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Mettre du réseau dans sa hiérarchie

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Cet article est une contribution d’Eric Delavallée, directeur fondateur IM Conseil & Formation, et professeur de management à l’IAE de Paris1-Sorbonne

Le réseau permet un fonctionnement plus souple et réactif que la hiérarchie, et plus structuré et moins arbitraire que le marché. De multiples réseaux peuvent se développer au sein de l’organisation pour créer des liens entre des personnes ou des unités qui, appartenant à des entités différentes, ont peu ou pas de cadre pour coopérer. Ces réseaux, nécessairement transversaux, peuvent prendre des formes très diverses : réseaux fonctionnels, communautés de pratiques… Par ailleurs, leur fonctionnement est facilité par les technologies digitales. Les réseaux sociaux d’entreprise en sont une bonne illustration.

Mais on peut imaginer aller encore plus loin et recourir à la notion de réseau pour structurer l’ensemble de l’organisation. Elle devient alors une entreprise réseau. Cette dernière permet l’émergence de combinaisons éphémères et évolutives en fonction de la modification des exigences de performance. A un instant donné, une certaine hiérarchie provisoire s’établit entre les différentes unités organisationnelles pour répondre à un objectif stratégique donné. Au cours de la phase suivante, une autre hiérarchie s’établit pour répondre à un nouvel objectif stratégique.

Les 3 composants d’une structure en réseau

Sur le sujet, la vision de Michel Crémadez est, de mon point de vue, la plus pertinente et la plus opérationnelle. Pour ce dernier, une structure en réseau comporte trois composants :

  • des axes stratégiques qui portent une logique organisationnelle spécifique (fonctionnelle, divisionnelle par produits, clients, zones géographiques,…) et que l’organisation poursuit simultanément sans les hiérarchiser ;
  • des unités de base qui sont centrées sur un résultat particulier ou une compétence spécifique ;
  • des pôles qui regroupent des unités de base sur un axe stratégique pour répondre à un enjeu particulier.

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Les axes stratégiques :

Ils dépendent donc des exigences de performance auxquelles l’entreprise est soumise et du type d’avantages concurrentiels qu’elle cherche à obtenir. Là où les structures monodimensionnelles imposent de privilégier un axe sur tous les autres, les structures matricielles ou hybrides permettent d’en faire coexister deux, éventuellement trois, au même niveau. En ce sens, elles sont multidimensionnelles.

La structure en réseau autorise d’aller bien au-delà puisque, en théorie, elle n’est pas limitée par le nombre d’axes stratégiques qu’elle permet de suivre simultanément. C’est la raison pour laquelle ils constituent son premier niveau de structuration.

Les unités de base :

Centrées sur un résultat particulier ou une compétence spécifique, elles sont les plus petites possibles de manière à permettre le plus grand nombre de combinaisons et à éviter au maximum les phénomènes de cloisonnement. En effet, le potentiel combinatoire d’une structure en réseau est corrélé au nombre d’unités de base qui la composent. Plus la structure est plate, plus sa combinatoire est élevée.

Les unités de base sont organisées selon une logique fonctionnelle, si elles regroupent des compétences de même nature, ou divisionnelle, si, centrées sur un même résultat, elles regroupent des compétences différentes appartenant à un même processus.

Les pôles constituent les nœuds du réseau :

Les pôles sont l’expression des priorités stratégiques de l’entreprise à un moment donné. Chacun des pôles a pour rôle de définir d’une part, la stratégie correspondant au domaine d’action qui lui est confié et, d’autre part, les conditions de sa mise en œuvre. Chaque pôle organise ainsi les relations entre les unités de base indispensables pour répondre à un enjeu stratégique spécifique. Ces relations constituent l’architecture organisationnelle.

Le maillage de l’organisation en réseau institue une multi-appartenance qui prévient les guerres de territoires. Le fait que chaque unité de base contribue à plusieurs pôles, et que chaque pôle regroupe plusieurs unités de base, produit un brassage qui garantit le décloisonnement de l’organisation. La multi-appartenance des unités traduit le fait que, dans le réseau, il n’y a pas une hiérarchie, mais plusieurs qui évoluent selon les circonstances.

Pour rendre la structure en réseau opérationnelle, notamment d’un point de vue managérial, il convient de distinguer trois types de pôles. Il y a d’abord les « pôles permanents », ceux qui sont les plus pérennes et qui, à ce titre, bénéficient d’une autorité hiérarchique sur les unités de base. Ils sont généralement organisés selon une logique fonctionnelle et, donc, rattachés à l’axe stratégique « fonctions ». Chaque unité de base doit être rattachée à un seul pôle permanent dont l’objectif principal est de favoriser le développement, le partage et la mutualisation des compétences en son sein.

Le deuxième type regroupe les pôles temporaires centrés sur un avantage concurrentiel particulier. Ils sont organisés selon une logique divisionnelle par produits, par clients ou géographique et jouissent d’une autorité fonctionnelle sur les unités de base qui leur sont rattachées.

Enfin, le troisième type regroupe les pôles temporaires centrés sur un  projet, le plus souvent de transformation. Ils présentent des caractéristiques similaires à ceux du deuxième type, mais leur durée de vie est plus courte. Une fois le projet réalisé, ils se transforment soit en unité de base soit en pôle du deuxième type.

L’exemple d’un groupe de presse :

Le groupe de presse GP compte quatre marques différentes (M1, M2, M3 et M4). Il publie des journaux, et édite des guides spécialisés et des sites internet. Dès 2010, l’entreprise adopte une structure en réseau. Ses 12 services constituent les unités de base : 4 rédactions (une par marque) et les services « nouveaux médias », guides spécialisés, commercial, marketing, fabrication, informatique, documentation et gestion. GP détermine trois axes stratégiques : produits, marques et fonctions. L’axe fonctions regroupe les trois pôles permanents. Leurs directeurs se voient attribuer une autorité hiérarchique sur les services qui leur sont rattachés. Chaque service est rattaché à l’un des trois pôles permanents.

Tous les ans, en fonction de ses enjeux stratégiques, l’entreprise confirme, fait disparaître ou crée des pôles sur les deux autres axes : produits et marques. En 2015, elle comptait un pôle « Internet » sur l’axe produits qui réunissait les 4 rédactions, le service du marketing et, évidemment, le service des nouveaux médias. Elle comptait également un pôle sur l’axe marques, le pôle « M1 » (lequel représentait 70% de son chiffre d’affaires) qui, lui, regroupait la rédaction M1, les services du marketing, des guides spécialisés et des nouveaux médias. Les directeurs des pôles « temporaires », c’est-à-dire les pôles des axes produits et marques, bénéficient d’une autorité fonctionnelle sur les responsables de service rattachés à leur pôle.

En 2013, GP avait mis en place un pôle « Guides spécialisés » sur l’axe stratégique « projets ». La vocation de ce pôle temporaire était de concevoir une nouvelle ligne de produits. En 2015, le projet réalisé, ce pôle est devenu une unité de base : le service « Guides spécialisés ». Par ailleurs, GP n’a plus de projet de transformation suffisamment stratégique pour qu’un quelconque pôle apparaisse sur l’axe stratégique « projets » qui, pour cette année-là au moins, a disparu.

En termes de gouvernance, autour du Directeur Général, le comité de direction est composé des cinq directeurs de pôle. Ces derniers animent tous un comité de pôle réunissant l’ensemble des responsables de service rattachés à leur pôle. Les responsables de service réunissent régulièrement leurs collaborateurs dans le cadre d’une réunion de service.

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Eric Delavallée

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