La loi de finances pour 2017 énonce de nouvelles dispositions en matière de contrôle des prix de transfert.
L’une des mesures phares est l’obligation pesant sur les entreprises relevant de la compétence de la Direction des Grandes Entreprises (DGE) soumis à l’obligation de produire une documentation sur les prix de transferts, de tenir une comptabilité analytique et de la mettre à la disposition des vérificateurs.
En première analyse, cette nouvelle obligation découlerait du pouvoir de vérification de l’administration inspiré de son droit général de contrôle. Néanmoins, circoncire la question à un simple exercice du droit de contrôle, sans s’attarder sur les fondements légaux et les conséquences pour le contribuable pourrait être hasardeux.
Rappelons que le droit algérien s’est considérablement renforcé ces dernières années pour lutter contre ce qui est communément désigné comme le transfert indirect de bénéfices. Nous pouvons noter dans ce sens notamment les dispositions des articles 141 bis du Code des Impôts Directs et Taxes Assimilées ou encore les articles 20 à 20 ter, 160 et 169 du Code des Procédures Fiscales.
Mais qu’en est-il de l’obligation de tenue d’une comptabilité analytique ? Le droit comptable en vigueur est clair à ce sujet : Aucune obligation n’est prévue pour tenir une comptabilité analytique et de ce fait, il n’existe aucune normalisation « comptable » dans ce sens. Ceci est tout à fait compréhensible car la comptabilité analytique est un outil pour la prise de décision utilisé par les gestionnaires et donc par définition différent d’un cas à un autre.
Dans une récente note du 29 janvier 2017, l’administration fiscale abonde dans le même sens et précise que les entreprises concernées sont libres de choisir la méthode de calcul des coûts. Elle mentionne également que la mise à disposition de la comptabilité analytique n’est pas systématique car ne s’effectuant que dans le cadre très encadré du contrôle fiscal (vérification de comptabilité et vérification ponctuelle).
Pour autant, le doute quant au fondement légal de l’obligation « fiscale » de la tenue d’une comptabilité analytique pour les contribuables relevant de la DGE n’est pas dissipé totalement. Il est bon de rappeler que la constitution algérienne dans sa version en vigueur, garantit de manière sans équivoque le respect de la vie privée.
Mettre à la disposition de l’administration des informations hautement stratégiques qui peuvent aller au-delà du droit de contrôle des prix de transfert, pourrait mettre à mal le principe constitutionnel de la vie privée, tout au moins sur la forme.
Les spécialistes en droit constitutionnel devraient se pencher sur la question pour confirmer ou infirmer la légitime suspicion quant à la constitutionnalité de l’obligation de tenue d’une comptabilité analytique. Notons toutefois avec beaucoup de curiosité, qu’aucune sanction n’est prévue par les nouveaux textes en cas de non-tenue de la comptabilité analytique.
Face à ces faits, le contribuable se doit non seulement de documenter les prix de transfert mais également de dévoiler les éléments les plus « confidentiels » de son activité pour pouvoir répondre de manière satisfaisante aux demandes d’une administration, de plus en plus insistante en matière de contrôle des prix de transfert.
M.N.ABDESSAMED