Les deux institutions clés de l’investissement dans les secteurs publics et privés que sont respectivement, le Conseil des Participations de l’Etat (CPE) et le Conseil National de l’Investissement (CNI), ne se sont pas réunies depuis plus d’une année. Plus exactement depuis novembre 2019, selon un responsable d’une société de Gestion de participations (SGP) qui a requis pour des raisons qu’on peut comprendre l’anonymat.
Sans l’autorisation expresse de ces instances gouvernementales, aucune entreprise quelle que soit son statut juridique, ne peut promouvoir des investissements d’une valeur supérieure à 50 millions de dinars. Aucune de ces sociétés ne peut non plus, obtenir un ou plusieurs avantages prévus par le Code des Investissements et, encore moins, procéder à des privatisations ou à des investissements directs étrangers (IDE) sous formes de partenariats. Le CPE a en effet pour missions d’assurer la surveillance stratégique des capitaux marchands de l’Etat et d’approuver les projets d’investissement et de privatisation que lui ont soumis les entreprises publiques, tandis que le CNI est chargé d’examiner et d’approuver les gros projets d’investissements à la charge d’opérateurs privés nationaux et étrangers. C’est dire à quel point la mise en veilleuse de ces deux institutions présidées par le premier ministre peut être ruineuse pour le pays, en raison des blocages multiformes qu’elle peut susciter à divers rouages de l’économie.
Selon des informations recueillies, il y a un peu plus d’un mois auprès du ministère de l’industrie, il y aurait au minimum 400 dossiers d’investissements, de privatisations et de partenariats Publics-Privés, qui attendent, selon les cas, le feu vert du CPE ou du CNI. On ignore les raisons de cette longue éclipse, même si l’ex ministre Ferhat Ait Ali avait eu, on s’en souvient, l’intention ferme de réformer de fond en comble, ces deux instances qui jouent le rôle d’interface entre l’Etat et le monde des entreprises. Il avait même évoqué son intention de les dissoudre pour les remplacer par des formules plus souples et mieux adaptées à la situation présente. On sait que cet ex ministre a été démis de ses fonctions, avant d’avoir eu le temps de mettre en œuvre les réformes promises.
Mais le problème dont l’Algérie souffre aujourd’hui est que ce dernier avait pris la décision d’interdire au CNI et au CPE de prendre des décisions relatives aux investissements, sans toutefois proposer d’alternatives au vide juridique et institutionnel ainsi provoqué. Les visas de ces deux instances sont de par la loi, toujours requis et aucun investissement, aucune privatisation, aucun partenariat public-privé ne peut se faire sans eux. Tous les dossiers d’investissements transmis au CNI pour approbation sont de ce fait gelés. Certains attendent une décision depuis plusieurs années, ce qui en fait des projets irréalisables tant les éléments de calculs de leurs business plans se sont plus d’actualité. Une situation à tous points anormale a l’heure où l’Algérie, en proie à une crise multidimensionnelle, a besoin vital de croissance et d’emplois que seuls les investissements et l’activité économique peuvent procurer.
Le Conseil des Participations de l’Etat (CPE) qui préside aux destinées du secteur public, n’a également pas échappé à cette déstabilisation qui a mis le secteur public économique en état d’hibernation, selon les propos du même responsable de SGP.
Composé d’une dizaine de ministres et présidé par le premier ministre, le Conseil des Participations de l’Etat devait en effet, lui aussi, être soumis à des réformes dont l’ex ministre de l’Industrie s’était gardé de préciser les contours, mais dont on devinait déjà à travers ses déclarations favorables à l’ère Boumediene, son intention de revenir au système de planification sectorielle qui régissait l’investissement public. Pour l’ex ministre ce n’est pas aux entreprises publiques de décider de la nature des investissements à promouvoir, mais à son département ministériel, autrement dit à l’Etat, redevenu entrepreneur comme dans les années 70. Il avait même annoncé son souhait de céder, selon cette même logique, le complexe d’El Hadjar à l’Armée Nationale Populaire, de revoir le mode de gestion des zones industrielles et de restructurer toute la filière de l’industrie électronique, sans devoir passer par le CPE qu’il voue à la dissolution.
La mise en veilleuse du CPE et du CNI a eu pour effet de mettre en stand bye la vie économique toute entière, en bloquant notamment la dynamique d’investissement qui détermine en grande partie la croissance et les niveaux d’offres d’emplois. C’est une situation périlleuse pour l’avenir du pays, du fait qu’elle engendre des retards dans le développement de toutes nos filières industrielles, subitement empêchées d’évoluer au gré des avancées technologiques mondiales. Beaucoup d’entreprises publiques et privées seront déclassées du seul fait qu’on ne leur a pas permis d’effectuer les investissement de réhabilitation et de modernisation dont avaient besoin leurs équipements de production.. Ne dit-on pas qu’ « En économie, celui qui n’avance pas, recule! ». Et c’est malheureusement ce qui passe de puis quelques années et, plus gravement encore, depuis la fin de l’année 2019.
Dans un pays où la Constitution proclame la liberté d’entreprendre, le bon sens recommande évidemment de supprimer ces deux entraves à la liberté d’investir que constituent effectivement le CPE et le CNI. Tous deux sont en effet conçus pour maintenir les gros investisseurs sous contrôle du pouvoir, avec toutes les dérives que ce genre de verrouillage comporte (pertes de temps, blocages, corruption, passe-droits etc.). L’Algérie ayant un immense besoin d’investissements pour créer de la richesse et des emplois, la logique aurait en effet voulu, que l’on supprime « l’obligation de l’autorisation d’investir » et qu’on la remplace, comme cela se passe dans tous les pays développés, par « une simple déclaration d’investir ». En effet, on n’autorise pas une entreprise à investir, bien au contraire on devrait l’encourager par toutes sortes de moyens, à commencer par la suppression du carcan bureaucratique qui décourage les plus téméraires d’entre eux !! Cela serait de nature à booster, non seulement, l’investissement, mais aussi et surtout, à mettre fin aux velléités de corruption et de passe-droits, auxquels les verrouillages bureaucratiques du CPE et du CNI, avaient ouvert la voie.