Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune a donné, dimanche lors de la réunion du Conseil des ministres, des instructions à l’effet de revoir les dispositions de l’accord d’association avec l’Union Européenne (UE), « clause par clause », en fonction d’une vision souveraine et d’une approche « gagnant-gagnant ».
L’accord d’association entre Alger et Bruxelles a été ratifié en 2002 et entré en vigueur au 1er septembre 2005, projetait d’ouvrir leurs marchés respectifs au sein d’une zone de libre-échange (ZLE). Il prévoyait pour cela une période de transition de douze ans, jusqu’en 2017, afin que l’Algérie élimine progressivement ses droits de douane sur des produits industriels et qu’elle applique une libéralisation sélective de ses produits agricoles.
Cette période a par la suite été prolongée de trois ans, jusqu’au 1er septembre 2020, pour certains produits comme l’acier, les textiles, les produits électroniques et l’automobile. L’entrée en vigueur de cette ZLE est contestée par l’Algérie, qui a demandé à moult reprises au fil des années de renégocier un accord trop défavorable à ses yeux. L’UE et l’Algérie ont échangé en 2019 pour un peu plus de 33 milliards d’euros, avec une balance au bénéfice des Européens (+612 millions d’euros).
En septembre 2020, l’Algérie avait demandé « oralement » à l’Union européenne de reporter l’achèvement de la zone de libre-échange entre les deux régions, initialement prévue le 1er septembre.
L’Accord d’Association avec l’UE « n’a pas été suffisamment négocié »
Intervenant ce mardi 2 novembre sur les ondes de la radio chaîne III, le président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Nasri, a relevé que l’Accord d’Association avec l’Union Européenne « n’a pas été suffisamment négocié ». Pour lui, « si cet accord se résume à la partie commerciale, je suis de ceux qui appellent à appliquer l’article 107 qui permet d’y renoncer. »
S’agissant du déséquilible dans cet accord, le président de l’Anexal a indiqué que les postes services, agricole et produits agricoles transformés, « sont des secteurs qui ont été pratiquement verrouillés par l’UE », relevant « des erreurs d’appréciation notamment l’abaissement du taux moyen pondéré des droits de douanes, qui était de 32% avant l’accord. » Selon lui, cette moyenne a été réduite à 18% après l’accord, or, généralement, « lorsqu’on va vers un accord, on a intérêt à augmenter les droits de douanes et non pas les baisser ».
Ali Bey Nasri a rappelé que « les articles 11 et 40 de l’accord permettent, lorsqu’il y a des difficultés graves de la balance des paiements et nous sommes en plein dedans, l’Algérie peut demander des mesures de sauvegarde ». « C’est ce que nous avons fait en 2010, après la crise des subprimes, le baril était à 37 dollars, l’Algérie a demandé un réaménagement de l’accord sur 3 ans qui concernait 1054 produits industriels et 37 positions tarifaires dans les parties agricole et énergétique. Mais cela n’a pas suffit, car nous n’avons pas su mettre en place une économie et une industrie permettant de passer à l’offensive », a-t-il expliqué.
L’Accord commercial profite à 4 pays européens
« Même si le préambule de l’accord stipule que les relations doivent être équilibrées, comment peut-on équilibrer les relations entre un pays en voie de développement et la première puissance économique du monde qui est l’Europe, premier exportateur mondial ? », s’est-interrogé le président de l’Anexal, qui a noté que cet accord commercial profite à 4 pays européens. « En premier lieu la France, 25% des importations algériennes sont d’origine française. Viennent ensuite l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Ces 4 pays totalisent 72% des exportations européennes vers l’Algérie. Toute remise en cause de l’accord touchera d’abord ces 4 pays européens avec à leur tête la France », a-t-il précisé.
« Il faut que l’UE comprenne que c’est une nouvelle Algérie, avec une nouvelle politique économique à tracer et qui exige des relations équilibrées dans le cadre d’un réel partenariat, non pas une simple relation client vendeur », a-t-il indiqué, en estimant que « l’Algérie a fait une erreur ». Il a expliqué qu’en allant vers l’UE, l’Algérie s’est disqualifié de l’Organisation mondiale du commerce et que l’idéal, selon lui, aurait été de négocier avec l’OMC, l’UE étant partie intégrante de l’organisation.
« Où est le co-développement et le partenariat ?
Selon Ali Bey Nasri, à chaque fois que l’Algérie a actionné les mesures de sauvegarde, l’Union Européenne proteste. Pour lui, ce comportement qu’il qualifie de « mercantile » de la part de l’Europe « n’est pas à la hauteur des ambitions et des fondements du processus de Barcelone ». Il a recommandé de « revenir à l’esprit du processus de Barcelone, dont l’objectif est de consacrer l’espace méditerranéen comme un espace de paix, de stabilité et de prospérité ».
Rappelant qu’en 2016, l’Algérie a fait une pause pour évaluer l’accord, il a indiqué que « c’est sur la base de cette évaluation que les négociations doivent reprendre », et d’ajouter : « Dans sa globalité, l’accord parle de co-développement et partenariat », en se demandant : « où est le co-développement ? Où est le partenariat ? Les faits sont parlants. Tout ce qui aurait pu être au bénéfice de l’Algérie dans cet accord n’a pas été appliqué. Il est clair que l’on veut confiner l’Algérie à un espace commercial ».
Selon Ali Bey Nasri, l’Algérie doit également « identifier les filières sur lesquelles elle a la volonté d’aller en co-développement avec des partenaires européens. Des entreprises européennes sont en train de se relocaliser ailleurs, il faut que l’Algérie en bénéficie ».