Les informations en provenance de Libye et des pays directement impliqués dans le conflit qui oppose le gouvernement de Faiez Serraj, officiellement reconnu par l’Organisation des Nations Unies, au belliqueux maréchal Aftar, qui gouverne la région pétrolière de Benghazi, constituent autant de signes avant-coureurs d’un probable engagement armé dans ce pays, avec lequel l’Algérie partage plus de 1000 km de frontières.
Depuis ces tout derniers mois, la voie diplomatique semble avoir été en effet, abandonnée au profit d’actes militaro-politiques qui préparent le lit d’un conflit armé qui promet d’être long et dur, tant les pays impliqués dans le conflit sont financièrement puissants et surarmés. Il y a, d’un coté, la Turquie membre de l’Otan qui est épaulée par le Qatar et les États-Unis d’Amérique, qui prétendent venir au secours du régime de Faiez Serradj et, de l’autre, l’Égypte voisine, appuyée par l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, la Russie et la France qui disposent chacun d’énormes arsenaux de guerre. Ce qui inquiète le plus dans l’état actuel du conflit, ce sont évidemment les feux verts accordés aux dirigeants des principaux belligérants (Turquie, Égypte notamment) par leurs parlements qui les autorisent à prendre toutes les mesures qu’ils jugeraient nécessaires pour mener des actions militaires hors de leurs territoires. La Turquie et l’Égypte ont du reste accomplis cette formalité à grand renfort médiatique, comme pour mettre leurs adversaires devant le fait accompli. La Turquie a été jusqu’à demander l’appui du Niger avec qui l’Algérie partage une frontière, sans doute pour y parquer tous les terroristes islamistes encombrants dont elle voudrait se débarrasser après les avoir utilisés dans le conflit syrien. Un geste qu’on ne peut évidemment pas qualifier d’innocent et, encore moins, d’amical envers notre pays.
Il y a donc aujourd’hui de bonnes raisons de s’inquiéter que les armes s’expriment au lieu et place de la diplomatie qui s’est, comme nous l’affirmions plus haut, totalement effacée de la gestion de ce conflit, à travers lequel les belligérants se disputent en réalité d’immenses intérêts, à la fois, matériels (pétrole et gaz) et géostratégiques (confrontation entre les alliés turcs et qataris d’obédience frères musulmans et ceux, à tendance salafiste, regroupant les Emirats Arabes, l’Egypte et l’Arabie Saoudite). Les grandes puissances (USA, Russie, Chine et France) pourvoyeurs d’armes, ne sont évidemment pas loin de ce bourbier qui risque de s’achever par une reconfiguration territoriale de la région, tant les positions des uns et des autres, paraissent inconciliables.
Depuis que la Turquie a tout récemment acheminé par avions une dizaine de milliers de terroristes islamistes (17.000 selon la chaîne Skynews) sur sa base militaire d’El Watiya, située non loin de la frontière algérienne, tout parait aujourd’hui possible en matière d’escalade militaire. Certaines chaînes TV ont également confirmé à coups de reportages filmés que beaucoup de « drones » turcs opèrent à travers tout le territoire libyen, ce qui n’est pas non plus rassurant pour un pays limitrophe comme le notre. Un simple incident pourrait en effet allumer la mèche et dégénérer en conflit armé ouvert pouvant mettre à feu toute la région.
L’inquiétude est d’autant plus grande, que des informations en provenance de l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH), rapportées par de nombreux médias et réseaux sociaux, indiquent que la majorité de ces mercenaires sont syriens, ce qui prouve bien que la Turquie ne cherche pas tant à provoquer une guerre classique dans la région, mais une guérilla conduite par des terroristes aguerris qui pourraient s’allier aux tribus libyennes pour de l’argent ou au nom de convictions religieuses. Il ne faut également pas écarter l’éventualité d’une arrivée massive de « Daechistes » et de mercenaires de tous genres, qui viendraient exacerber la violence dans cette région d’Afrique du Nord désormais ouvertement convoitée pour ses richesses multiformes.
L’autre partie en conflit (Egypte, Emirats Arabes unis, Arabie Saoudite et Russie), ne chôme pas non plus. La chaine Skynews, nous apprend que les Emirats et l’Egypte appuyés par la Russie sont en train de déployer dans les zones pétrolières de Syrte et d’El Jufra que la Turquie ambitionnait de contrôler, des missiles et des avions de combats de dernières générations.
En dépit de la précipitation des événements dus à l’offensive d’Aftar contre Tripoli et de l’envoi par les belligérants (notamment la Turquie et l’Égypte) de troupes étrangères pour la bloquer, l’Algérie ne manifeste pour l’instant aucun signe d’inquiétude, du moins en apparence, car elle ne peut pas rester insensible à l’escalade militaire qui se déroule sous ses yeux et à sa frontière. Elle continue à reconnaitre le gouvernement Serraj comme seul représentant de la Libye, conformément à une résolution de l’ONU et persiste à défendre son option pour un traitement politique du conflit. Les autorités militaires algériennes ne semblent pas considérer l’envoie de troupes turques en Libye comme un danger imminent ni même la bruyante entrée en lice de l’Egypte qui vient d’obtenir l’accord de son parlement pour mener guerre contre tout ennemi qui s’approcherait trop de sa frontière proche du croisant pétrolier de Benghazi. Les derniers événements qui se sont déroulés dans la région et les réactions possibles de l’Algérie pour défendre sa souveraineté et ses intérêts ont sans doute été largement débattus lors de la réunion du Haut Conseil de Sécurité qui s’est tenu lundi passé à Alger, mais rien n’en a pour l’instant, filtré tant en matière d’évaluation que de prises de décisions.