Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a accordé une longue interview au magazine d’actualité hebdomadaire français Le Point, dans laquelle il a abordé plusieurs dossiers et évoqué notamment les marches du mouvement populaire « Hirak », interdites depuis maintenant trois semaines, la vague d’arrestations de manifestants ces derniers mois et le cas du journaliste de Liberté, Rabah Karèche, placé sous mandat de dépôt depuis 45 jours à la prison de Tamanrasset.
Le Président Tebboune a été interviewé par les journalistes Kamel Daoud et Adlène Meddi, qui l’ont interrogé sur la vague d’arrestations des manifestants, à laquelle question, le chef de l’Etat a répondu : « Lorsque les marches, après la présidentielle, rassemblaient encore de 20 000 à 25 000 manifestants à travers le pays, j’ai été le premier à tendre la main aux gens du Hirak et à les recevoir. Dans mon premier gouvernement, on compte cinq ministres qui en sont issus. Des personnes que j’avais vues m’insulter dans des vidéos ! »
Rappelant qu' »ensuite, on a commencé à libérer des détenus pour arriver à 120 relaxés », le président Tebboune a ajouté : « Les gens continuaient à me critiquer, mais j’ai continué à faire des gestes. J’ai l’impression que cela a été interprété comme une faiblesse. Les gens pensaient qu’on était dos au mur. Ils se trompaient ».
Expliquant que « le manifestant et le policier qui maintient l’ordre public sont les enfants de la même République », il a indiqué : « Je n’ai pas le droit de les laisser s’affronter. D’autant plus que les appels à la violence étaient clairs. Tant qu’on était au stade des idées, il n’y avait pas de problème, mais les appels à la violence, c’est autre chose. »
Hirak : « Je n’utilise plus ce mot »
« Je n’utilise plus ce mot (Hirak) parce que les choses ont changé. Le seul Hirak auquel je crois est le Hirak authentique et béni qui a spontanément rassemblé des millions d’Algériens dans la rue. Ce Hirak-là a choisi la voie de la raison en allant à l’élection présidentielle. Il n’a pas écouté le chant des sirènes qui le poussait à aller vers une période transitoire, et dix millions d’Algériens sont allés voter. Une minorité a refusé l’élection. Je pense que tout Algérien a le droit de s’exprimer, mais je refuse le diktat d’une minorité », a déclaré le président Tebboune.
Selon lui, « aujourd’hui, dans ce qui reste du Hirak, on trouve de tout, il y en a qui crient « État islamique ! » et d’autres qui scandent « pas d’islam ! ». Les manifestants expriment peut-être une colère, mais ce n’est pas le Hirak originel. C’est très hétéroclite. »
Interrogé sur le cas du journaliste et correspondant du quotidien Liberté, Rabah Karèche, placé sous mandat de dépôt à la prison de Tamanrasset, le président Tebboune a eu une réponse très brève. « Il a joué à tort au pyromane sur un sujet très sensible. Très grave », a-t-il dit.
Pour rappel, Rabah Karèche, a été placé en détention provisoire le 19 avril dernier par le tribunal de Tamanrasset, après avoir passé une nuit en garde à vue. Le journaliste est poursuivi « atteinte à l’intégrité du territoire national », « publication volontaire de fausses informations susceptibles de porter atteinte à l’ordre public » et « diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d’attenter à l’ordre public et usage de divers moyens pour porter atteinte à la sûreté et l’unité nationales ». La date de son procès n’est pas encore fixée.
Rabah Karèche a été convoqué par les services de police après la parution d’un article le 18 avril dans le journal Liberté traitant d' »une manifestation de citoyens contre le nouveau découpage territorial », avait expliqué le journal au lendemain de l’arrestation de son journaliste.
Dans cette interview au magazine Le Point qui paraîtra jeudi 3 juin et dont la version numérique est disponible sur le site du magazine mais réservée aux abonnés, le chef de l’Etat a notamment abordé des sujets d’actualité nationale et internationale, à savoir la France, le Maroc, frontières, Bouteflika, législatives.