Faute de fluidité dans les procédures bancaires, l’exportation est devenue un acte économique périlleux susceptible de faire perdre du temps et de l’argent aux exportateurs. Si l’écrasante majorité des entreprises préfèrent d’emblée éviter de se lancer dans cette aventure trop risquée, ceux qui osent faire le pas sont nombreux à abandonner leurs malheureuses tentatives avec l’intime décision de ne plus recommencer. Seuls quelques rares hommes d’affaires parviennent à la faveur d’un concours de circonstances favorables à venir à bout de ce processus exagérément procédurier qui n’incite pas du tout à écouler ses produits sur les marchés étrangers. D’où la modicité des exportations hors hydrocarbures qui oscillent, bon an mal an, entre 400 et 600 millions de dinars à peine.
Les banques commerciales ne sont pas les seules à entraver les initiatives d’exportations, les douanes et autres institutions de contrôle y sont également pour quelque chose, mais il faut reconnaître qu’en matière création de difficultés la palme, revient aux banques algériennes qui ne considèrent toujours pas les exportateurs comme des acteurs économiques à encourager, ne serait-ce, que parce qu’ils font gagner des devises au pays. A moins qu’ils ne bénéficient d’appuis particuliers, aucune banque ne pense en effet à débarrasser les exportateurs potentiels des procédures superfétatoires ou à leurs accorder, chaque fois que nécessaire, les priorités qu’ils méritent. Ces derniers sont malheureusement assujettis aux mêmes règles que celles appliquées aux importateurs qui contrairement aux exportateurs vident les caisses de l’Etat. De nombreux témoignages crédibles indiquent même que les importateurs bénéficieraient de plus de facilités que les exportateurs desquels on aurait tendance à exiger davantage de formalités. Avant que de toutes récentes directives gouvernementales plus restrictives ne freinent les ardeurs des importateurs, les banques exigeaient en effet des exportateurs, comme préalable à toute intention de vendre des produits ou des services à l’étranger, de domicilier à leur niveau, leurs projets d’exportation. Ce n’est qu’après cette domiciliation qui requiert la constitution d’un fastidieux dossier administratif, qu’ils pourront enfin engager concrètement l’expédition des marchandises. Les difficultés des exportateurs ne s’arrêtent malheureusement pas là, car pour pouvoir se faire payer, ils devront impérativement fournir à leurs banquiers une « attestation de service fait » sur la base de laquelle ils seront autorisés à facturer les produits à exporter. Un contrat fixant les conditions de facturation et de paiement sur la base d’une attestation de service fait est également exigé comme préalable à toute domiciliation.
Pourquoi les banques commerciales exigent-elles des exportateurs autant de formalités? Un banquier que nous avons interrogé sur cette épineuse question estime que cela est dû à une accumulation de directives émanant de diverses sources (Banque d’Algérie, ministère des finances, ministère du commerce et de l’Abef notamment) qu’on émet sans prendre la peine d’abroger celles qui avaient émises auparavant. D’où ce maquis de directives souvent confuses et contradictoires. Le banquier doit malgré tout toutes les appliquer au risque d’en subir le proche ou d’être gravement sanctionné par sa hiérarchie. La bureaucratie est ainsi faite et les banquiers considèrent qu’il serait dangereux pour leurs carrières d’y déroger. Un toilettage des textes réglementaires doit impérativement être fait si on veut vraiment faciliter la vie, aussi bien, aux exportateurs, qu’aux banquiers.
Pour arriver au bout de la procédure d’exportation, trois à quatre mois sont généralement nécessaires, sans pour autant que l’argent gagné n’entre enfin dans le compte de l’exportateur ouvert au niveau d’une banque commerciale. Les devises prennent d’abord le chemin de la Banque d’Algérie qui en détient le monopole avant d’atterrir, plusieurs semaines après, à sa banque qui ne comptabilisera en devises que la moitié du montant de l’exportation réalisée, le reste étant autoritairement converti en dinars. Il est bon de signaler que l’exportateur n’a même pas le droit de disposer à sa guise des devises qu’il a légalement gagnées en vendant, au terme d’efforts parfois gigantesques, des produits algériens à l’étranger. Il est soumis au même titre que tous les détenteurs de comptes en devises aux mêmes règles, comme si ces devises laborieusement gagnées ne lui appartenaient pas. Une toute récente directive de la Banque d’Algérie autorise les banques domiciliataires à garder les devises provenant de l’épargne citoyenne et des exportations, mais elle n’a pas eu d’application à ce jour.
Si pour les exportateurs de marchandises, les démarches à accomplir ne sont, comme on le constate, pas simples, elles sont encore plus compliquées pour ceux qui optent pour l’exportation de services (confection de logiciel, études d’architecture et d’ingénierie etc.). Ils n’ont pour commencer pas droit de recruter et de payer en devises du personnel étranger. Pour contourner la difficulté ils s’arrangeront, selon le cas, à les payer en dinars convertis en devises sur le marché parallèle et par la suite expatriées par des voies illégales, ou, et c’est le cas le plus répandu, à demander à leurs clients étrangers de payer ces employés en devises et de les défalquer du montant des factures de prestation. On imagine tous les abus rendus possibles par ces pratiques opaques auxquelles les exportateurs de services sont contraints de recourir, du fait de cette législation aberrante. Toutes ces difficultés qui, dans de nombreux cas, finissent dans les tribunaux ne sont, par ailleurs, pas de nature à rendre le marché algérien attrayant au regard des étrangers. Ces derniers choisiront, on peut le comprendre, de s’adresser à des entreprises de pays qui disposent d’un environnement juridique simplifié et favorable aux affaires plutôt qu’un pays qui traîne dans la mise en œuvre de réformes et qui, de ce fait, dispose d’un des plus mauvais climats des affaires au monde. De juteuses possibilités d’exportations sont ainsi souvent perdues par l’Algérie qui a pourtant cruellement besoin d’augmenter ses recettes en devises tout en en diversifiant les sources