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Salaires bloqués, pouvoir d’achat en baisse, la pauvreté commence à toucher les cadres

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L’absence d’une politique des salaires en phase avec les prix des produits et services de large consommation, lamine chaque jour davantage le pouvoir d’achat de ceux qui ne vivent que de leurs paies.

Alors que les revenus salariaux des cadres intermédiaires (de l’échelle 14 et à l’échelle 20 des grilles des salaires les plus courantes)  n’ont enregistré qu’une progression d’environ 10% au cours de ces cinq dernières années, leurs dépenses de consommation incompressibles ont enregistré, selon des estimations de l’Office National des Statistiques largement rapportées par la presse, une hausse de prés de 30% durant la même période. Alors que le salaire moyen mensuel ne dépassait guère 39.900 dinars en 2016 le budget nécessaire à une famille de cadre composée de cinq personnes en moyenne, aurait dépassé les 50.000 dinars selon une évaluation effectuée à la même date par l’UGTA. S’il est vrai que le salaire moyen d’un cadre du secteur bancaire ou celui des hydrocarbures (entre 59.700 DA et 102.000 DA) est nettement supérieur à celui d’un  cadre d’une entreprise de BTP (30.400 DA), l’érosion de leurs pouvoirs d’achat est le résultat d’une même logique, celle de l’augmentation permanente et démesurée des prix à la consommation. Des prix laissés aux déterminismes d’un marché mal maîtrisé qui affectent parfois même ceux des produits soutenus par l’Etat (cas du lait et du pain vendus sur le marché informel).

La perte de pouvoir d’achat est, par conséquent, bien réelle et, le plus grave, est qu’elle s’inscrit dans un processus d’érosion qui n’est pas près de s’arrêter. Si par crainte d’une poussée inflationniste le gouvernement tend à comprimer les salaires, il provoque à contrario une vague de hausse des prix à la consommation par le truchement de la dérive du dinar, de l’instauration de nouvelles taxes ou l’élévation de celles qui existaient déjà (TVA, taxes douanières etc.). Cette perte substantielle de pouvoir d’achat est d’autant plus dramatique que les cadres ne peuvent même plus compter sur les soutiens multiformes que leurs entreprises leur prodiguaient autrefois (cantines, transport, prêts sociaux etc.). Autrefois très active l’action sociale a pratiquement disparu de toutes les entreprises exceptées les plus importantes d’entre elles (Sonatrach, Sonelgaz, Cosider..) qui continuent aujourd’hui encore à offrir des repas en cantines, des prêts sociaux, des soins médicaux gratuits, voire même, des crèches pour les enfants de leurs travailleurs etc. Plus grave encore, il arrive que des entreprises en rupture de trésorerie (les entreprises de BTP notamment) ne parviennent à payer les salaires qu’après plusieurs mois d’attente entraînant leurs salariés dans le cercle périlleux de l’endettement familial duquel ils auront bien du mal à se remettre.

Pour combler le gap entre leurs revenus salariaux et le coût général de la vie, les cadres algériens n’ont d’autres choix que celui de réduire, chaque jour davantage, leurs dépenses de consommation ou de se mettre à la recherche d’une ou plusieurs activités rémunérées complémentaires, qu’ils trouveront généralement dans la sphère économique informelle. Les comptables et les  informaticiens sont à titre d’exemples nombreux à offrir au noir des prestations liées à leurs métiers, tout en émargeant officiellement dans les effectifs d’une entreprise qui assure un salaires et autres avantages sociaux. L’argent complémentaire gagné dans la sphère informelle est souvent plus substantiel que celui que leur offre leur employeur officiel. C’est grâce à ces gains complémentaires que bon nombre de cadres parviennent à maintenir, sans devoir renter dans la délinquance, leur train de vie. Il faut en effet se demander comment doivent faire ceux qui n’ont pas la chance d’avoir, comme ce comptable ou cet informaticien, des métiers qui leur permettent d’être facilement recrutés pour des extras. Le vol, l’arnaque et autres trafics ont déjà tendance à séduire bon nombre de cadres en quête de revenus supplémentaires nécessaires au maintien de leurs niveaux de vie frappés de plein fouet par une inflation en pleine dérive, officiellement estimée à 5,5% mais, plus gravement ressentie, d’une région à l’autre.

Le déclin du pouvoir d’achat des cadres, et plus largement, des classes moyennes algériennes est déjà largement perceptible à travers l’abandon ou la réduction drastique de certains loisirs (restaurants, spectacles quand ils existent, voyages à l’étranger etc.). Le véhicule qui symbolisait leurs réussites sociales tend à devenir une charge de plus en plus difficile à assumer. Une panne mécanique importante peut dans certains engloutir plusieurs mois de salaires et mettre les cadres concernés en grave état de détresse.

Les observateurs de la scène économique algérienne sont unanimes à prévoir des jours encore plus sombres pour le pouvoir d’achat des cadres. Pour des impératifs macro économiques (stabilisation de l’inflation) le gouvernement ne permettra aucune augmentation de salaire et ni de retraites en dehors des voies tracées par les conventions collectives en vigueur. Il ne pourra par contre pas contrôler les hausses de prix fixés les niveaux de l’offre et de la demande souvent déterminées par le marché informel sur lequel il n’a aucune emprise. Le gap entre salaires et prix aura donc nécessairement tendance à se creuser dans les prochains mois. L’entrée en vigueur des hausses de prix générées par les nouvelles mesures fiscales, les interdictions d’importation et la dévaluation continue du dinar va lourdement et durablement pénaliser leur pouvoir d’achat au point d’entraîner la paupérisation des franges les plus vulnérables de nos classes moyennes.

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