Le premier ministre Noureddine Bedoui, a annoncé samedi dernier la décision de renoncer définitivement au financement non conventionnel, communément appelé la planche à billets, mettant fin ainsi à une décision sous le gouvernement d’Ahmed Ouyahia, et qui a suscité tant de controverse.
A ce propos, l’expert financier, Souhil Meddah, directeur général du cabinet RMG Consulting, une société spécialisée dans les services financiers, explique que « la déclaration ne coïncide pas avec ses précédentes décisions de dégeler certains projets d’investissement ni avec la baisse du budget d’équipement qui n’a pas dépassé 20%, ce qui n’est pas très significatif comme valeur financière par rapport à la taille du déficit budgétaire ».
Pour l’expert financier, « la décision ne coïncide pas non plus avec le budget de fonctionnement qui n’a quasiment pas changé. Si le gouvernement s’appuie sur ses prévisions en matière de recettes fiscales ordinaires, il va se heurter à une réalité peu optimiste ».
Interrogé sur le bilan la planche à billets, M. Meddah a indiqué que « la planche à billets est un instrument de financement censé générer plus tard des richesses qui devaient consommer cette création monétaire ». Or, explique-t-il, « la machine qui devait accompagner ce modèle de financement en matière de commande publique n’a pas assuré le même rythme et les acteurs financiers ne se sont pas engagés dans une dynamique de diversification ».
Notre interlocuteur a souligné qu’ « actuellement, le financement non conventionnel, de l’ordre de 6500 milliards de dinars, avec 1400 milliards de dinars en cours, qui ne sont pas mises dans le circuit, permet de garantir de la liquidité pour pouvoir alimenter plusieurs niches d’activités qui devaient elles-mêmes recycler les valeurs monétaires en les distribuant dans le marché réel ».
Or, selon l’expert, « cela ne s’est pas produit. On est resté dans l’ancien modèle de sous-traitance des entreprises qui répondaient à la demande publique. Ce financement est en train de couvrir les défauts et les défaillances structurelles du marché et dès qu’il sera arrêté, tous les défauts réapparaîtront ».
« J’aurais aimé que la Banque centrale opte pour d’autres instruments d’accompagnement de l’investissement, tels que le taux réduit, la compression de certaines dépenses du Trésor public, comme le taux bonifié », a-t-il soutenu.
Questionné sur les alternatives possibles au financement non conventionnel, sans la situation actuelle des finances publiques, M. Meddah a rappelé qu’ « en matière de ressources, nous avons 3 à 4 canaux : la fiscalité pétrolière qui obéit à des facteurs exogènes et la fiscalité ordinaire qui est adossée à l’activité économique intérieure. Cette dernière doit être accompagnée par un modèle de diversification qui pourrait éventuellement être soutenue par le financement non conventionnel. Nous avons aussi la balance des paiements qui peut s’appuyer sur les apports à l’extérieur, notamment les participations en termes d’IDE et éventuellement le recours à la dette extérieure ».
M. Meddah a affirmé que le recours à l’endettement extérieur est inévitable. C’est une question de temps et de calendrier. Mais l’endettement extérieur n’est pas une tare. C’est un instrument de financement et il ne remplacera pas la planche à billets qui est une dette interne. L’endettement extérieur va générer de l’activité économique, notamment de l’investissement productif et ciblé.
La Banque d’Algérie a imprimé 6500 milliards de dinars dont près de la moitié n’a pas été injectée dans l’économie. A ce propos, M. Meddah a indiqué qu’elle sera sans doute mobilisée pour la fin de l’année 2019 et début 2020, parce que nous avons des urgences et des projets structurants.