Contexte énergétique national: L’Algérie est l’un des pays, les plus énergivores, non pas seulement du point de vue de la consommation d’énergie (58 millions de tonnes équivalent pétrole « Tep » en 2015 avec 40 millions d’habitants contre 17 millions de Tep en 2005 avec 33 millions d’habitants, soit 1,2 tep par an et par habitant), mais surtout du point de vue de l’affectation de cette consommation d’énergie, dont l’essentiel est utilisé par les ménages (40%) et le transport (36%) sans retour de plus value ou de richesse quelconque, alors que le secteur de l’industrie consomme moins de 20% du bilan énergétique national.
En outre, si le rythme de consommation interne d’énergie se poursuit à la même tendance, il risque de doubler à l’horizon 2030, voir tripler à l’horizon 2040. Avec un scénario laisser-faire, la production totale d’énergie risque d’être égale à la consommation interne d’énergie à l’horizon 2030.
Il y a lieu de signaler, que la moyenne de consommation d’énergie de l’algérien est le triple de la moyenne mondiale.
Ainsi, par type d’énergie : 18 millions de tonnes de produits pétroliers ont été consommés en 2015 contre 8 millions de tonnes en 2005(dont 80% de carburants). Cette hausse a été tirée par la demande sur les essences et gasoil. On estime que cette demande triplera d’ici 2020, sous l’effet de la croissance économique et démographique.
Pour le gaz naturel, en 2015, la consommation sur le marché national tourne autour de 40 milliards de m3/an, elle devrait, sur la base d’un scénario laisser-faire, doubler à l’horizon 2020, voir tripler d’ici 2030.
Plus de 60% de l’énergie consommée par les ménages, c’est de l’énergie électrique, alors que 98% de l’électricité est produite à partir du gaz naturel.
Aussi, il ya lieu de signaler que la consommation de gaz en Algérie représente environ 34% de la consommation globale d’énergie, au moment où la moyenne mondiale ne dépasse pas 22%.
Ce modèle de consommation énergétique est insoutenable : ce qui impose en premier lieu un nouveau modèle économique et énergétique basé sur l’économie d’énergie et l’efficacité énergétique. La sécurité énergétique et de plus en plus importante et la consommation nationale en énergie devrait être plus économe.
Problématique posée :
Les prix du marché mondial du pétrole et du gaz chutent fortement, les importations de toutes sortes de biens augmentent et le volume des exportations des hydrocarbures se contracte du fait d’une consommation nationale d’énergie qui explose.
Etant donné que la production d’énergie (pétrole et gaz naturel) est en baisse en Algérie, faut-il continuer à le consommer et/ou à le rationaliser? Ou bien, réfléchir à des solutions alternatives ou de substitution dans un futur proche.
Telles sont les variables essentielles de l’équation économique qui se pose. Cette équation risque de devenir carrément irréductible dans un proche avenir, si l’on n’y réagit pas. Comment maitriser ces variables est la question à laquelle il faudra apporter des réponses.
Des questions sur les mutations à venir se posent :
Quel modèle de production et de consommation énergétique pour l’Algérie ?
Quelle transition énergétique pour l’Algérie à l’horizon 2030 ?
Entre la sécurité et la transition énergétique: une fonction à variables complexes, la priorité a toujours été donnée à la sécurité énergétique (une problématique).
Quelle transition énergétique pour l’Algérie?
- Transition énergétique basée sur l’économe d’énergie et l’efficacité énergétique: Sustainable Energy Program.
- Transition énergétique basée sur les énergies renouvelables.
La problématique énergétique nationale, nécessite une transition vers le mix énergétique et la maitrise de la consommation interne d’énergie. Il faut donc plaider pour un modèle économique de consommation d’énergie basé sur l’économie d’énergie et l’efficacité énergétique: « Ces deux termes (économie d’énergie et efficacité énergétique) renferment un gisement d’économie d’importance».
La promotion de l’économie d’énergie et de l’efficacité énergétique dans le secteur des ménages et transport en Algérie, devrait s’imposer comme un but stratégique à atteindre.
Le modèle de transition énergétique basé sur l’économie d’énergie et l’efficacité énergétique se focalisera sur les secteurs énergivores, à savoir: le transport, les ménages et tertiaires, dont la consommation d’énergie représente 80% du bilan énergétique national. Ce modèle permettra de réduire la demande interne d’énergie d’environ 20% à 30% d’ici 2030.
Des gestes « éco-citoyens » nous permettraient d’économiser l’équivalent de 6 à 8 millions de tonnes de pétroles.
L’objectif d’une politique d’efficacité énergétique dans le transport routier et les ménages n’est pas de réduire à tout prix la consommation d’énergie mais plutôt d’améliorer le rendement énergétique du secteur des transports et des ménages, c’est-à-dire d’obtenir le même service en consommant moins d’énergie ou encore, à consommation inchangée, d’obtenir un service meilleur.
Inefficacité énergétique: un fléau national !
Cette surconsommation interne d’énergie, dont nous gaspillons une bonne partie, est due essentiellement à l’effet prix de cette énergie bon marché et aux équipements énergivores.
L’indice de l’intensité énergétique en Algérie est une fois et demie plus élevée que celui des pays de la CEE. Ceci veut dire que nous consommons 50% d’énergie de plus que ces pays pour produire la même quantité de biens. Plus grave, cet indice ne fait que se dégrader depuis 2004.
Actions à mettre en œuvre: où faire porter l’effort ?
-Efficacité énergétique dans le résidentiel et transport :
L’amélioration constante de nos niveaux de vie et de notre confort quotidien est liée à l’accès et à l’usage d’une multitude d’équipements consommateurs d’énergie
Réglementation technique des équipements énergivores : une nécessité absolue !
En l’absence de normes de performance énergétique des appareils, nos appareils domestiques ont un rendement énergétique qui est deux fois, voire trois fois, plus élevé que celui des appareils économes. Nos véhicules ne répondent non plus à aucune norme de consommation de carburants.
Pour luter contre ce fléau de l’inefficacité énergétique, l’expérience dans le monde montre que seule la mise en place d’une réglementation technique des équipements et des véhicules, avec un régime fiscal incitatif peut-être efficace.
En Europe, ces dispositifs ont permis de réduire la consommation moyenne des véhicules à essence de 7litres/100km (en 2000 à moins de 5litres/100km) en 2015, soit un gain de près de 40% en moins de 15ans.
Selon l’agence internationale de l’énergie(AIE), les programmes de rationalisation de l’énergie qui ont été lancés dans les pays de l’OCDE depuis les années 70 auraient permis de réaliser une économie d’énergie de 60% à aujourd’hui.
Dans notre pays, le lancement de tels programmes est une nécessité absolue, si l’on veut rationaliser notre consommation interne d’énergie.
Augmentation des prix de l’énergie : mesure nécessaire mais non suffisante
Commençons d’abord par démystifier cette notion de vérité des prix des produits énergétiques. C’est que la vérité des prix est un mythe dans le domaine de l’énergie ; car le caractère éminemment stratégique des produits énergétiques contraint tous les pays à les encadrer étroitement par une politique de prix spécifique.
Effectivement, en Algérie, il faudrait bien entendu relever les prix de l’énergie, gelés depuis 2005 et ne correspondant pas à la réalité du marché. Les augmenter progressivement se justifie donc pleinement.
La révision des prix de l’énergie progressivement doit se focaliser sur les secteurs gros consommateurs d’énergie qui ont un impact significatif sur la demande d’énergie.
La question qui reste posée, c’est comment en finir avec une énergie bon marché, sans pénaliser les ménages et sans faire perdre à l’économie nationale l’un de ses rares avantages comparatifs ?.
Aussi, le problème posé par cette évolution de la consommation interne d’énergie, peut s’exprimer simplement ainsi : comment ralentir la consommation nationale d’énergie sans sacrifier les bénéfices apportés en termes de développement économique et social ? La solution est à la fois simple et complexe. Les moyens disponibles sont nombreux, mais les moyens adaptés aux contextes spécifiques à l’Algérie méritent d’être bien pensés !
Cependant, prenons garde de croire que le seul relèvement des prix réduira sensiblement la consommation d’énergie. Il ne réglera pas celui du gaspillage inouï qui résulte de l’inondation du marché national par des équipements énergivores, qui se vendent à des prix tellement compétitifs qu’ils continueront à proliférer. Seule la voie réglementaire peut en juguler le flux.
Economie d’énergie par la valorisation des déchets:
- Les déchets ménagers
Actuellement, l’Algérie produit annuellement environ 14 millions de tonnes de déchets, dont 70% des déchets collectés sont des déchets organiques. Environ 80% des déchets solides sont déversés dans les décharges, 15% mis dans les centres d’enfouissement et 10% sont recyclés (source : Agence nationale des déchets ‘’AND’’ 2015).
Transformation des déchets ménagers en énergie:
Il existe actuellement, une technologie de pointe très avancée traitant les ordures ménagères pour en faire des énergies renouvelables:70% d’électricité et 30% chaleur et froid
-Pour une capacité de déchets traitée de: 75 000 tonnes/an , on a une production d’énergie de Gaz: 5 000 000 m3/an, Electricité: 13 500 000 kWh/an
- Les déchets énergétiques:
– Les huiles usagées : Environ 160 000 tonnes d’huiles usagées sont générées annuellement en Algérie, dont 70% proviennent des véhicules. La régénération des huiles usées permet d’obtenir à partir de 03 litres d’huiles usagées environ 02 litres d’huiles de base neuves, le reste c.-à-d. 01litre va servir pour la graisse, le fuel et le bunker.
–Les pneus usés: Quantité de pneus usagés en Algérie est estimé à plus de 2 millions d’unités/an. Une installation d’une capacité d’environ 1000000 pneumatiques/an (10% PL « Poids lourds » et 90% VL « véhicule léger »), donne 6 000 tonnes de caoutchouc par an. Il y a lieu de signaler que les pneus usés peuvent-être transformés en pétrole!
–Les matières plastiques: 7milliards de sachets sont consommés annuellement en Algérie. Notre pays se place au rang du 5ème plus gros consommateur au monde de sacs en plastique, après les Etats Unis d’Amérique, le Maroc, la France et l’Australie.
Il est complètement aberrant de mettre des matières plastiques dans des décharges. La matière plastique, c’est du pétrole solide qui a le même pouvoir énergétique que le fuel. Une tonne de plastique recyclé représente l’économie de 650kgs de pétrole brut.
Transition énergétique vers les énergies renouvelables
Le développement des énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire, énergie propre et durable, comme complément et/ou alternative. L’Algérie possède un potentiel de réservoir d’énergie solaire le plus important au monde (estimé à environ 3000 heures en moyenne/an). Ce potentiel solaire, est l’équivalent de 37 milliards de m3 de gaz (soit 10 grands gisements de gaz naturel).
Un programme national pour développer les énergies renouvelables est lancé par le gouvernement, il prévoit la production de 5 000 mégawatts en 2020 et qui passera à 22 000 MW en 2030, soit un apport de 25 à 30% de la production d’électricité d’ici 2030. L’électricité est en grande partie produite à 98% à partir du gaz naturel.
-Le coût économique de l’énergie solaire: L’investissement dans le domaine de l’énergie solaire est très important, car il nécessite une technologie de pointe. Le développement des énergies renouvelables fait face à un énorme défi, celui du coût élevé. Ainsi, tant que les coûts sont élevés, les énergies renouvelables ne peuvent-être développées qu’à travers les subventions que l’Etat leur accorde.
Le recours aux énergies renouvelables, notamment le solaire, coûte 5 à 6 fois plus cher, pour produire de l’électricité par rapport au gaz naturel. Avec le développement de nouvelles technologies, l’énergie solaire devra y prendre toute sa place, et ce, compte tenu de son potentiel de gains de productivité et de réduction des coûts qui vont faire l’une des sources d’électricité les plus compétitives.
Conclusion :
Cette surconsommation interne d’énergie n’est pas le fait d’un comportement « d’ébriété énergétique » intrinsèque du citoyen, mais aussi le résultat de l’utilisation d’équipements et d’appareils énergivores bon marché qui inondent le marché national. Actionner le seul levier de l’offre pour satisfaire une demande nationale d’énergie sans cesse croissante ne peut constituer une solution durable.
Dans le contexte actuel, une rationalisation de la consommation d’énergie s’avère plus que jamais nécessaire dans les secteurs des ménages & transport. Sa mise en œuvre requiert l’application d’une réglementation technique et la mise à niveau de nos équipements avec les standards internationaux en matière d’efficacité énergétique.
Aussi, il y a lieu de réorienter la demande nationale d’énergie vers la consommation des produits énergétiques les plus disponibles localement et promouvoir les énergies renouvelables. De telles dispositions devraient permettre de contenir la consommation d’énergie à des niveaux gérables jusqu’à l’horizon 2030.
L’année 2017, est l’occasion de définir des objectifs du développement durable, de replacer la transition énergétique par l’économie d’énergie, de doubler le taux de croissance de l’efficacité énergétique et la part des énergies renouvelables dans le mix-énergétique. Mais aussi, mettre en place des mesures fortes afin d’orienter nos modèles de production/de consommation d’énergie et de développement respectueuses de l’environnement et de l’économie d’énergie.
Aujourd’hui, avant qu’il ne soit trop tard, il y a lieu d’engager un programme d’action vers une transition énergétique pour assurer un développement durable d’ici 2030.
La promotion de l’économie d’énergie et de l’efficacité énergétique dans le secteur des ménages & transport en Algérie, devrait s’imposer comme un but stratégique à atteindre.
A cet effet, il est impératif d’accorder la priorité en Algérie à la maitrise de la consommation interne d’énergie, mais pas à la croissance de la production nationale d’énergie.
Remarque importante :
Economie d’énergie et efficacité énergétique : Quelle différence?
Ces deux termes (économie d’énergie et efficacité énergétique) renferment un gisement d’économie d’importance et contribueraient sans nul doute à un développement durable.
Tandis que ces deux termes ont tendance à être utilisés de façon interchangeable, « efficacité énergétique » signifie, techniquement une baisse de consommation d’énergie tout en gardant un niveau équivalent d’activité économique ou de service ; en revanche, « économie d’énergie » est une notion plus générale signifiant une réduction de consommation d’énergie, soit à travers des changements de comportement, soit par une baisse d’activité économique : une baisse du chauffage de la maison en hivers, une réduction de l’utilisation de la voiture sont des exemples d’économie d’énergie, sans amélioration d’efficacité énergétique au plan technique.
Inversement, une amélioration de l’efficacité énergétique n’implique pas nécessairement une baisse de consommation d’énergie.
L’objectif d’une politique d’efficacité énergétique n’est pas de réduire à tout prix la consommation d’énergie, mais plutôt d’améliorer le rendement énergétique.
Autrement dit, la promotion de l’efficacité énergétique est nécessaire mais pas toujours suffisante si elle ne fait pas l’objet d’objectifs absolus en matière de réduction de la consommation d’énergie.
Développement« durable »ou « soutenable » :
-Que dire du développement durable ?
Sait-on donner à ce mot une définition qui permettrait de l’appliquer et de donner un sens et un éclairage particulier. Au développement durable correspond une démarche politique globale dont la finalité est de concilier la croissance économique et le progrès social sans gaspiller et/ou dilapider les ressources non renouvelables et sans mettre en péril les équilibres écologiques au profit des générations futurs.
Croissance démographique, croissance économique et consommation d’énergie, ces trois axes structurent la problématique du développement « durable » ou « soutenable » à l’échelle urbaine.
Par : Kamel Ait Cherif, Expert en économie d’énergie