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Présidentielle du 12 décembre: Un scrutin à haut risque

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Aller à la hussarde vers une élection présidentielle que le peuple algérien rejette, en raison de la forme et du contenu que l’état major militaire veut lui donner, constitue l’objectif central d’un pouvoir préoccupé beaucoup par la sauvegarde du système politique qu’il incarne, qu’à résoudre la crise politique qui secoue le pays, depuis le déclenchement de la révolution du 22 févier 2019.

Il faut dire que c’est la survie de tout un régime bureaucratique et rentier, discrètement dirigé par le haut commandement militaire, qui est en jeu, avec le risque bien réel, qu’il emporte ce dernier dans sa chute. Les dirigeants concernés perdraient alors des intérêts colossaux tout en risquant d’être jugés pour toutes les malversations et autres dérives qu’ils ont commises.

C’est, très probablement, ce qui explique le forcing électoral auquel diverses institutions s’attèlent sur ordre de l’état major, pour mettre très rapidement en place tout l’arsenal juridique et institutionnel nécessaire à la tenue du scrutin présidentiel, autoritairement fixé au 12 décembre prochain. L’idée des militaires est de parvenir, coûte que coûte, à organiser ce rendez-vous électoral à la date prévue, l’objectif  étant de faire élire le futur président de la république qui aura pour mission essentielle de sauver le système politique en place et, plus précisément, la classe dirigeante et ses principaux relais. Les enjeux de ce scrutin étant considérables, on a pu remarquer à quelle vitesse la machine électorale s’est subitement mise en branle ces deux dernières semaines dès que le chef d’état major en a donné l’ordre. Un ordre brutal comme seuls les militaires savent en donner qui a réussi la gageure de sortir le Parlement et les institutions publiques de leur habituelle léthargie. L’Assemblée Nationale et le Sénat sont parvenus en à peine une semaine à examiner, approuver et promulguer toute la batterie de textes législatifs nécessaires à modélisation et à l’organisation du scrutin tel qu’exigé par le haut commandement militaire. Il s’agit on l’a compris des lois relatives au nouveau régime électoral et à la création d’une autorité nationale indépendante des élections appelée à monopoliser le processus électoral de bout en bout. C’est elle qui recevra et validera les candidatures, organisera l’élection de manière autonome à travers tout le territoire national, effectuera les dépouillements et comptages et annoncera les résultats du scrutin. Elle disposera pour ce faire, d’un budget conséquent et des moyens humains et matériels des collectivités locales. C’est dire l’importance de cette instance sur laquelle va reposer le sort de ce rendez vous électoral, que l’état major de l’armée à décidé d’entreprendre sous cette forme et, non pas, sous une autre, ce qui laisse la porte ouverte à une méfiance qui peut générer une abstention à grande échelle et de sérieux doutes quant à la légitimité du président qui sortira de ces urnes peu crédibles aux yeux des algériens.

Mais, à supposé que ce scrutin ait lieu, il suffirait d’un simple soupçon sur la conduite de l’élection par cette nouvelle instance électorale dont on doute de l’indépendance du fait même de ses dirigeants directement ou indirectement désignés par le pouvoir, pour que la zizanie et la remise en cause des résultats s’installent. La contestation de la légitimité du prochain chef de l’Etat sorti de ces urnes suspectes, serait de nature à aggraver encore plus l’instabilité politique, avec tous risques de  dérapages qui pourraient résulter.

Le risque est d’autant plus à craindre que, tel que conçu par le panel de Karim Younes, ce scrutin ne peut fonctionner qu’avec l’appui des partis et organisations de masses (FLN,RND,UGTA,UNFA,UNPA,ONEC etc.) et les administrations, sur lesquels le système politique algérien, s’est toujours appuyé pour donner une façade légale aux joutes électorales jamais honnêtes et transparentes, qu’il organise. Ce sont eux qui racoleront les quelques personnes disposées à voter, rempliront les meetings du « candidat du consensus », animeront les plateaux des chaînes de télévisions et organiseront les festivités de légitimation en faveur de l’élu généralement connu d’avance. En cas de contestation populaire se sont précisément ces « baltajis » qui affronteront dans la rue les contestataires avec, comme cela s’est toujours fait, le soutien et la complicité des autorités locales et nationales.

Tout cela, bien entendu, dans l’hypothèse que le scrutin du 12 décembre puisse se tenir. Et, il n’est pas du tout  sûr qu’il se tienne, ne serait-ce qu’au regard de la contestation populaire qui n’arrête pas de s’amplifier, depuis son avènement un certain 22 février 2019. Ces manifestations qui mobilisent depuis plus de six mois des millions d’algériens à travers tout le territoire national, ne sont pas prêtes de s’arrêter, dopées en cela, par l’autoritarisme et les maladresses d’un chef d’état major qui a choisi la voie de la brutalité plutôt que celle du dialogue, qui aurait certainement mieux convenu à un conflit politique de cette nature. Les arrestations arbitraires et les intimidations dont sont victimes de nombreux algériens, aux rangs desquels, figurent des personnalités politiques emblématiques (Lakhdar Bouregaa, Karim Tabbou,  Samir Benlarbi, louisa Hanoune, les généraux à la retraite Benhadid et Khediri et autres), ne feront qu’exacerber les tensions, avec la risque de pousser des millions d’algériens, jusque là pacifiques, à la radicalisation. Le calcul selon lequel le recours des manifestants à la violence, peut justifier la proclamation de l’état de siège doit absolument être écarté des intensions de ceux qui poussent depuis la déchéance de Abdelaziz Bouteflika, au pourrissement, pour la simple raison que le peuple algérien a prouvé au monde entier son pacifisme parfois dans des conditions de provocations policières extrêmes. Un  éventuel état de siège ne ferait que compliquer la situation politique interne et susciter une levée de boucliers de la communauté internationale, que nos émigrés ne manqueront pas de sensibiliser sur la question algérienne qui pourrait, si elle n’est correctement prise en charge, déborder sur tous les pays du Maghreb et sur la rive sud de la Méditerranée.

Gérer de manière aussi brutale un processus électoral, auquel le peuple est opposé pour des raisons qui peuvent très bien se comprendre, ne peut à l’évidence, rien apporter de bon au pays, quand bien même, par la ruse et la force, le pouvoir en place, parviendrait à organiser ce rendez-vous du 12 décembre. Le problème ne réside effectivement pas dans l’élection du futur chef d’Etat algérien, mais dans le respect et légitimité que devrait lui accorder cette élection. Or ce n’est pas du tout ce que le pouvoir est en train de concocter aux millions d’algériens qui ont voté contre cette élection, à l’occasion de trente grandes manifestions populaires depuis le 22 février 2019. Des millions d’algériens ont ainsi dit non à toute élection qui ne serait organisé pas organisée par une instance de transition, qu’ils auront eux même constituée, comme les y autorisent les articles 7 et 8 de la constitution.

Face au risque réel d’embrasement qu’encourt l’Algérie, du fait de l’autisme d’une classe dirigeante qui feint d’ignorer les millions d’algériens sortis réclamer des droits pourtant reconnus par la constitution, ne serait-il pas mieux indiqué de gérer politiquement et, non pas, de façon martiale, comme tend à le fait le chef d’état major militaire? Notre conviction est que ce conflit politique pourrait rapidement se dénouer, pour peu que le haut commandement militaire, véritable détenteur du pouvoir en Algérie, consente à appeler le hirak à désigner lui-même ses représentants avec qui négocier directement les conditions de sortie de crise. Cette issue ne sera  évidemment possible que dans la mesure où l’état major de l’armée garantit solennellement la sécurité des représentants du hirak et se montre réceptif aux doléances des millions de manifestants algériens. A défaut les jours à venir pourraient sombres, aussi bien, pour le peuple algérien qui risque de pâtir d’une répression de plus en plus aveugle et violente, que pour le commandement militaire, qui verra un mécontentement populaire à grande échelle, directement braqué sur lui.

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