Le Directeur général de l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA), Dr Fawzi Derrar, s’est exprimé, mercredi 28 avril 2021, sur la situation épidémiologique liée au coronavirus en Algérie qui connaît depuis quelques jours un rebond des contaminations par ce virus. Le Dr Derrar a également évoqué la situation liée aux variants britannique et nigérian du covid-19 ainsi que l’acquisition des vaccins anti-coronavirus.
« Actuellement, il y a une nouvelle dynamique qui s’installe après une période d’accalmie, et cette constatation vient de certains indicateurs tels que l’apparition des variants, ou une sollicitation un peu plus que d’habitude du système de santé. Ce qui fait que cette dynamique est en train de repartir vers la hausse, et maintenant, l’objectif est de ‘négativer’ cette dynamique », a relevé le DG de l’IPA, sur les ondes de la radio chaîne 3.
Selon lui, pour négativer cette dynamique, « c’est faire une stratégie qui est basée sur le comportement ». Parce que, a-t-il constaté, il y a un relâchement quasi-total quant au respect des mesures barrières (port du masque et distanciation physique). « Même si pour certains citoyens, la pandémie est derrière nous, ce qui est totalement faux. Il faut absolument revenir sur les mesures adaptées aux interactions sociales, en terme de protection et de port du masque », a-t-il dit. « Il va falloir freiner cette évolution pour ne pas aller vers une troisième vague », a-t-il estimé.
Rappelant qu’il n’y a aucun pays au monde qui appelle à un confinement tous les jours, le DG de l’IPA a indiqué qu’il faut adapter les mesures de lutte contre la pandémie en fonction de l’évolution de la situation. « Nous avons une situation épidémiologique très enviable, et c’est pour ça que nous avons pu adapter ces mesures », a-t-il expliqué, en citant les exemples de places publiques rouvertes afin de permettre aux gens de respirer. « Mais, à aucun moment, nous avons dit, qu’il faut remettre en cause les mesures barrières ou les abandonner », a-t-il souligné.
L’urgence est de freiner l’évolution de la situation
« Le premier son de cloche vient du premier responsable du pays, qui a tenu à rappeler hier à l’occasion de la réunion avec le Comité scientifique, toute l’importance de revenir vers les mesures strictes. Parce que derrière, l’objectif immédiat est de freiner l’évolution » de la pandémie, a-t-il dit, et pour cela, a-t-il enchaîné, il s’agit « de revenir vers un protocole sanitaire stricte. Parce que, si on reste sur ce relâchement et abandon des mesures barrières, il faut savoir qu’on est en train de rechercher l’épidémie », a-t-il mis en garde.
Estimant que la vaccination n’aura pas d’effet immédiat sur la dynamique de l’épidémie, Dr Derrar a indiqué que l’urgence est de freiner l’évolution de la situation et pour cela, il faut revenir aux mesures barrières qui empêchent le virus de se transmettre. « Si on abandonne les mesures barrières en disant qu’il n’y a pas assez de vaccins, c’est l’effet inverse qui va se produire. Il y a une vaccination qui est en train de se dérouler progressivement. Elle est ce qu’elle est actuellement, mais, elle va vers un niveau meilleur. (…) Il faudra se focaliser actuellement sur le comportement », a expliqué le DG de l’Institut Pasteur.
Concernant le retour à un « reconfinement » au vu de la situation épidémiologique actuelle, Dr Derrar a fait savoir que ce point a été évoqué hier (mardi) lors de la réunion d’évaluation présidée par le président Tebboune. Selon lui, ce qui a découlé de cette réunion, c’est de revenir vers des mesures « strictes » en matière de comportement à l’échelle individuelle et collective. « Si on veut que cette épidémie soit contrôlée et maintenue en état de contrôle, il faut absolument revenir aux mesures barrières », a-t-il insisté.
Estimant que la fermeture des frontières du pays a contribué « grandement » a freiner la propagation de pandémie du coronavirus. « Heureusement pour nous, les frontières ont été maintenues fermées quand les variants du Covid-19 sont apparus et quand l’Institut Pasteur a détecté les premiers variants, nous étions dans un état de fermeture qui a, à mon avis empêché que le variant se diffuse plus rapidement qu’il l’est actuellement », a-t-il expliqué.
50% du variant britannique en Algérie circule dans la capitale
Par les chiffres, le professeur Derrar dénombre 130 cas du variant britannique et 200 cas du variant nigérian qui ont, en un temps record atteint 20 wilayas déjà, avec 50% du variant britannique (le plus inquiétant) qui circule à Alger. « Il faut vraiment avoir une vision très précise. Il faut revenir vers la sensibilisation, parce qu’il y a péril en la demeure, si on reste dans cet état de fait, c’est-à-dire, si on reste dans cet état de relâchement, il ne faut pas s’alarmer si vous voyez des chiffres qui indiquent une troisième vague », a-t-il prévenu.
Selon le DG de l’IPA, la vitesse de propagation du variant britannique dans les pays où il circule a été « multipliée » et ça va créer une surcharge sur le système de santé, et c’est qu’on veut éviter, car, a-t-il expliqué, le personnel de santé est fatigué. « Il est extrêmement important d’aider notre personnel médical et para-médical en renforçant les protocoles sanitaires et les mesures de distanciation en amont pour empêcher cette pression et surcharge que nous ne voulons pas voir au niveau du système de santé », a-t-il indiqué, ajoutant que cela « va nous emmener à changer de comportement rapidement, parce que, si nous ne changeons pas de comportement, si nous ne portons pas de masque et que nous n’observons pas la distanciation, cela veut dire que nous ne voulons pas que cette épidémie se termine ».
Sur la dangerosité du variant britannique, Dr Derrar a noté qu’il tend à remplacer de plus en plus le virus classique. « Depuis que nous avons détecté, depuis les premières opérations de séquençage le 19 février le premier cas, on regarde que la courbe est en train d’augmenter, et celui qui porte le plus lourd fardeau en terme de variants, est la wilaya d’Alger », a-t-il précisé, appelant à ce que tout le monde ait conscience de « la gravité de la situation ».
En outre, le DG de l’Institut Pasteur a laissé entendre qu’un « reconfinement » ciblé n’est pas écarté. Selon lui, c’est l’une des grandes orientations du chef de l’Etat lors de la réunion d’hier, et qui consiste à regarder de très près les enquêtes épidémiologiques concernant les variants au niveau des wilayas, des communes et daïras, « pour que nous puissions adapter des mesures rapides au niveau de certaines wilayas », a-t-il dit, en faisant savoir que 20 wilayas ont des variants du Covid-19 et d’autres sont très calmes actuellement. « Il faut d’abord qu’on maintienne cet état de fait pour s’occuper des zones où il y a une circulation de variants accrue », a-t-il recommandé.
Acquisition prochaine de de 300 000 doses de vaccin « Sputnik V »
Dr Derrar a estimé que « la tension sur le vaccin est mondiale et on assiste au diktat des fournisseurs », expliquant que ces derniers « ont intérêt d’ouvrir des marchés ça et là et donc ils ont chamboulé un peu le programme d’acquisition ce qui fait que nous ne recevons plus le vaccin selon le planning d’action initialement établi ». Toutefois, il rassure que les choses vont se débloquer progressivement dans les tous prochains jours.
Il a annoncé l’acquisition prochaine d’un quota de 300 000 doses de vaccin russe « Sputnik V » et l’arrivage d’un autre quota « plus important » en juin, en vue « d’élever la cadence » de la vaccination. « Nous recevrons un quota de 300 000 doses de vaccin russe dans les tout prochains jours, ce qui nous permettra d’élever la cadence de la vaccination », a déclaré le Dr Derrar, en faisant également savoir qu’un autre arrivage « plus important » de vaccins aura lieu en juin prochain.
Outre le vaccin russe, le DG de l’IPA a fait savoir qu’il y aura également le vaccin chinois, et que des discussions sont engagées avec d’autres fournisseurs pour d’éventuelles acquisitions. Dr. Derrar a tenu, à cette occasion, à rassurer la population que le rythme de la vaccination va augmenter, notamment avec l’acquisition d’importants quotas de doses de vaccins qui pourraient atteindre « un million de doses à partir de juin prochain », a-t-il déclaré, signalant que « 60% des personnes inscrites sur la plate-forme sont vaccinées ».
A la question de savoir quelle attitude prendre par rapport au vaccin AstraZeneca, boudé par les Algériens, le directeur de l’IPA a conseillé de conforter l’action de sensibilisation au sein de la population qui s’impose face à une situation critique qui ne laisse pas le choix. « Une personne vaccinée est un vecteur de transmission en moins », a-t-il dit et pour cela il a recommandé aux citoyens de s’inscrire sur la plateforme de vaccination », a-t-il dit.