L’économie informelle représente entre 30 % et 35 % du PIB national de l’Algérie. Ce chiffre est communiqué par la Banque d’Algérie dans son rapport sur les risques liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme qui vient d’être publié.
« L’économie informelle en Algérie, qui représente entre 30 % et 35 % du PIB, constitue non seulement un manque à gagner fiscal pour l’État et un facteur de concurrence déloyale envers le secteur formel, mais aussi un vecteur de risques accrus de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme », explique la Banque d’Algérie, soulignant que « ce constat est appuyé par plusieurs rapports émanant d’organisations internationales telles que le FMI et le GAFI. »
« Ce secteur se caractérise par une forte informalité tant dans les transactions commerciales que dans l’usage des facteurs de production. Il est alimenté principalement par l’importante circulation fiduciaire et la prépondérance des paiements en espèces, habitudes profondément enracinées dans la société. Cette situation complique le contrôle des flux financiers en dehors des circuits bancaires, accroissant ainsi les risques BA/FT », lit-on dans le rapport.
Et d’ajouter : « Consciente de cette vulnérabilité, l’Algérie a engagé des mesures structurelles pour réduire l’ampleur de l’économie informelle. Ces mesures visent à favoriser l’intégration des opérateurs économiques dans le secteur formel et à restreindre l’usage du cash ».
Pour faire face aux vulnérabilités structurelles de son économie, notamment la prédominance du secteur informel et l’usage massif du cash, l’Algérie a mis en œuvre « un plan d’actions multidimensionnel visant à renforcer l’inclusion financière et à encadrer les flux financiers. »
« Cela s’est traduit par la reconnaissance du droit au compte bancaire, la promotion des paiements électroniques, l’interdiction des paiements en espèces dans certains secteurs, et la formalisation d’activités informelles par des dispositifs tels que l’auto-entrepreneuriat et la micro-importation. Des mesures réglementaires strictes encadrent également les flux de capitaux transfrontaliers », selon le rapport.
En parallèle, l’Algérie a renforcé son arsenal juridique et opérationnel en matière de lutte contre le financement du terrorisme (FT), « avec la création d’un comité national des sanctions, l’obligation de gel des avoirs, la consultation systématique des listes de sanctions et la mise en place d’un système automatisé d’alerte, garantissant ainsi une surveillance proactive et conforme aux normes du GAFI. »
Dans son rapport annuel 2024, la Banque d’Algérie a fait état d’une augmentation de la circulation fiduciaire hors banques, affichant un taux de croissance de 10,76 % en 2024 contre 8,63 % en 2023, passant ainsi de 8 030,76 milliards de dinars (59 milliards de dollars) à fin décembre 2023 à 8 894,52 milliards de dinars (environ 66 milliards de dollars) à fin décembre 2024.
Selon la banque centrale, « la circulation fiduciaire hors banques a contribué à hauteur de 39,30 % à la croissance de la masse monétaire. » Elle représente, effectivement, « une composante significative de la masse monétaire avec une part de 33,53% du total de M2, posant ainsi un défi majeur pour l’inclusion financière en Algérie. »
Les principales menaces
En outre, le rapport sur les risques liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme identifie les principales menaces, les secteurs vulnérables et les modes utilisés pour dissimuler les fonds issus d’activités illégales. L’objectif de cette évaluation est de renforcer « l’approche de supervision fondée sur les risques » mise en place par la Banque d’Algérie, conformément aux recommandations du GAFI, le Groupe d’action financière. Ce dernier a inscrit l’Algérie sur sa « liste grise » en octobre 2024.
La corruption figure également parmi les menaces majeures, même si elle est désormais classée quatrième « après ajustement des effets des grandes affaires de 2021–2022 ». Les produits issus de la corruption prennent la forme « d’espèces, de biens de valeur, d’immobilier et de véhicules ». Ces avoirs sont principalement générés en Algérie, puis blanchis localement ou transférés vers des « juridictions à risque ». Le phénomène touche tout le pays, avec une concentration autour d’Alger. Les profils impliqués sont souvent des agents publics, des administrateurs ainsi que des entrepreneurs et industriels du secteur privé.
Le rapport relève que « le système financier est exposé indirectement, notamment via le secteur immobilier ». Ce dernier sert de canal privilégié pour dissimuler l’origine de fonds illégaux. Des achats de biens immobiliers sont effectués à travers des promoteurs, où les auteurs « dissimulent leur profil pour contourner les contrôles ». Le blanchiment de fonds ne se limite pas au territoire national. Des flux illicites sont aussi envoyés vers plusieurs pays étrangers, ce qui accroît le risque de transferts financiers transfrontaliers non déclarés.
La fraude fiscale est présentée comme la principale infraction sous-jacente, représentant 35,1 % des saisies et confiscations entre 2019 et 2023. Elle se traduit par la sous-déclaration des revenus, notamment dans les secteurs de l’importation, de la construction, des travaux publics, de l’immobilier et du commerce.
Les produits tirés de ces fraudes sont souvent blanchis par « l’investissement immobilier, l’acquisition de biens de luxe ou le recours au marché parallèle pour convertir les fonds en devises ». Selon la Banque d’Algérie, cette situation « expose directement le secteur bancaire », car les entreprises concernées « réalisent couramment des opérations bancaires », ouvrant la voie à l’introduction de fonds illégaux dans le circuit formel.
Le rapport cite aussi le trafic de drogue, la contrebande, les infractions douanières et le trafic de migrants comme vecteurs de risque. Les revenus liés au trafic de drogue sont partiellement blanchis par des investissements immobiliers ou l’achat de biens de luxe, tandis que certains transferts s’effectuent à travers des circuits informels ou par le biais de migrants.
Les infractions douanières sont considérées comme « à risque moyen », mais elles ont un impact direct sur le système bancaire. Elles incluent des « manipulations de prix », comme la sous-facturation ou la surfacturation, ainsi que des « fausses déclarations de devises » ou la détention de marchandises interdites. Les secteurs les plus exposés sont l’agroalimentaire, le textile, l’électronique et la pièce de rechange.
La Banque d’Algérie estime que le système bancaire n’est que partiellement affecté, car seules « la fraude fiscale et l’infraction douanière » ont un effet direct sur lui. L’établissement public le plus exposé reste toutefois Algérie Poste, en raison de « l’étendue de son réseau, le volume important de ses opérations, et la diversité de sa clientèle », ainsi que de « mécanismes de contrôle internes encore insuffisants ».






