Le Forum des Chefs d’Entreprises (FCE) plaide à juste raison pour la création de zones spéciales d’exportation, parmi lesquelles les zones franches, dont on ne comprend pas que l’Algérie soit un des très rares pays au monde à s’en priver. La nécessité d’en créer s’est pourtant faite ressentir dès le milieu des années 90, et l’on se souvient qu’en 1994 fut promulgué dans le sillage du Code des Investissements, un décret exécutif autorisant la promotion de zones franches et un certain nombre de directives prévoyant de localiser les premières zones à Bellara (à proximité du port de Djen-djen dans la wilaya de Jijel) et Sidi Abdallah (à l’ouest de la capitale).
Ce décret sera, pour on ne sait quelle raison, abrogé en 2003 juste après la signature de l’accord d’adhésion à la zone de libre échange euro-méditerranéenne et les premières localisations vite oubliées. L’accord d’association ne contenait pourtant aucune disposition expresse visant à dispenser l’Algérie de zones spéciales destinées à l’exportation. Bien au contraire la création de zones de prospérité est explicitement recommandée, ce qui laisse objectivement penser que le lobby des importateurs serait à l’origine, ou pour le moins, aurait beaucoup pesé dans cette décision d’abrogation, qui mit subitement fin à tous les projets de localisation d’unités de production étrangères et aux joint-ventures qui commençaient à se constituer dans l’objectif de produire et d’exporter à partir de ces zones.
L’Algérie fut depuis, livrée aux féroces appétits des exportateurs étrangers et des importateurs algériens qui lamineront une bonne partie de ses recettes d’hydrocarbures (50 à 60 milliards de dollars chaque année) et porteront un coup dur aux entreprises de production locales (Plus de 1OO.OOO unités de production feront faillite). A contrario, tous les pays, à commencer par nos voisins marocains et tunisiens, qui ont adopté les zones franches ont non seulement boosté de manière significative leurs exportations, mais aussi et surtout, pu mettre en place une industrie moderne et diversifiée sur laquelle les partenaires nationaux, ont une forte emprise.
70 zones commerciales de non-droit
En Algérie où les outils essentiels de l’économie de marché (marché des changes, moyens de paiements modernes, fluidité douanière etc.) tardent à se mettre en place, il était pourtant utile de créer ce type de zones qui, grâce aux régimes de faveurs qu’elles octroient, peuvent attirer des firmes de renommée mondiale.
La nature ayant horreur du vide, les entrepreneurs qui éprouvent d’énormes difficultés à travailler dans un pays où la bureaucratie est encore trop lourde et où l’appétit du fisc est féroce avec les entreprises officiellement déclarées, ont quasi-naturellement été poussé à créer des zones franches informelles échappant à l’impôt et autres contraintes. Malgré tous les coups de boutoirs que leur donnent périodiquement les services de sécurité, il existerait aujourd’hui encore environ 70 zones commerciales de non-droit, selon les chiffres du ministère du commerce.
Pour mettre fin à ces zones qui faisaient perdre beaucoup d’argent à l’État (impôt et taxes, cotisations sociales etc.) tout en devenant de véritables espaces mafieux, une loi permettant aux opérateurs économiques de créer ou de se redéployer dans d’authentiques zones franches fut promulguée au milieu des années 2000, mais faute de textes d’application et d’objectifs stratégiques, cette dernière ne fut jamais appliquée. Le FCE qui a tout au long de son existence réclamé la mise en place de zones spéciales d’exportation sans jamais avoir été entendu par les gouvernements qui se sont succédé à la tête de l’État, revient à nouveau à la charge avec l’espoir, qu’avec la crise économique et financière qui se profile, il ait davantage de chance d’être écouté.
N.G