Flairant le danger que peut constituer un aussi vaste regroupement de syndicats autonomes sur le verrouillage programmé du scrutin présidentiel d’avril 2019, le gouvernement a contre toute légalité constitutionnelle refusé d’agréer la Confédération des syndicats autonomes qui en avait fait la demande en décembre dernier.
La transformation du Forum des Chefs d’Entreprises (FCE) en confédération de syndicats patronaux beaucoup plus tangente sur le plan de la légalité a par contre été agréée par le même gouvernement créant ainsi une détestable image d’injustice auprès de l’opinion publique et des syndicats concernés. Ces derniers se sont en effet élevés au cours d’une conférence de presse contre cette décision autoritaire qui permet la création d’un syndicat patronal qui regroupe des patrons de différentes branches d’activité et refuse l’agrément qui revient de droit à une confédération de syndicats ouvriers. « C’est le monde à l’envers » a estimé à juste raison un des responsables des treize syndicats autonomes affiliés à cette confédération qui a pris le nom de Confédération des Syndicats autonomes (CSA). Ils n’ont toutefois pas l’intention de se laisser faire en menaçant de recourir à diverses formes de contestations, grèves y compris, si le ministère du Travail ne répare pas « l’injustice » d’ici le début du mois de mars prochain. Les treize membres du CSA considèrent le rejet dont ils sont victimes, non pas, comme une réponse fondée sur le Droit, mais comme un « coup bas » faisant partie d’une série d’intrigues, que le pouvoir s’apprête à fomenter pour empêcher toute résistances au cinquième mandat. Cette Confédération forte de 13 syndicats libres regroupant 4 millions d’adhérents de divers secteurs d’activité, risque effectivement de constituer un sérieux obstacle au processus de réélection, engagé par le pouvoir en place et ses traditionnels satellites. .
Ces syndicats qui échappent au contrôle du pouvoir ont en effet réussi ce que les partis de l’opposition n’ont jamais pu réaliser, à savoir, s’unir autour d’un homme ou d’une fédération politique agissant au nom d’un ensemble de partis. C’est un événement d’une extrême importance, appelé à changer à terme le mode de fonctionnement du syndicalisme autonome algérien, qui gagnerait ainsi en puissance revendicative et en capacité de mobilisation. Cette Confédération de syndicats autonomes tiendrait sa force de son rayonnement à travers divers secteurs d’activités (entreprises publiques et privées, fonction publique etc.) présents dans tout le territoire national. A terme, elle pourrait même bénéficier d’un soutien international grâce aux appuis multiformes que lui apporteront les communautés algériennes vivant à l’étranger. Avec leurs nombreux adhérents et leurs grèves massivement suivies, les syndicats autonomes regroupés en confédération finiront par casser, si ce n’est pas déjà fait, le monopole de l’Union Générale des travailleurs Algériens (UGTA) qui continue, malgré la désertion de ses troupes, à régenter le monde syndical grâce aux faveurs que lui accordent aujourd’hui encore, les autorités politiques algériennes.
Forte de sa bien réelle représentativité, cette union syndicale de treize membres ne se laissera certainement pas faire, comme l’a martelé au cours de la conférence de presse son président, monsieur Sadek Dziri, qui a égrené toutes les formes de démarches et de protestations possibles, à mener bruyamment si nécessaire, afin de rétablir le CSA dans son droit à disposer de cet agrément que le ministre du travail lui a abusivement refusé. Elle a déjà engagé un bras de fer avec le ministère concerné, pour recouvrer les droits que lui confèrent la Constitution et la législation relative au dialogue social. En cas de refus d’agrément, les responsables de la Confédération pourraient également contester énergiquement par des mouvements de grève et autres actions de déstabilisation du front social, que le pouvoir préférait éviter durant la période électorale, de crainte que tous les syndicats affiliés au CSA appellent à protester massivement contre la reconduction du président actuel à un 5éme mandat. Dans cette conjoncture politique ultra sensible, les fondateurs du CSA ont donc de bonnes chances de remporter leur bras de fer avec le pouvoir, pour peu qu’ils se montrent, comme ça sera très certainement le cas, suffisamment déterminés à passer à l’action frontale.