La loi de l’offre et de la demande est implacable. Elle s’applique à tous les commerces de biens et de services, le pétrole y compris. Et à ce titre on peut dire que les stocks regorgent d’hydrocarbures en attente d’une hypothétique relance de l’économie mondiale pour les absorber. Une relance qui se fait malheureusement attendre et dont les grandes institutions économiques et financières mondiales (FMI, Banque Mondiale, Agence Internationale de l’Energie etc.) semblent douter quand elles évoquent les perspectives du marché pétrolier à court et moyen terme. Il faut dire que l’offre mondiale de pétrole et de gaz naturel n’est plus ce qu’elle était il y a à peine une décennie. Les grandes découvertes d’hydrocarbures effectuées dans de nombreux pays d’Afrique (Angola Zimbabwe, Nigéria etc.), d’Asie (Pays du golfe, Iran, Irak etc.) et d’Australie notamment, ont mis sur le marché des quantités supplémentaires considérables. L’exploitation massive d’hydrocarbures non conventionnels (pétrole et gaz de schiste) aux Etats-Unis et au Canada notamment, a contribué à noyer les marchés internationaux, « spot » y compris, d’or noir. Une situation de nature à générer une crise de sur abondance de l’offre qui a impacté négativement et durablement les cours des hydrocarbures. Ce trop plein de stock a été exacerbé et, continue encore à l’être, par une demande mondiale que la faiblesse de croissance économique continue à tirer vers le bas. Après le déclin momentanément contenu de 2016 et 2017, un nouveau cycle de baisse de prix est en train de s’opérer sous nos yeux depuis ces toutes dernières semaines au terme desquels les cours du pétrole ont significativement reculé.
Si la légère reprise des cours constatée ces six derniers mois a effectivement donné quelques lueurs d’espoir notamment aux pays fortement dépendants de la rente pétrolière, la baisse tendancielle qui a entamé tout récemment son cycle sonne malheureusement comme un rappel au déterminisme imparable de l’offre et de la demande que des événements conjoncturels peuvent certes perturber momentanément mais jamais détourner définitivement de son cours normal que constitue la réalité, autrement dit, les données concrètes du marché mondial. Un marché que seule la disponibilité ou non du pétrole et du gaz peuvent réguler, quand bien même certains facteurs exogènes viendraient à perturber, comme ce fut le cas ces six derniers mois, cette incontournable logique. On peut citer, entre autre, la réduction des quotas de production conclus par les pays de l’OPEP et la Russie, les événements géopolitiques particuliers, les arrêts techniques qui ont affecté certains puits et pipelines à travers le monde, certaines déclarations de hauts responsables de grandes institutions internationales comme celle de la directrice générale du FMI qui a annoncé à grand renfort médiatique une forte reprise de la croissance mondiale, les spéculations boursières et les manipulations à la hausse ou à la baisse du dollar américain).
Ce sont précisément ces effets conjoncturels, seuls ou combinés, qui ont fait que les cours du pétrole ont quelque peu grimpé tout au long de ces six derniers mois avant d’opérer une redescente qui risque de ramener le prix du baril à moins de 60 dollars dans les toutes prochaines semaines. La triste réalité des surstocks dopés par une production massive de pétrole et de gaz de schiste a rattrapé le marché dont la préoccupation essentielle n’est plus de vendre au meilleur prix mais la certitude de pouvoir écouler ses stocks qui n’arrêteront pas de se déprécier sous l’effet d’une surproduction qui va à contre courant d’une économie mondiale en relative stagnation. A moins d’un spectaculaire retournement de conjoncture que pourrait provoquer une guerre, un achat massif d’hydrocarbures par la Chine et certains grands pays émergents ou reprise subite de la croissance mondiale, la tendance à l’accumulation de stocks a toutes les chances de se poursuivre et s’amplifier. Incités par l’augmentation des cours de ces six derniers mois les producteurs de pétrole et de gaz de schistes se sont en effet lancé dans une course effrénée à l’extraction. Prés d’un millier de nouveaux puits ont été forés en quelques mois dans divers états américains portant la production des Etats-Unis à environ 10 millions de barils/jour, devenant ainsi le plus gros producteur mondial de pétrole, qui faut-il le rappeler peut, depuis une récente décision du congrès américain, être commercialisé à travers le monde.
Les pays producteurs de pétrole risquent donc de faire une nouvelle fois les frais d’un second cycle de baisse des prix qu’il sera cette fois difficile de contenir par des ententes de cartels. Les stocks disponibles sont trop importants et par conséquent plus difficiles à écouler sur les marchés internationaux et notamment le marché spot de Rotterdam où la concurrence sera de plus en plus féroce. Pour obtenir de nouveaux marchés ou seulement garder leurs clients attitrés, certains négociants seraient prêts à brader leurs produits au risque de provoquer une nouvelle dégringolade des prix dont pâtiront surtout les pays fortement dépendants de la rente d’hydrocarbures.