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Performance des managers : les valeurs comptent aussi

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Cet article est une contribution d’Eric Delavallée, directeur fondateur IM Conseil & Formation, et professeur de management à l’IAE de Paris1-Sorbonne

Le management par les valeurs peut concerner l’ensemble des salariés d’une entreprise ou seulement une partie d’entre eux. Une catégorie particulière, comme celle des managers par exemple. Un nombre croissant d’entreprises considèrent la qualité du management comme une source d’avantage concurrentiel. Pour devancer ses concurrents, il ne suffit plus de produire mieux et plus vite qu’eux, de se positionner plus judicieusement sur les marchés. Il faut aussi tirer un meilleur parti de ses propres ressources, humaines notamment. C’est le but des directions fonctionnelles, de la Direction des Ressources Humaines en particulier, mais aussi, et surtout, des managers.

Le développement du management : un investissement

Du coup, le développement managérial, la professionnalisation des managers, ne sont plus des dépenses mais des investissements. C’est dans cette optique que les entreprises convaincues élaborent une charte de management. Y figurent valeurs et normes de comportement conduisant les managers à la performance. Au passage, cela modifie substantiellement la manière dont ils sont évalués. En effet, longtemps, dans la logique du management par les objectifs (MPO), leur performance était assimilée uniquement à celle de l’unité sous leur responsabilité ; elle était exclusivement mesurée en termes de résultats obtenus. Aujourd’hui, la fin ne justifie plus les moyens. Leurs comportements comptent autant que leurs résultats ; en conséquence, leurs performances sont mesurées aussi au regard des normes déclinées des valeurs formalisées dans la charte de management.

Une grande entreprise industrielle élabore une charte de management dans laquelle figurent les valeurs suivantes : le client, la rentabilité, la qualité, l’esprit d’équipe et l’éthique. Chaque valeur est déclinée en normes de comportement managérial. Pour la valeur «client » par exemple, il est stipulé que chaque manager doit «donner la priorité aux contacts avec les clients dans la gestion de son temps ; tenir les clients à l’écart des problèmes internes ; introduire la mesure de la satisfaction des clients dans les objectifs de ses collaborateurs ; … » Au moment de l’entretien annuel, chaque manager, en concertation avec son responsable hiérarchique direct, choisit une valeur sur laquelle il doit progresser. Le progrès à réaliser est alors traduit en actions assorties d’indicateurs permettant une évaluation en fin d’année.

Le management par les valeurs se démocratise

Nombre d’entreprises sont si fortement centrées sur la création de valeur économique, tellement ancrées sur le court terme, qu’elles en oublient parfois leurs valeurs. Elles ne parlent plus de leur utilité. Quand elles le font, cela paraît surfait ou suspect. Elles n’ont plus de projets « porteurs de sens » et n’apportent plus de réponse claire à la question que se posent chaque matin chacun de leurs salariés : « pourquoi j’irais travailler ? ». On ne donne pas du sens avec un cours de bourse ou un compte de résultats. Quand les dirigeants ne peuvent plus donner la signification, c’est vers leur manager que les salariés se tournent. A défaut de travailler pour son entreprise, on travaille pour son chef. Dans les enquêtes de climat social, les salariés expriment de plus en plus qu’il vaut mieux un bon manager qu’une bonne entreprise. En outre, les salariés aspirent à être davantage pris en considération comme des personnes avec des attentes et des besoins propres. C’est l’une des grandes évolutions sociologiques des dernières décennies. Parce que leur discours utilitaire n’est pas personnalisable, les dirigeants ne peuvent plus être les seuls à donner le sens. Le rôle des managers consiste à personnaliser le projet de l’entreprise de manière à permettre à leurs collaborateurs de répondre à la question : « qu’est-ce que cela veut dire pour moi ? ». Si le problème du sens ne peut plus seulement être réglé par la direction de manière collective, c’est aussi parce que, dans un monde plus individualiste, ce qui fait sens pour les uns ne le fait pas forcément pour les autres. Ainsi, le management par les valeurs se démocratise. Chaque manager, quel que soit son niveau hiérarchique, doit contribuer à donner du sens, de la signification au travail et au projet d’entreprise.

Management par les valeurs et MPO ne font pas toujours très bon ménage

Valeurs et objectifs ne sont pas incompatibles. Mais, dans les univers où la culture d’entreprise est très prégnante, où on actionne facilement les valeurs pour obtenir de l’engagement, le MPO, plus favorable à la négociation qu’à l’adhésion, risque d’être rejeté.

Les salariés de cette entreprise de cosmétique y entrent comme en religion. Ils intègrent une communauté à laquelle ils sont fiers d’appartenir, à laquelle ils donnent sans compter avec générosité, loyauté. Les opportunités de parcours professionnel dépendent de l’investissement fourni. Rien n’est prédéterminé, chacun est acteur de sa carrière. L’entreprise recrute des collaborateurs autonomes, capables de décoder l’environnement et de s’adapter en permanence. Les managers sont là pour les guider et les encourager, pas pour leur dire comment se comporter. La régulation du système est confiée à la culture et aux valeurs plus qu’aux structures et processus. Il n’y a ni organigramme, ni plans d’actions, ni entretiens annuels ou comptes rendus de réunion. Chacun sait ce qu’il a à faire et s’y tient. Le système est fondé sur l’engagement, pas sur la contractualisation. Plusieurs tentatives d’implantation d’un MPO ont échoué. Ce n’est pas un hasard. La culture réfute de telles pratiques, jugées trop calculatrices.

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