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La méfiance régit le monde 75 ans après la création de l’ONU

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Soixante-quinze ans après la création de l’ONU, la méfiance domine la scène internationale. Victorieux et toujours première puissance, les Etats-Unis sont dans le repli, l’Asie progresse face à une Europe désunie et un Moyen-Orient explosif.

Au siège des Nations unies à New York, la guerre froide n’a jamais vraiment disparu comme en témoigne cette scène insolite: un diplomate américain se cachant derrière un mur pour écouter ce qu’un ambassadeur chinois dit à des journalistes…

S’il n’y a pas eu de troisième guerre mondiale, les conflits s’y règlent rarement et même lorsque la planète est au bord d’une nouvelle déflagration, comme en janvier entre les Etats-Unis et l’Iran, le Conseil de sécurité censé garantir la paix et prévenir les différends reste aux abonnés absents. « La confiance au sein des pays et entre eux est en déclin », constate le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en évoquant « un test sévère pour le multilatéralisme ». « Nous voyons ce déficit de confiance dans les rues du monde entier, alors que les gens expriment frustrations et sentiment que la classe politique est déconnectée, incapable ou refusant de tenir ses promesses ». « Nous le voyons au Conseil de sécurité lorsque ses membres bataillent ou échouent à trouver un terrain d’entente raisonnable ».

Pour certains, la fracture date de 2011 avec la guerre en Syrie (record de 14 vetos utilisés par Moscou) et l’éviction de Mouammar Kadhafi en Libye. Pour d’autres, l’invasion américano-anglo de l’Irak en 2003 a été un point de non-retour.

Le monde est marqué par les conflits asymétriques, des attentats routiniers en Afrique, Asie, Europe et au Moyen-Orient, la prolifération nucléaire et le réchauffement climatique.

Le recul américain dans les affaires mondiales depuis une quinzaine d’années, ajouté à une Europe divisée, a laissé du champ à une Russie expansionniste qui est devenue incontournable dans plusieurs dossiers: Syrie, Libye, Venezuela ou Corée du Nord. « A l’ONU, l’approche de la Russie est souvent plus tactiquement intelligente que la diplomatie occidentale », dit à l’AFP Richard Gowan, du centre de réflexion International Crisis Group. « Américains et Européens voient souvent le Conseil de sécurité comme une tribune pour des déclarations morales plutôt qu’une plate-forme pour des accords diplomatiques ».

Passé deuxième contributeur financier de l’ONU derrière Washington, l’expression de Pékin reste mesurée. « La Chine a une politique étrangère de plus en plus visible, mais qui entend dissocier un impérialisme économique conquérant d’une intervention multisectorielle dont elle se méfie », explique Bertrand Badie, de l’Institut d’études politiques de Paris (IEP).

Par rapport à il y a 75 ans, la perte de repères est indéniable. Et la promesse d’un forum mondial permettant de prévenir les conflits, une idée conçue en février 1945 à la conférence de Yalta, sur les ruines fumantes de la Seconde Guerre mondiale, ne s’est jamais vraiment concrétisée.

L’ONU est restée figée avec cinq membres permanents dotés d’un droit de veto et la vision du monde qui en découle. Le Sud « n’a jamais été réellement intégré dans le jeu mondial » et « il y a un nouvel ordre que les vieilles puissances ne voient pas », déplore auprès de l’AFP Bertrand Badie. « Pendant la Guerre froide, l’ONU a adopté relativement peu de résolutions » alors qu’aujourd’hui, elles sont « gargantuesques », « si longues et si complexes » que « même des responsables onusiens considèrent qu’elles ne peuvent être appliquées », précise Richard Gowan.

Sans parler de celles qui sont bafouées et du reniement d’accords internationaux (climat, nucléaire iranien, désarmement) sur fond de recul de plus en plus marqué des droits humains. « Le Conseil de sécurité a perdu sa crédibilité qui n’était jadis que formelle, tant elle apparaissait autrefois comme la seule expression de l’affrontement (parfois la connivence) américano-soviétique. Aujourd’hui il a même perdu ce sens du fait de la nature anarchique du jeu des puissances », résume l’expert de l’IEP.

La planète « est devenue un monde d’ego qui se servent des crises pour des démonstrations de force » alors que « durant la Guerre froide, on s’occupait davantage de l’essentiel, protéger les populations et les droits humains », déplore un ambassadeur. « Il était aussi plus facile de faire négocier des adversaires », renchérit un responsable de l’ONU.

Pour Antonio Guterres, le risque est grand qu’une « grande fracture » ne pointe à l’avenir, avec « une planète divisée en deux » dépendante de la rivalité sino-américaine. Deux mondes, « chacun avec sa devise dominante, ses règles commerciales et financières, son internet et intelligence artificielle, et ses stratégies géopolitiques et militaires dans un jeu à somme nulle ».

Afp

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