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Dialogue avec le Hirak: étroite marge de manœuvre pour A. Tebboune

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Sans base sociale pour le soutenir dans l’exercice de ses fonctions, Abdelmadjid Tebboune ne peut compter que sur l’appui de l’état major de l’armé qui l’a coopté, pour gouverner et effectuer les réformes qui s’imposent. C’est certes un appui de taille dans un pays où le soutien de l’armée facilite bien des choses, mais un appui qui peut s’avérer étouffant eu égard à la personnalité bien particulière du vieux général qui la dirige, en étendant bien souvent son influence sur la vie civile. Son intrusion dans le champ politique a été permanente durant  ces dix derniers mois, en dépit de la présence d’un chef d’État et d’un premier ministre sensés s’en occuper. Cette fâcheuse tendance à s’ingérer dans des domaines que la constitution ne lui a pourtant pas confiés,  a de bonnes raisons de perdurer durant le quinquennat  d’Abdelmadjid Tebboune, ne serait-ce que du fait que ce dernier doit sa désignation au chef d’État major qui, du reste, ne la cache pas, en affirmant même qu’il sera son soutien indéfectible. Un soutien certes vital pour le nouveau chef de l’État qui n’en a pas d’autres, mais tout de même dangereux pour une carrière de président de la république, qui requiert indépendance et pleine autorité sur l’ensemble de la gouvernance du pays, y compris l’armée dont il est sensé être le chef suprême.

C’est un évidemment un soutien qu’il est bien heureux d’avoir, mais qui pourrait s’avérer gênant, voire même, étouffant dans l’exercice de ses missions et notamment celle, très sensible, qu’il vient d’annoncer, à savoir, l’ouverture  d’un dialogue sensé régler la crise politique qui secoue le pays depuis février dernier.. L’intrusion du chef d’état major, pourrait en effet s’avérer bien gênante si ce dernier fait obstruction, comme il l’avait fait pour Abdelkader Bensalah, à la veille de l’installation de la commission nationale de dialogue de Karim Benyounes, en refusant toutes les mesures d’apaisement qui avaient été proposées comme gages de bonne volonté.

Rien de nouveau sur la scène politique algérienne où les militaires continuent à détenir la réalité du pouvoir et où la répression et l’arbitraire ont redoublé de férocité, ne permet d’écarter hypothèse de la poursuite de l’intrusion permanente de l’état major dans la vie politique algérienne. Il n’est, à titres d’exemples, pas du tout exclu que Gaid Salah s’oppose à certaines mesures phares que le nouveau locataire d’El Mouradia seraient contraint de prendre pour décrisper le climat politique, à commencer par la libération des détenus d’opinion, la dépénalisation du port de l’emblème amazighs, la liberté de circuler librement à travers tout le pays, la libération des médias et le libre exercice de l’activité politique. On voit du reste très mal, ce vieux général qui nous avait habitué à ce genre de coups d’éclats, lâcher du leste sur ces questions, aux moyens desquelles, il avait tendance à manifester sa présence et son autorité. Ni la période électorale qui recommandait d’être plus conciliant avec la population pour l’inciter à voter, ni la cooptation d’un président au terme d’un forcing électoral, n’ont en effet réussi à fléchir cette posture brutale qui se traduit, aujourd’hui encore, par la répression violente de manifestations à Oran, Tlemcen, Sidi Bel Abbès, Mostaganem, Sétif, Bouira, Tizi Ouzou et autres et des arrestations massives souvent suivies de condamnations arbitraires un peu partout dans le pays. Tout porte à croire que ces brutalités se poursuivront et ce n’est certainement pas le nouveau chef d’État que l’état major s’est choisi qui pourra les en dissuader.

Pour toutes les raisons que nous avons invoquées on voit mal un dialogue franc et serein se tenir entre le pouvoir qui continue à être détenu par les militaires et le Hirak qui manifeste depuis prés de dix mois pour précisément exiger la fin de ce mode de gouvernance. Tout sera fait pour que l’initiative des changements à opérer revienne uniquement  au pouvoir et surtout pas aux acteurs du Hirak. Ça sera toujours l’armée qui, par le truchement du chef de l’Etat, imposera comme cela s’est toujours fait, ses choix et ses orientations politiques, dans le but évident de pérenniser le système. Ce dialogue que l’état major pilotera de bout en bout, ne servira en réalité qu’à baliser le chemin des réformes à entreprendre sans toucher aux fondements du système. Le nouveau président de la république sera sans doute tenté de jouer cette carte à fond pour se donner la légitimité que l’élection du 12 décembre ne lui a pas donnée, mais le jeu est très risqué pour lui. La poursuite et l’amplification du hirak pourraient en effet torpiller ce dialogue en lui portant un très lourd discrédit.

Ce qui est sûr, c’est que l’extrême dépendance d’Abdelmadjid Tebboune du très autoritaire chef d’état major de l’armée, risque de le desservir en réduisant notamment, ses marges de manœuvre, notamment lorsqu’il s’agira d’ouvrir le dialogue avec les acteurs du mouvement du 22 février. Si Ahmed Gaid Salah ne réduit pas la pression qu’il exerce aujourd’hui sur la gouvernance du pays, il sera bien difficile pour le nouveau chef de l’Etat de prendre les décisions que la population dissidente attend de lui, à savoir, la libération de tous les détenus politiques, l’arrêt total de la répression et des condamnations arbitraires, la garantie de sécurité pour les acteurs du Hirak, l’ouverture du champ médiatique et autres exigences basiques précédents l’ouverture de négociations.

Sans actes forts et concrets susceptibles de convaincre la population insurgée à négocier il n’aura certainement pas de dialogue possible et par conséquent pas de légitimité pour le nouveau président très mal servi par les urnes. Ce dernier serait alors dans la même situation de repli que l’ex chef d’Etat par intérim avec de surcroît, un mouvement populaire davantage braqué sur lui.

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