Les crises économiques et financières constituent à travers le monde une aubaine pour les banques islamiques qui y trouvent l’occasion de justifier le bien-fondé de leurs thèses basées sur la charia qui, comme on le sait, proscrit l’intérêt sur le crédit (El Riba) assimilé à la pratique illicite de l’usure, mais autorise en revanche les bailleurs de fonds et leurs partenaires à partager, selon les clauses de contrats mutuellement négociés, les bénéfices générés par leurs investissements.
L’Algérie, dont le gouvernement s’apprête à autoriser les banques publiques BNA, CPA, CNEP/Banque, BADR etc., à pratiquer aux cotés des banques islamiques en activité (El Baraka, Al Salam etc.) ce mode de financement dit hallal, n’échappe pas à la règle. La caution du FMI, maintes réitérée par sa directrice générale, Christine Lagarde, a donné des ailes à ce mode de financement qui se développe de manière spectaculaire dans le monde.
Les banques islamiques ne pratiquent pas de spéculation financière, notamment en bourse, pour la simple raison que la titrisation des capitaux, jugée illicite au regard de la charia, est exclue de ses pratiques. Les crises économiques étant, au regard d’une très large frange de l’opinion publique de confession musulmane, exclusivement due à une spéculation effrénée sur les intérêts susceptibles d’être offerts par les titres cotés en bourse, l’attrait pour les banques islamiques qui ne participent pas à ce type de spéculation peut effectivement certaines franges de la population.D’où le subit engouement pour ces banques à travers le monde, y compris dans des pays non musulmans (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France) que rien ne prédisposait à ce genre de produit financier.
Il faut toutefois reconnaître qu’à l’heure où leurs systèmes financiers sont englués dans d’inextricables problèmes d’insuffisance de liquidités, de nombreux pays, Algérie y compris, ne peuvent pas s’offrir le luxe de faire la fine bouche face aux banques islamiques qui regorgent de capitaux oisifs. Dopées par les pétrodollars en provenance des monarchies du Golfe et les dépôts de nombreux adeptes de la charia, les capitaux détenus par ces banques dépassaient déjà mille milliards de dollars en 2007, selon le directeur de l’Ecole de management de Strasbourg.
De quoi susciter la convoitise des banques occidentales aujourd’hui contraintes de solliciter le concours financier de leurs Etats pour reconstituer leurs trésoreries. Les banques islamiques, pour certaines ouvertement soupçonnées de financer le terrorisme (notamment celles installées en Arabie Saoudite, au Qatar et au Pakistan) sont subitement devenues fréquentables et il n’est pratiquement pas un seul pays, parmi les plus riches de la planète, qui ne compose ouvertement ou s’apprêterai à le faire, avec ces banques qu’ils avaient pourtant longtemps marginalisées ou carrément interdites sur leurs territoires.
En France par exemple, un enseignement de finance islamique respectueux de la charia est depuis peu dispensé par l’Ecole de Management de Strasbourg. L’enseignement, couronné par un diplôme universitaire, propose 405 heures de cours en formation continue. Homologué bac+5, il est ouvert aux titulaires d’un mastère, d’un bac+4 et aux personnes possédant une expérience professionnelle significative. Les candidats seront tout particulièrement formés au régime juridique des contrats de droit musulman, au droit bancaire et à la législation canonique des produits financiers islamiques, tels que le Salam, l’Ijara, le Sukuk, la Mucharaka et la Murabaha, par exemples.
Les diplômés de cette école sont, à l’évidence, destinés à l’encadrement du système financier islamique en gestation en France et dans certains pays d’Europe. La Grande-Bretagne est sans doute le pays européen le plus avancé en la matière. Le diplôme de management en finance islamique y existe déjà depuis au minimum une dizaine d’années et les instituts privés sont de plus en plus nombreux à dispenser des formations de même nature. L’exploitation médiatique de la crise des « subprimes » en vue de promouvoir le système financier islamique bat son plein avec, au bout du compte, de nombreux clients gagnés à ce mode de crédit hallal, si on se réfère aux nombreux articles de presse qui lui sont souvent consacrés.
L’argument selon lequel la finance islamique interdit la spéculation sur les créances, en grande partie responsable de la crise des subprimes, a été particulièrement payant. On sait, à titre d’exemple, que la finance islamique a déjà commencé à faire son apparition en France à travers certains fonds islamiques du Golfe (Gulf Finance House, Qatar Islamic Bank ou Barwa Real Estate) qui financent d’importants projets immobiliers estimés déjà à plus de 3 milliards d’euros, en 2007.
Le mot d’ordre des pays occidentaux, Etats-Unis et Grande-Bretagne en tête, est de tout faire pour capter les liquidités détenues par les banques islamiques. Une rivalité en ces pays est du reste déjà engagée à coups d’incitations juridiques et fiscales les unes plus attractives que les autres, dans le but de capter cette masse de capitaux qui pourrait quelque peu atténuer les crises de liquidités dont souffrent aujourd’hui la plupart de leurs banques.