Un rapport récent de la Banque d’Algérie (BA) met en évidence des écarts importants dans le niveau de risque lié au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme entre les différents acteurs du secteur financier. Selon cette évaluation, les banques présentent un risque résiduel « moyen-élevé », les établissements financiers un risque « faible », tandis qu’Algérie Poste (AP) est jugée exposée à un risque « plus élevé ».
La BA explique que « ce classement traduit un équilibre entre certaines avancées en matière de conformité et des vulnérabilités persistantes ». Cette étude, qui actualise une première évaluation publiée en janvier 2025 par la Commission bancaire, s’inscrit dans le cadre des recommandations du GAFI. Elle vise à renforcer l’approche de supervision fondée sur les risques, déjà adoptée par la Banque d’Algérie.
Des vulnérabilités structurelles
Le rapport souligne que les vulnérabilités observées touchent plusieurs aspects : la diversité de la clientèle, l’exposition de certains produits et services, ainsi que l’étendue des réseaux opérationnels. Ces fragilités s’ajoutent à des faiblesses de gouvernance et de contrôle interne, « bien que des mesures structurelles ont été engagées pour renforcer la lutte contre le BA/FT ».
Entre 2019 et 2023, l’évaluation nationale des risques (ENR) a recensé 11 infractions sous-jacentes au blanchiment d’argent. Les plus importantes concernent la corruption, la fraude fiscale et le trafic de drogue. Viennent ensuite les infractions douanières, la contrebande et le trafic de migrants, classées comme menaces moyennes. Enfin, les risques faibles regroupent la fraude, le faux monnayage et le trafic d’armes.
Pourquoi Algérie Poste est-elle plus exposée ?
La Banque d’Algérie explique que la taille du réseau postal, la diversité des services proposés et la composition de la clientèle d’AP « exposent l’institution à un risque accru d’exploitation à des fins de blanchiment d’argent ». Le rapport ajoute que « le niveau de vulnérabilité élevé d’AP est principalement lié à la taille importante de ses totaux actifs et dépôts », ce qui représente « un volume significatif de ressources et transactions susceptibles d’introduire des fonds illicites, surtout en l’absence de contrôles renforcés adaptés ».
Algérie Poste gère le portefeuille clientèle le plus large du pays, avec une grande variété de profils. Cette diversité complique l’identification des clients et des bénéficiaires effectifs, augmentant « la complexité de la surveillance des transactions ».
Le réseau d’agences de l’institution, le plus étendu du territoire, est aussi cité comme un facteur de vulnérabilité. « Son réseau d’agences, le plus étendu du pays, multiplie les points de vulnérabilité et rend difficile l’application homogène des contrôles », indique le rapport. À cela s’ajoute la taille des effectifs, « nécessaires pour couvrir ce vaste réseau », ce qui entraîne « des risques liés au personnel », notamment à cause des difficultés de formation, de la dispersion géographique et du risque de « non-respect des procédures ».
Des risques accrus liés à la clientèle et au numérique
La Banque d’Algérie note également que la clientèle d’AP est composée majoritairement de particuliers, parmi lesquels se trouvent des « personnes politiquement exposées (PPE) » et des clients occasionnels. Cela justifie, selon elle, « une vigilance renforcée sur la surveillance des opérations et l’origine des fonds ».
L’évaluation attire aussi l’attention sur les « nombreuses associations et fondations« qui interagissent avec AP, sources possibles de vulnérabilité « bien que l’institution ne traite pas avec des structures complexes ».
Un autre point de vigilance concerne les virements électroniques, notamment via l’application BaridiMob. « Cette facilité d’utilisation, bien qu’avantageuse, présente un risque d’exploitation pour des opérations de blanchiment d’argent », souligne la BA. L’absence de contrôle physique et la popularité croissante de ce canal rendent plus difficile la détection d’activités suspectes.
La Banque d’Algérie relève que l’implantation d’AP sur tout le territoire la rend sensible à des risques géographiques. Les zones frontalières, les grands centres urbains et certaines régions enclavées sont particulièrement concernées, en raison du poids de l’économie informelle et de la proximité avec des zones à risque. Cela impose, selon la BA, « une vigilance renforcée, des contrôles adaptés et une formation ciblée du personnel ».






