Docteur Wafa Boudissa, la jeune femme médecin (28 ans) décédée enceinte vendredi 15 mai à l’hôpital de Ain El Kebira (wilaya de Sétif) après avoir contracté le coronavirus, avait demandé à trois reprises un congé exceptionnel, mais sa demande a été refusée par le directeur de l’EPH de Ras El Oued (Wilaya de Bordj Bou Arreridj), a confié ce samedi son époux au journal Liberté.
Dr Wafa Boudissa exerçait comme médecin généraliste à l’hôpital de Ras El Oued de la wilaya de Bordj Bou Arreridj. Elle a rendu l’âme après un séjour d’une semaine à l’hôpital d’Ain Kebira, la ville où elle réside.
Smara Chawki a expliqué que sa défunte épouse « était très consciente du danger et des risques qu’elle encourait mais elle ne pouvait rien faire face à l’entêtement de l’administration », et que « le premier responsable de l’hôpital de Ras El Oued a rejeté à trois reprises sa demande d’un congé exceptionnel ».
« Le directeur a refusé de faciliter la tâche à ma femme. Devant l’absence de transport de et vers Sétif à cause des mesures prises par le gouvernement ainsi que l’état de santé de mon épouse et sa grossesse, j’ai opté pour la location d’un appartement au niveau de Ras El Oued où j’ai emménagé le premier jour du ramadan, cependant la mort l’a arrachée à la vie avec mon enfant que nous avons tant attendu », a-t-il témoigné au journal Liberté.
Une enquête a été ouverte
Le ministre de la santé, Abderrahmane Benbouzid et la ministre de la solidarité Kaouter Krikou se sont rendus samedi matin au domicile de Ain El Kebira pour présenter les condoléances à la famille de la défunte Dr Boudissa.
Benbouzid a indiqué que « le ministère de la santé a ouvert une enquête pour déterminer les circonstances de la mort du médecin enceinte, survenue à l’hôpital d’Ain Kebira, après avoir contracté le Coronavirus alors qu’elle exerçait à l’hôpital de Ras El Oued dans la wilaya de Bordj Bou Arreridj », a déclaré le ministre à son arrivée à l’aéroport de Sétif.
Relevant que l’enquête était en cours à l’hôpital de Ras El Oued, menée par l’inspecteur général du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Benbouzid a ajouté que « jusqu’à présent, aucune accusation n’est portée contre quiconque ». Il a, dans ce sens, affirmé « attendre les résultats de l’enquête ».
Au domicile de la défunte jeune médecin, le ministre a fait savoir que l’inspecteur général du ministère s’est rendu ce matin à l’hôpital de Ras El Oued pour enquêter sur les circonstances du décès, affirmant que des mesures seront prises suite au rapport de ce dernier et tous ceux qui ont commis l’erreur assumeront leur responsabilités.
Les précisions du directeur de l’EPH de Ras El Oued
Tard dans la soirée de vendredi, le directeur de l’EPH de Ras El Oued a réagi dans un communiqué posté sur Facebook pour apporter des précisions concernant le décès de la jeune médecin enceinte.
Il a indiqué que la femme médecin a été hospitalisée le 9 mai à l’hôpital de Ain El Kebira, localité où elle résidait. Selon la même source, sa contamination par le covid-19 a été confirmée par l’institut Pasteur d’Algérie le 12 mai et elle est décédée trois jours plus tard (15 mai) à l’hôpital de Ain El Kebira.
Il a précisé que Dr Boudissa exerçait à l’hôpital de Ras El Oued et vu l’éloignement de son lieu de résidence (Ain El Kebira, ndlr), elle travaillait selon le système de rotation de deux jours de travail et deux jours de récupération.
Le directeur a ajouté que l’EPH de Ras El Oued ne dispose pas de service dédié à la prise en charge des cas de covid-19 et ces derniers sont pris en charge à l’hôpital de la ville de Bordj Bou Arreridj.
« Le médecin travaillait au service des urgences chirurgicales (de l’EPH Ras El Oued, ndlr) à sa demande et malgré qu’on lui a proposé le transfert au service pédiatrie ou maternité », lit-on dans le communiqué qui précise que Dr Boudissa n’a pas été en contact avec les cas de Coronavirus et qu’elle ne peut être exposée au danger.
Cité par le journal Liberté, le président du syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique, Lyès Merabet, a fait savoir que son syndicat a présenté « le 26 mars dernier des propositions au ministère de la santé afin de faire bénéficier les femmes soignantes et aide soignantes enceintes d’un congé exceptionnel Covid 19 ».
« Après un mois de notre proposition remise au ministère, nous avons été destinataires de l’instruction N° 18 du 26 avril instruction qui a fait fi de nos doléances », a déploré Lyes Merabet.