Selon le magazine américain Time, 2020 est la pire année de l’histoire de l’humanité, en raison de l’apparition du coronavirus, de ses conséquences sur l’ordre social et économique, mais aussi du fait de son lot de mauvaises nouvelles et de désastres écologiques. Un avis largement partagé par les observateurs de l’industrie pétrolière. Beaucoup estiment que cette année a été la pire de l’histoire du secteur, avec notamment le baril qui est descendu un instant sous la barre de 0 dollar aux Etats-Unis, la demande qui s’est repliée à un niveau record et enchaînement des difficultés jamais rencontrées auparavant par les entreprises pétrolières. En Afrique, comme ailleurs, l’onde de choc a été durement ressentie. Voici cinq évènements qui ont marqué le secteur africain du pétrole en 2020.
L’impact du coronavirus : Au premier trimestre, la vague de contaminations au coronavirus, apparu en Chine, se propage dans le monde entier et quasiment tous les gros consommateurs de pétrole sont touchés.
Pour faire face à la situation et réduire les niveaux de contamination, de nombreux gouvernements ont imposé à leurs populations des mesures de confinement strict à domicile. Par conséquent, les transports publics ont réduit leurs activités, les déplacements sont interdits et les vols nationaux et internationaux sont limités. Cela va affecter la demande mondiale de pétrole qui va se contracter jusqu’à descendre aux niveaux de 2009.
La Chine qui porte la croissance de la demande connaît un recul important de sa consommation, en raison de perturbations majeures sur les voyages et les échanges commerciaux. Dès février, l’empire du Milieu, qui est l’un des plus grands consommateurs de pétrole africain, enregistre un plongeon de plus de 20% de sa demande et annule plusieurs contrats à terme.
Dans ce contexte de baisse de la demande, les producteurs africains, qui souffraient déjà de la faiblesse des cours, s’apprêtent à affronter un marché où ni l’offre, ni la demande, ni les cours ne satisferont leurs besoins de croissance. En mars, Zainab Ahmed, la ministre nigériane du Pétrole, déclare que le gouvernement travaille sur un scénario catastrophe à 30 dollars le baril, alors que les prévisions budgétaires fixaient le brut à 57 dollars pour 2020.
Le pétrole africain perd des parts de marché : Avec la baisse de la demande, certains producteurs ayant des prix de production assez bas, comme l’Arabie Saoudite et la Russie, inondent le marché du brut pour que les cours chutent. La surproduction leur permet d’intéresser de gros acheteurs et d’arracher des parts de marché importantes à leurs concurrents, notamment africains. Déjà frappés par la chute de la demande et faisant face à des situations financières difficiles, les pays africains ne peuvent pas s’aligner sur les prix de cette concurrence opportuniste. Ainsi, l’Inde qui est le troisième plus grand marché de consommation de pétrole du monde, réduit ses importations de pétrole africain sur la moyenne annuelle. Idem pour la Chine et d’autres importateurs de l’Asie-Pacifique.
Le fournisseur mondial de données pour les marchés financiers Refinitiv, qui a donné l’information, fournira prochainement les chiffres détaillés pour étayer cette situation. Il faut rappeler que l’Asie est le plus gros marché de consommation de pétrole du monde.
Grâce à leur boom pétrolier, les Etats-Unis, quant à eux, ont réduit de 63% leurs importations de pétrole nigérian au premier trimestre. Sur les trois premiers mois de l’année 2020, les USA ont importé 5,53 millions de barils de pétrole brut du Nigeria, contre 15,07 millions de barils au quatrième trimestre de 2019.
L’accord de réduction de l’offre de l’OPEP+ : Face à la surabondance de pétrole sur le marché et les cours qui n’arrangent pas les finances des pays producteurs, l’OPEP et ses alliés, réunis au sein du groupe OPEP+, négocient une réduction massive de 9,7 millions de barils par jour. C’est la plus grande baisse de production de l’histoire. L’objectif est de faire monter rapidement les cours.
Consécutivement à cette annonce, les producteurs africains se voient attribuer des quotas de réduction. « Même si les réductions de production sont inférieures à ce dont le marché avait besoin, le pire est pour l’instant évité », indique Magnus Nysveen, analyste chez Rystad Energy, alors que l’Arabie saoudite et la Russie, membres de l’OPEP+, s’étaient lancées dans une guerre des prix qui menaçait de noyer tous les efforts consentis jusque-là pour adapter l’offre à la demande.
Les pays africains respirent un peu, car les prix enregistrent une légère augmentation. Mais ils restent loin des 60 dollars le baril, seuil à partir duquel on estime que les marges sont suffisantes pour l’industrie.
Environ 900 millions $ de revenus pétroliers perdus au premier trimestre par le CEMAC : D’après une note d’analyses de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), la situation qui prévaut, a fait perdre aux Etats du bloc, près de 900 millions de dollars de recettes pétrolières, au 1er trimestre 2020. Ceci, avec un cours du baril moyen à environ 26 dollars à mi-mars contre 60 dollars à fin 2019. « Ces pertes sont liées au fait que l’activité économique en zone CEMAC a été négativement impactée par le ralentissement enregistré au niveau mondial, au cours de l’année 2019, du fait des incertitudes sur les politiques publiques ; et la situation s’est aggravée avec l’arrivée de la pandémie du coronavirus vers la fin du premier trimestre 2020 », a expliqué l’institution financière. Ce bloc, composé du Cameroun, de la Centrafrique, du Congo, du Gabon, de la Guinée équatoriale et du Tchad, est le plus grand groupe régional de production de pétrole d’Afrique.
Le blocus du maréchal Haftar : Après plusieurs années de violences entre Tripoli à l’ouest et Benghazi à l’Est, le maréchal Khalifa Haftar a décidé de sonner la fin des hostilités. Il prend, dans un premier temps, le contrôle de l’Est, région auparavant contrôlée par des groupes armés qui exploitent aussi les installations du croissant pétrolier. Cela l’encourage à lancer une offensive d’envergure pour prendre le contrôle de Tripoli et mettre fin au bicéphalisme.
Pour rappel, Tripoli abrite le Gouvernement d’union nationale reconnu par les Nations unies, qui contrôle aussi l’administration de la société publique du pétrole (NOC) et les ventes.
Pour affaiblir le Gouvernement d’union nationale dirigé par Fayez al-Sarraj, à partir de janvier 2020, le maréchal instaure un blocus sur les opérations pétrolières dans leur entièreté. L’opération vise aussi à priver l’ouest de ressources pour financer ses gardes et milices qui résistent à l’armée de Haftar.
Les champs de production et les ports pétroliers restent ainsi fermés jusqu’en septembre, occasionnant des pertes de plus de 10 milliards de dollars pour la NOC.
Ecofin