par la compagnie. Mais rien n’avait été fait », a-t-il poursuivi.
« Nous ne misons pas sur le gaz de schiste »
Interrogé sur l’exploitation du gaz de schiste, le ministre a précisé : « Nous ne misons pas sur le gaz de schiste. Ce gaz est là, il s’agira de l’exploiter à l’avenir de façon rentable et en respectant l’environnement mais pour l’heure, cela n’est pas possible. Et ce n’est pas pour demain. La solution de l’Algérie est la réussite de sa transition vers les énergies renouvelables et les économies d’énergie », a-t-il précisé, en affirmant qu’il n’est pas opposé aux énergies renouvelables.
« Voilà plus de dix ans que je défends le développement des énergies renouvelables, seulement il ne faut pas le faire avec n’importe qui », a-t-il ajouté.
Abordant le partenariat de Sonatrach avec des compagnies pétrolières russes, le ministre a précisé que « les partenaires russes peuvent jouer un rôle important dans le pays. Gazprom et Lukoil, qui ont des moyens conséquents, peuvent parfaitement opérer avec la Sonatrach en Algérie et à l’étranger ».
« Nous les encourageons à faire des propositions à la compagnie nationale. Sonatrach pourrait s’engager en Irak avec Lukoil, qui est très présente dans ce pays », a-t-il ajouté.
« J’étais contre la décision de vendre les actions Anadarko et Duke Energy »
Évoquant la vente des actions Anadarko en 2003, alors que Chakib Khelil était à la tête du ministère de l’Énergie, M. Attar a rappelé qu’il s’était opposé à cette vente.
« J’étais contre la décision de vendre les actions Anadarko et Duke Energy lorsqu’elles avaient été proposées. Ces actions rapportaient des dividendes qui ont permis à la Sonatrach d’investir au Pérou et dans d’autres pays. Finalement elles ont été cédées », a déploré Abdelmadjid Attar.
« Il serait pertinent de savoir à quoi cet argent a servi. A-t-il été utilisé pour faire de la Sonatrach un gros producteur dans un État africain ou au Moyen-Orient, en Irak notamment où le potentiel est énorme ? Il est évident que non », a indiqué le ministre.
« Je ne veux pas faire de commentaires sur l’usage de cet argent. Je sais seulement que cette vente n’a pas été une bonne affaire pour l’Algérie. Ces actions auraient pu nous être utiles au sein même d’Anadarko mais elles ont été vendues. Nous devons les oublier », a expliqué Abdelmadjid Attar.