Les relations algéro-françaises se sont envenimées il y a plusieurs semaines après des propos du président français, Emmanuel Macron, sur l’Algérie et sa décision de réduire de moitié le nombre de visas octroyés aux Algériens.
Emmanuel Macron avait accusé, début octobre dernier, le système « politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » autour de la guerre d’indépendance, selon des propos rapportés par le quotidien français Le Monde. Selon le même le quotidien, le président français s’était également interrogé sur l’existence d’une « nation algérienne » avant la colonisation française, suscitant de vives réactions en Algérie.
Les propos de Macron ont déclenché la colère d’Alger qui a rappelé son ambassadeur à Paris et interdit le survol de son espace aérien aux avions militaires français de l’opération Barkane au Mali. Début novembre, le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait déclaré dans une interview au magazine allemand « Der Spiegel » qu’il ne fera pas le premier pas pour le rétablisssement des relations avec la France.
Quelques jours plus tard, le président français avait « regretté » « les polémiques et les malentendus » avec l’Algérie, et assuré avoir « le plus grand respect pour la nation algérienne » et « son histoire ». « Le président de la République regrette les polémiques et les malentendus engendrés par les propos rapportés » et « il est fortement attaché au développement de la relation » entre la France et l’Algérie, a précisé un conseiller Afrique et Moyen-Orient du président français, au cours d’un brief de presse consacré à la conférence sur la Libye organisée le 12 à Paris.
Fin novembre, le Président Tebboune a indiqué, lors d’une entrevue avec des médias nationaux, que le retour à la normale des relations algéro-françaises ne se fera que sur la base d’un traitement d’ « égal à égal ». « Le retour à la normale des relations algéro-françaises est inéluctable, mais à des conditions. L’autre partie doit comprendre que le traitement d’égal à égal n’est nullement une provocation, mais plutôt un garant de la souveraineté d’un pays, arrachée au prix de 5.630.000 de martyrs tombés au champs d’honneur entre 1830 et 1962 », a-t-il déclaré.
« Les relations entre les deux pays doivent désormais obéir à un traitement d’égal à égal…L’Algérie ne tolérera aucun diktat », a affirmé le Président Tebboune qui a souligné que « l’établissement de relations avec la France ne sera pas synonyme de placement sous sa tutelle ».
Ce mercredi 8 décembre, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française, Jean-Yves Le Drian, effectué une visite en Algérie, afin de « relancer la relation algéro-française ». C’est la première visite d’un responsable français à Alger depuis la crispation des relations entre l’Algérie et la France il y a deux mois.
Après s’être entretenu avec le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, le chef de la diplomatie française a été reçu par le Président de la République Abdelmadjid Tebboune. A l’issue de l’audience que lui a accordée le chef de l’Etat, le MAE français a indiqué que sa visite en Algérie a pour objectif de « renouer une relation de confiance », marquée par le respect de la souveraineté de chacun, exprimant son « souhait » de travailler à « lever les blocages et les malentendus qui peuvent exister entre les deux pays ».
La France veut « renouer une relation de confiance » avec l’Algérie
« Ce déplacement (en Algérie) a pour double objectif de renouer une relation de confiance entre nos deux pays, marquée par le respect de la souveraineté de chacun, mais aussi de regarder vers l’avenir pour travailler à la relance et à l’approfondissement de notre partenariat qui est indispensable », a-t-il indiqué dans une déclaration à la presse, rapporte l’agence APS. « La France et l’Algérie ont des liens profonds animés par la densité des relations humaines entre Algériens et Français, et ancrés dans une Histoire complexe », a-t-il ajouté.
Le chef de la diplomatie française a également « exprimé le souhait de travailler à lever les blocages et les malentendus qui peuvent exister entre les deux pays », précisant qu’au cours des échanges, les deux parties ont convenu de reprendre certains axes de la coopération bilatérale.
« Cela se traduira par la reprise d’un dialogue opérationnel entre partenaires sur les questions humaines et migratoires, et aussi par la reprise d’un dialogue opérationnel sur la lutte contre le terrorisme et par nos efforts communs pour assurer la sécurité de nos deux pays », a-t-il dit, exprimant aussi son « souhait que le dialogue que nous relançons aujourd’hui puisse conduire à une reprise des échanges politiques entre nos deux gouvernements en 2022 ».
Dans ce sens, il a fait observer qu' »au-delà des blessures du passé que nous devons regarder en face et au-delà des malentendus qu’il nous revient de dépasser », il a exprimé une nouvelle fois son souhait de voir les deux pays « reprendre ensemble la voie d’une relation apaisée et pouvoir regarder vers l’avenir ».
« Je veux redire, ici, que l’Algérie est un partenaire essentiel pour la France sur le plan bilatéral, mais également sur le plan régional. Nous entendons continuer à coordonner nos initiatives diplomatiques pour favoriser le processus d’une transition politique en Libye à la suite de la Conférence de Paris à laquelle le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, avait représenté le Président Tebboune ».
« Nous avons également fait le point sur la situation au Mali où l’Algérie joue un rôle important », a-t-il indiqué, soulignant que « l’engagement de l’Algérie dans la mise en oeuvre de l’Accord de paix et de réconciliation est un élément essentiel du processus de paix au Mali ». « Je tiens à saluer cet engagement et je forme le vœu que notre dialogue se poursuive sur ce sujet », a-t-il affirmé.
Dans le même sillage, il a indiqué que la France et l’Algérie font face ensemble à « des défis majeurs dans un environnement régional et international incertain », soulignant que les deux pays « doivent être en mesure de proposer des réponses opérationnelles aux défis que représente le terrorisme dans la région sahélienne, mais aussi l’émigration clandestine ainsi qu’aux enjeux de développement économique ».
« Sur tous ces sujets et parce que nos intérêts sont communs, notre concertation est primordiale et c’était le sens de ma présence aujourd’hui à Alger », a ajouté M. Le Drian qui s’est dit « heureux de revenir en Algérie » où « j’ai eu l’honneur et le plaisir de m’entretenir longuement avec le Président Tebboune et avec mon homologue M. Lamamra ». « Je voudrais les remercier de leur accueil chaleureux », a-t-il réitéré, soulignant qu' »il était important pour moi de me rendre à Alger pour une visite de travail et d’évaluation de la relation bilatérale ».