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Etat ou Marché : Le débat continue

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Sans nul doute le débat sur le périmètre de l’état ne cessera jamais. Normal ! Il y a un processus d’expérimentation et d’apprentissage qui s’opère. Les derniers développements économiques internationaux ont remis la question du rôle de l’état à l’ordre du jour. Un processus de remise en cause du néo-libéralisme est enclenché avec de nouvelles visions économiques, comme la théorie monétaire moderne (Modern Monetary Theory). Il faut dire que la crise de 2007 a été si rude qu’elle a laissé des traces sur les performances économiques ainsi que sur la manière de penser les économies modernes.

La crise des Subprimes a causé beaucoup de dégâts à l’économie mondiale. Lors d’une estimation préliminaire, le FMI a évalué le coût à 4000 milliards de dollars. La facture est sans doute beaucoup plus lourde. La gestion de la transition (des pays en voie de développement) s’est formidablement compliquée sous l’effet combiné des défis propres aux transformations institutionnelles et aux conséquences de la crise mondiale. Mais cette dernière a mis en évidence une réalité qui commençait à être remise en cause : la nécessité d’un Etat fort qui assume ses responsabilités en amont et en aval du marché.

Sans Etat, le marché n’est que chaos et sans marché l’Etat n’est que gaspillage. Il serait malvenu de tirer une seule conclusion de la crise des Subprimes : que l’Etat doit intervenir. La vaste majorité des économistes et le public n’ont cessé de réclamer le concours des pouvoirs étatiques pour assurer un certain nombre d’équilibres économiques et sociaux. Ce ne sont pas les seules dérégulations qui auraient causé le problème. Les USA avaient un arsenal juridique pratiquement identique à celui de l’Europe. Mais les banques avaient inventé des pratiques qui contournaient les mailles du contrôle. A cet effet, elles avaient créés des filiales : Les fameuses SVP (Spécial Véhicule Purpose) qui achetaient les crédits risqués de la maison mère. Cette dernière « débarrassée » de ces actifs toxiques pouvait accorder davantage de crédits. Mais le système a ses limites. On ne peut pas créer l’infini à partir du fini disent les philosophes. Les premières difficultés bancaires ne pouvaient déboucher que sur une complication du mal.

Les sociaux-démocrates allemands avaient une excellente formulation du problème. Pour eux « Il faut autant de marché que possible et autant d’Etat que nécessaire ». L’opérationnalité de cette formulation demeure problématique. En effet, quels sont les niveaux possibles et nécessaires ? La frontière est mouvante. Les crises appellent à plus d’état, les périodes de prospérités à plus de marché. En réalité, les économies des pays développés connaissent deux types de cycles économiques et idéologiques. Il est connu et prouvé que l’économie de marché connaît des cycles d’activités que l’on sait minimiser mais pas éradiquer. En outre, il y a également un cycle mal connu. Il concerne les idées. Aussi bien les citoyens que les économistes oscillent, au gré des développements économiques, entre réclamer plus d’intervention publique ou un plus grand retrait de l’Etat.

Les réformes libérales de Reagan et Thatcher, suivis de l’effondrement du bloc socialiste, avaient induit le consensus de Washington, allergique à l’élargissement du rôle de l’Etat. La crise des Subprimes a conduit les politiciens, les économistes et le public à réclamer plus d’Etat. Il en est ainsi depuis des décennies. Lorsque les crises économiques sévissent on fait appel à la puissance publique pour redresser la situation. Lorsque les dépenses publiques dérapent et créent des problèmes budgétaires insolubles, on exige un rôle plus réduit pour la puissance publique. Aucun état n’a trouvé un équilibre durable dans ce domaine.

Nous avons besoin de beaucoup de recherches et d’innovations dans ce domaine pour circonscrire la question. En attendant, chacun continue de prendre ses subjectivités du moment pour des vérités durables. Nous savons que nous avons besoin des deux mais nous ne savons pas dans quelle proportion. La majorité des économistes algériens sont d’accord pour accorder un rôle primordial à l’état dans des de nombreux domaines : éducation, santé, infrastructures, redistribution des revenus, entreprises stratégiques, régulation etc. Et cela est compatible avec notre culture et nos valeurs. Ainsi, au lieu d’avoir le tout état on cherche le bon état.

Le bon état oriente, conseille et canalise les énergies. Il définit même une stratégie et un projet de société (celui du Japon était de devenir une super puissance économique au XXIème siècle). Mais il réalise ses ambitions en grande partie à travers les mécanismes de marché. Le bon état sait que s’il venait à se substituer aux mécanismes de marché, son projet de société s’écroulerait comme un château de cartes. Il est sage et modeste, en définissant avec précision les contours de ses limites. Il n’est pas arrogant, têtu et aveugle comme le tout état. Le bon état connaît ses limites et apprécie les potentialités du marché : il les utilise à son avantage. Le bon état sait que les équilibres sociaux sont nécessaires à travers une politique sociale cohérente. Il fait bénéficier les couches les plus déshéritées de la population de la croissance économique, mais sans exagérer et sans détruire la motivation au travail.
Nous avons expérimenté le tout état avec conviction et nous en sommes sortis grandement affaiblis durant les années soixante-dix et quatre-vingt. Les inerties et les lourdeurs développées à cette époque nous guident toujours et nous lient étroitement à un passé que nous voulons oublier. Mais les décideurs pensent tout autrement. Nous avons comme une nostalgie inconsciente de cette ère. La réalité est obscurcie davantage par le faux débat des années 1970 contre les années 1980. Le non état est autant impossible qu’indésirable. Il nous reste donc l’alternative du bon état.
Ce dernier confie les différentes facettes du redressement à des spécialistes qui reconsidèrent l’organisation de tous les secteurs et finalisent un projet de société compatible avec nos valeurs et nos spécificités culturelles. Tout un chacun a un espoir de le voir un jour aux commandes de la maison Algérie. Mais ne soyons pas aussi naïfs que les chantres du tout état : le bon état est loin de se profiler à l’horizon. Il faut des responsables compétents, honnêtes et modestes qui connaissent leurs capacités et leurs limites. Il n’y a pas de mécanismes automatiques qui instaureront le bon état. Notre seule consolation demeure que l’Algérie soit facilement « redressable » avec une ingénierie globale pilotée par le « bon état » ; car en fin de compte c’est ce dernier qui explique, en grande partie, la puissance des nations.

 

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