L’Algérie depuis l’indépendance politique est une économie fondamentalement rentière, le système financier, enjeu énorme de pouvoir, étant étroitement connecté à la production de la rente. Toute augmentation ou baisse du cours des hydrocarbures avec les dérivés (98/97% des recettes en devises) ont eu des incidences à la fois économiques et politiques comme en témoigne les impacts politiques de la crise de la baisse du cours entre 1986/1990.
1.-Les dernières données des statistiques douanières de janvier 2020 2019 n’incitent guère à l’euphorie, autant que la baisse d’environ de 25% du niveau des ventes de gaz ( 33% des recettes de Sonatrach) en direction de l’Europe en 2019, selon Bloomberg. Les prévisions de l’AIE donnent un cours du pétrole relativement bas, pour 2020/2021 ne dépassant pas 60/65 dollars , le marché pétrolier étant actuellement en surchauffe de 5/7 dollars le baril du fait des tensions géostratégiques entre l’Iran et les USA et économiques entre les USA/Chine , la faiblesse de la demande et la perspective d’une offre abondante, la Russie, toujours très dépendante des hydrocarbures, tablant à moyen terme sur un baril de pétrole à 60 dollars, selon son ministre de l’Energie. L’Algérie ne possédant pas une économie diversifiée, 98% de ses recettes en devises avec les dérivées provenant des hydrocarbures, du fait d’importants retards dans les réformes structurelles, devra se préparer à contrecarrer une très grave crise économique 2021/2022, supposant la résolution rapide de la crise politique. C’est que selon la direction générale des douanes de janvier 2020, le déficit commercial se creuse accusant une hausse de 5,75 milliards (MDS) de dollars sur les onze premiers mois 2019, contre 3,88 milliards de dollars en 2018, soit une hausse du déficit estimée à 48%, ce qui donnerait en tendance 6,30 milliards de dollars. Les exportations ont atteint près de 32,62 milliards de dollars, contre 38,12 mds pour 2018 soit une baisse de 14,44%, ce qui donnerait en tendance fin 2019 41,58 milliards de dollars. Les importations, malgré des mesures de restrictions draconiennes qui ont paralysé la majorité de l’appareil de production productif , ayant assisté en 2019 à la fermeture et à la la sous utilisation des capacités de milliers d’unités dont les matières premières importées, sans compter les équipements, représentent plus de 85% ,ont atteint 38,37 mds usd, contre 42 mds usd en 2018 , soit une légère une baisse de 8,66%, ce qui donnerait une tendance fin 2019 , environ 41,58 milliards de dollars et une couverture des importations à hauteur de 85,01%, contre 90,76% à la même période de 2018. Les hydrocarbures ont représenté l’essentiel des ventes soit 92,76% du volume global des exportations, en s’établissant à 30,25 mds usd, contre près de 35,45 mds usd, à la même période 2018, en baisse de 14,65% et les exportations hors hydrocarbures demeurent insignifiantes, avec près de 2,36 mds usd, ce qui représente 7,24% du volume global des exportations, contre 2,67 mds usd à la même période en 2018, en baisse de 11,70%. Mais fait important, les exportations hors hydrocarbures sont composées des demi-produits, avec 1,78 md usd, constitués de dérivées d’hydrocarbures donnant directement et indirectement 98% des exportations relevant de la rente. Mais le document de référence doit être la balance de paiement qui inclut les sorties de devises des services et pas seulement la balance commerciale qui se limite aux biens au montant d’importation de biens. Aux sorties de devises des biens, il faudra jouer les services qui ont fluctué entre 9/11 milliards de dollars entre 2010/2018, ne pouvant pas les réduire fortement, car n’ayant pas investi dans le savoir. Ce qui donnerait pour un minimum de 9 milliards de dollars de services, un solde négatif de 15/16 milliards de dollars, restant donc un montant de réserves de change en référence au montant du 318/12/2018 de 79,8 milliards de dollars , d’environ 62/63 milliards de dollars au 31/12/2019 alors que l’ex gouvernement prévoyait 51,6 milliards de dollars de réserves de change fin 2020 .
2.- Selon les hypothèses du PLF2020 qui prévoit une coupe sévère dans les dépenses d’équipements (-18 ,7%) et une légère baisse des dépenses de fonctionnement (1,2%), nous aurions fin 2020 un déficit du budget de -1.533,4 milliards de dinars -12,30 milliards de dollars (-7% du PIB) et un déficit du Trésor de -2.435,6 milliards de dinars -20,65 milliards de dollars (-11,4% du PIB), avec une dette publique de 8530 milliards de dinars -72,30 milliards de dollars- soit 41,4% du PIB. Les recettes se basent sur une augmentation des revenus des exportations des hydrocarbures en 2020 de 2% par rapport à 2019 pour atteindre 35,2 milliards de dollars, le gouvernement reconnaissant un recul des quantités d’hydrocarbures exportées de 12% à fin juillet 2019 après une baisse de 7,3 % en 2018., mais sans préciser que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz naturel( GN-76% et GNL-24%) dont le cours a connu une baisse d’environ 40% des dernières années fluctuant pour le cours du marché libre en 2019 entre 2/3 dollars le MBTU. Aussi, ce niveau des réserves de change fortement dépendant des recettes de Sonatrach, a été calculé avec l’hypothèse d’un niveau des importations, de 38,6 milliards de dollars en 2020 avec un déficit de la balance des paiements de 8,5 milliards USD en 2020 contre 16,6 milliards de dollars en 2019, soit une baisse de 8,1 milliards de dollars. Or au rythme des indicateurs de 2019, les réserves de change, existant des limites aux restrictions d’importations déjà fortes en 2019, devraient clôturer au 31/12/2000 à 47 milliards de dollars fin 2020 et non 51,6 comme annoncé par le PLF2020, ce qui supposera une loi de finances complémentaire. Car continuer à restreindre les importations de biens et services, l’Algérie étant une économie fondamentalement rentière, le risque est un l’accroissement du taux de chômage qui risque de dépasser les 13% de la population active en 2021. D’ailleurs fin décembre 2019, l’Office national des statistiques (ONS) a annoncé que le taux de croissance économique de l’Algérie a atteint 1,2% durant le 3ème trimestre 2019, contre 1,3% à la même période de 2018 et que de juillet à septembre 2019, ce taux étant inférieur à la pression démographique. Pour atténuer les tensions sociales, avec une population totale en 2019 dépassant 43 millions et une population active dépassant 12,5 millions, le taux de croissance devrait être pendant plusieurs années, avec une nouvelle architecture économique reposant sur les nouvelles technologies, entre 9/10% en termes réels afin de créer chaque année 350.000/400.000 emplois/an, des emplois productifs et non des emplois rente. Aussi évitons d’induire en erreur l’opinion publique que la seule loi des hydrocarbures (toujours le mythe de la rente) va automatiquement augmenter les recettes en devises du pays, l’attrait de tout investissement dépendant du climat politique, du climat des affaires et pour les hydrocarbures du futur vecteur prix international et des couts de Sonatrach qui nécessite un nouveau management, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables financièrement. Méditons l’expérience récente : pour la période 2000/ à fin avril 2019, selon les données internationales, les entrées en devises ont été supérieur à 1000 milliards de dollars dont plus de 950 provenant de Sonatrach , et sans compter les dépenses en dinars, et les sorties de devises, importation de biens et services ont été d’environ 925 milliards de dollars et l’Algérie a eu un taux très modeste de croissance entre 2/3%. Selon une étude pour la région MENA, l’Algérie dépenserait deux plus par rapport à des pays similaires pour avoir deux fois moins de résultats : mauvaise allocation des ressources, mauvaise gestion, corruption ou les trois à la fois ? Le divorce entre les objectifs et les moyens de réalisation (faiblesse des capacités d’absorption) entraîne un gaspillage des ressources rares, avec une mauvaise gestion que l’on voile par de l’activisme et sans bilan réel,(comme la règle des 49/51%), une fuite en avant dans des projets non maturés, ensuite mal faits, souvent réévalués expliquant le faible taux de croissance non corrélée à l’importance de la dépense publique (moyenne de 3% entre 2010/2019). On ne peut assister à une baisse du taux de croissance et paradoxalement affirmer que le taux de chômage diminue ou que le pouvoir d’achat augmente, amplifié par la concentration excessive des revenus au profit d’une minorité rentière et non de créateurs de richesses.
En conclusion il y a urgence de profondes réformes politiques et économiques de profonds changements pour solutionner la crise politique et économique durablement loin des replâtrages conjoncturels. L’on devra éviter la sinistrose mais également l’autosatisfaction démagogique destructrice, l’Algérie possédant toutes les potentialités de sortie de crise, sous réserve d’une réelle volonté politique de profondes réformes structurelles. On ne gère pas un pays comme une épicerie, mais en se projetant sur l’avenir dans un monde incertain et turbulent supposant des stratégies de veille d’adaptations perpétuelles. L’on devra revoir le modèle de consommation énergétique dans le cadre d’une loi organique de la transition énergétique, le fonctionnement des institutions, l’actuelle politique économique qui conduit le pays droit au mur, dans le cadre d’une planification stratégique liant efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale et surtout de la résolution la crise politique, sans laquelle aucun investisseur sérieux ne viendra. Et la solution se trouve dans le dialogue productif avec des concessions réciproques entre le pouvoir, l’opposition et la majorité de la société civile représentative.. Aussi, les objectifs stratégiques du président de la république est de réunir tous les enfants de l’Algérie et de redonner confiance , en tenant compte de toutes les sensibilités par la culture de la tolérance afin d’en faire un pays émergent : l’Algérie en a les potentialités.