Le sentiment s’est brutalement détérioré ces derniers jours sur le marché pétrolier, où fonds spéculatifs, producteurs et traders adoptent une position plus défensive dans l’anticipation d’un affaiblissement durable de la demande mondiale.
Le marché peine à maintenir sa tendance positive malgré des restrictions de l’offre qui devraient en principe la favoriser. Les sanctions américaines contre le Venezuela et l’Iran ont retiré plus de 1,5 million de barils par jour du marché, les tensions entre Washington et Téhéran ne cessent de monter et l’Opep a prolongé jusqu’en 2020 ses baisses de production.
Pour autant, les futures sur le Brent ont buté sur les 65 dollars et perdu quelque 7% la semaine dernière, tandis que le brut léger américain n’a pu se maintenir au-dessus des 60 dollars. « Malgré toutes les nouvelles favorables qu’on a eues, les cours ont à peine bougé« , commente Janelle Matharoo chez InsideOut Advisors. « Il y a 15 ans, ce genre de nouvelle aurait fait grimper les cours de 20 ou 30 dollars.«
Les investisseurs et les fonds spéculatifs se font à l’idée d’une offre durablement abondante, compte tenu du boom de la production américaine, et d’un affaiblissement de la demande. Les producteurs, pour leur part, cherchent à se protéger contre une future baisse des cours.
Les contrats les plus rapprochés n’ont pas souffert de dégagements mais les fondamentaux moins porteurs sont apparents dans les échéances plus lointaines.
La prime pour le Brent « front month » par rapport au contrat pour livraison dans six mois est passée d’un plus haut de six ans en mai à plus de 4 dollars le baril à moins de 1,50 dollar la semaine dernière, ce qui montre que les craintes autour de l’offre se sont dissipées. Même la montée des tensions dans le détroit d’Ormuz, où les États-Unis renforcent leur présence pour protéger le passage de pétroliers, n’a que peu d’effet sur les cours. Vendredi, l’annonce de l’arraisonnement d’un pétrolier britannique par l’Iran a fait grimper les prix de moins de 1%. « Les Iraniens ont plus de mal à influer sur le marché aujourd’hui qu’il y a 10 ans« , a affirmé lundi le secrétaire américain à l’Energie, Rick Perry, en visite à Jerusalem.
Les efforts de l’Arabie saoudite pour réduire l’offre – ses exportations en mai ont été les plus faibles depuis un an et demi – sont pour leur part compensés par l’augmentation des pompages aux États-Unis, devenus le premier producteur mondial.
Avec la guerre commerciale sino-américaine qui fait craindre un ralentissement de la croissance mondiale, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a récemment réduit ses prévisions pour la demande de pétrole en 2019 et 2020, et pourrait les abaisser encore si l’activité en Chine continue de ralentir.
Les traders signalent des ventes « continues » d’options d’achat sur le Brent à échéance de décembre 2021 et 2022, reflétant des anticipations de ralentissement de la demande alors que l’offre augmente. « Il y a le sentiment à la marge que le niveau actuel des cours sera potentiellement intenable« , explique Janelle Matharoo.
Le prix moyen de 2020 pour le Brent a reculé la semaine dernière à 60,28 dollars le baril, au plus bas depuis un mois. Sur le Nymex, les options d’achat spéculatives sur le brut léger américain sont au plus bas depuis 2013. Dans ce contexte, les producteurs sont nombreux à vouloir se couvrir contre une future baisse des cours en achetant des options pour vendre ou acheter du pétrole à un prix déterminé. « On dit aux producteurs qu’il est temps de se couvrir« , dit Thibaut Remoundos chez CTC à Londres. « On est moins optimistes que la plupart de nos clients (…) On pense que le risque baissier est plus important que ce qui est actuellement intégré dans les cours. »
Afp