L’Algérie est sans doute le seul pays au monde où il faut accomplir une multitude de formalités et autorisations administratives pour monter une entreprise dont l’objectif pourtant reconnu par ceux la même qui la bloque est de créer de la richesse et de l’emploi.
Pour ouvrir une entreprise il faut, en effet, subir toute une panoplie de procédures en se pliant à une multitude de chapelles administratives qui interprètent, chacune à sa manière, les textes réglementaires dans un esprit de blocage et de complications souvent délibérés.
L’entrepreneur est généralement perçu comme un délinquant potentiel et on le traite, consciemment ou pas, comme tel. Les administrations publiques ayant de surcroît obtenues des pouvoirs encore plus étendus au cours de ces vingt dernières années, il est aujourd’hui bien difficile de se soustraire à leur vigilance.
L’informel, la corruption et les « coups de pouces » des hiérarchies deviennent alors les échappatoires pour ceux qui ont de l’audace ou, plus fréquemment, de solides appuis dans les hautes sphères de décision.
Le nombre d’entreprises en attente de ce précieux sésame qu’est l’autorisation d’activité (ou agrément administratif) sont de ce fait légions. Une estimation effectuée par le forum des chefs d’entreprises à la fin des années 2010, faisait déjà état d’environ 40.000 projets de sociétés en attente d’agrément à divers niveaux des rouages bureaucratiques. Le chiffre des projets bloquées est certainement beaucoup important aujourd’hui ne serait-ce que du fait de l’engouement de jeunes, hommes et femmes, a se lancer dans l’aventure de la création d’entreprise pour palier au chômage qui les guette.
L’effet malthusien qu’exerce la bureaucratie sur les promoteurs d’entreprises n’est malheureusement pas prêt de prendre fin. Bien au contraire, il s’exacerbe chaque année un peu plus au gré de la profusion de textes législatifs et réglementaires, pour la plupart à caractère répressif, promulgués ces toutes dernières années.
Les freins causés par toute une pléthore de nouvelles administrations créées non pas pour booster la démographie des entreprises mais, bien au contraire, pour l’entraver, sont de plus en plus difficiles à desserrer tant les procédures bureaucratiques sont nombreuses, très mal définies et, malheureusement, sans appel.
Les porteurs de projets sont alors souvent tentés de prendre des raccourcis en soudoyant les détenteurs du pouvoir d’autorisation. La route a ainsi été ouvertes aux malversations de toutes sortes qu’il est aujourd’hui difficile d’arrêter.
Car comment faire autrement quant vous avez, à titre d’exemple, remis depuis plusieurs mois à l’administration concernée tout le dossier requis sans avoir la certitude d’obtenir cette précieuse autorisation, que sous d’autres cieux on accorde, quand elle existe, en seulement quelques jours.
Les fonctionnaires chargés de veiller à la bonne application des procédures sont, évidemment, dans l’incapacité de comprendre que le temps c’est de l’argent, qu’un montage financier établi aujourd’hui peut être totalement remis en cause au bout de quelques mois d’attente et que les promoteurs concernés sont parfois contraints de subir des frais (loyers, salaires, études, voyages d’affaires etc.) en attendant cet hypothétique agrément qu’on peut, du reste, vous refuser.
Ce n’est évidemment pas ainsi qu’on peut redresser une économie qui repose comme chacun le sait sur le nombre et la force des entreprises créatrices de richesses et d’emplois. Il en faudrait au minimum 1,5 millions et l’Algérie n’en compte que 700.000 à 80% de tailles très réduites (TPE).
Plus gravement, dans notre pays il n’est, non seulement, pas aisé de créer de nouvelles entreprises mais, pire encore, bien difficile de maintenir celles qui existent en activité.
L’épée de Damoclès de l’Administration menace en effet constamment, aussi bien, les promoteurs de nouvelles entreprises que les sociétés existantes, qu’une simple disposition d’une loi de finance complémentaire ou les errements d’une administration, peuvent du jour au lendemain torpiller.
Ce ne sont malheureusement pas les exemples qui manquent et on peut citer de mémoire le sinistre Crédoc instauré par la loi de finance complémentaire pour l’année 2009 qui causé la faillite de milliers de PME, le blocage subite des privatisations par ce même moyen, l’interdiction d’importation d’un millier de produits et l’instauration de taxes spéciales par la loi de finance pour 2017 etc.
Pour mettre fin aux hyper pouvoirs que se sont octroyés les administrations publiques en matière économique il n’y a, nous en sommes convaincus, qu’une solution. Celle consistant à déréglementer au maximum le processus de création d’entreprises et de promotion de nouveaux projets d’investissements.
On ne voit, par exemple, pas pourquoi un investisseur devrait être soumis au bon vouloir d’un Conseil National d’Investissement pour réaliser une usine de sidérurgie, un complexe industriel et autres projets susceptibles de créer de la richesse, offrir des emplois et booster nos exportations hors hydrocarbures.
A une échelle moindre, on peut également se poser la question de savoir pourquoi les promoteurs seraient-ils obligés de soumettre des projets d moindre importance financière, comme les créations d’écoles et instituts privées (ils seraient plus d’un millier à attendre un agrément selon un promoteur qui attend depuis plusieurs années l’autorisation d’ouvrir un institut de management) à des procédures administratives aussi longues qu’inutiles, au moment où l’Etat algérien a cruellement besoin d’alléger le lourd fardeau des dépenses d’éducation qu’il contraint de porter aujourd’hui.
Ce que les bureaucrates semblent ignorer, c’est que toutes ces crèches, écoles, CEM, lycées et instituts qu’ils ont empêchés d’activer auraient pu créer au minimum 20.000 emplois, scolariser dans de bonnes conditions des milliers d’enfants et ouvert des perspectives à un nombre considérables d’élèves rejetés par les système scolaire actuel.
L’Administration œuvrant aujourd’hui beaucoup plus à la perte de l’investissement qu’à sa promotion, le salut n’est plus dans l’étoffement des administrations publiques et à la multiplication des procédures, mais bien au contraire, dans leur suppression ou au minimum dans la réduction des pouvoirs exorbitants qu’elles se sont octroyées. Des pouvoirs parfois si forts qu’ils s’exercent bien souvent à l’encontre des lois de la républiques.
Des chapelles refusant d’appliquer les lois en vigueur sont du reste souvent rapportées par la presse qui font fréquemment état de promoteurs bloqués dans diverses localités du pays par des administrations qui ne se référent pas à la loi, mais à leurs bons vouloir. Booster la démographie des entreprises dans ce contexte est un pari quasi impossible à tenir.
Pour ce faire, il aurait fallu ôter aux administrations les excès de pouvoirs dont elles disposent, supprimer les « chapelles » administratives qui prolifèrent sur tout le territoire national, soumettre la création des entreprises à une simple procédure de déclaration, mettre en place des voies de recours en faveur des promoteurs « recalés », sanctionner sévèrement les abus d’autorité.
Autant d’actions que l’autorité politique doit impérativement s’il veut réellement favoriser cette dynamique de création d’entreprises qui manque aujourd’hui à l’Algérie. S’il venait à le faire il trouvera sur le terrain des dizaines de milliers de promoteurs, parmi lesquels de nombreux jeunes, prêts à le suivre, tant la frénésie pour le business en cette période où l’Etat n’a plus grand chose à offrir en matière d’emploi, est forte.