La visite du Premier ministre français, Jean Castex, en Algérie a été reportée « sine die ». L’annonce a été faite en fin de journée de jeudi 8 avril par les services du Premier ministre français. Jean Castex devait était attendu ce samedi 10 avril accompagné d’une délégation pour la tenue demain dimanche du cinquième Comité intergouvernemental de haut niveau algéro-français (CIHN). Cette réunion n’aura pas lieu finalement.
Si du côté français les services de Jean Castex se sont exprimés sur ce report, côté algérien, aucune déclaration officielle. Cependant, plusieurs raisons seraient derrière le report « sine die » de cette visite. En effet, à la veille de ce déplacement du Premier ministre français à Alger, plusieurs événements se sont succédé durant la journée de jeudi 8 avril 2021. Les déclarations du ministre du Travail, El Hachemi Djaaboub, l’annonce par « La République en Marche » (LREM), parti d’Emmanuel Macron, de la création d’une antenne de cette formation politique à Dakhla au Sahara occidental occupé. Ce sont autant d’événements qui auraient accéléré l’annulation de la visite de Jean Castex.
Officiellement, le contexte sanitaire en est la raison
Officiellement, les services du Premier ministre français ont annoncé à l’agence AFP que le comité intergouvernemental franco-algérien, prévu dimanche en Algérie en présence du Premier ministre français Jean Castex, est reporté sine die « compte tenu du contexte sanitaire ». « L’épidémie de Covid-19 ne permettant pas à ces délégations de se retrouver dans des conditions pleinement satisfaisantes », le comité « est donc reporté à une date ultérieure, lorsque le contexte sanitaire sera plus favorable », ont ajouté les mêmes services
L’AFP a ajouté : De sources concordantes françaises et algériennes, le format de la délégation française, réduit en raison de l’épidémie, a été jugé insuffisant par les autorités algériennes, ce qui a précipité cette annulation tardive. Quatre ministres français seulement devaient faire le déplacement à Alger, à savoir : Jean-Yves Le Drian pour les Affaires étrangères, Gérald Darmanin à l’Intérieur, Jean-Michel Blanquer à l’Education et Bruno Le Maire à l’Economie.
Quelques heures avant le report, Matignon a indiqué que cette session du CIHN (reportée) devait inaugurer une nouvelle étape dans le réchauffement des relations bilatérales, engagé par le président Emmanuel Macron et son homologue algérien. « La visite du Premier ministre s’inscrit dans le réengagement de la relation voulue par les deux présidents, dans un nouveau climat de confiance”, ont expliqué à la presse française des sources proches de Jean Castex, qui ont décrit sa visite comme “un geste d’amitié vis-à-vis de l’Algérie”. Il convient de rappeler que la dernière fois qu’une telle réunion s’est tenue, c’était en 2017 à Paris. L’Algérie avait alors dépêché huit ministres.
« La France est notre ennemi traditionnel et éternel »
La visite reportée de Jean Castex a été précédée jeudi par la visite du chef d’état-major des armées françaises, le général d’armée, François Lecointre, qui a été reçu par le chef de l’Etat-major, le général-major, Said Chanegriha.
Lors de sa rencontre avec son homologue français, le général Said Chanegriha a évoqué avec lui la stabilité en Méditerranée et la problématique liée à la réhabilitation des deux anciens sites d’essais nucléaires français, à Reggane et In-Ikker. « Je tiens à évoquer la problématique des négociations, au sein du Groupe Algéro-français, au sujet des anciens sites d’essais nucléaires et des autres essais au Sahara algérien, où nous attendons votre soutien, lors de la 17e session du groupe mixte Algéro-français, prévue en mai 2021, pour la prise en charge définitive des opérations de réhabilitation des sites de Reggane et In Ekker, ainsi que votre assistance pour nous fournir les cartes topographiques permettant la localisation des zones d’enfouissement, non découvertes à ce jour, des déchets contaminés, radioactifs ou chimiques », a-t-il dit à son homologue français., selon le même communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN).
Durant la même journée, le ministre du Travail, de l’emploi et de la sécurité sociale, El Hachemi Djaaboub, s’exprimait lors d’une séance consacrée aux questions orale au Conseil de la Nation, où il a tenu une déclaration fracassante sur la France.
Le ministre du Travail a qualifié la France d' »ennemi traditionnel et éternel » de l’Algérie. Evoquant le déficit que connait la Caisse nationale des retraites, El Hachemi Djaaboub a indiqué que les caisses de sécurité sociale du monde entier connaissent des difficultés en citant l’exemple de la caisse française. « La France, notre ennemi traditionnel et éternel, a un déficit de sa caisse de sécurité sociale de 44,4 milliards euros », a-t-il déclaré, en ajoutant que ce chiffre est vérifiable sur Internet. Cette déclaration a été largement relayée par les médias français.
Création d’une antenne du parti français LREM à Dakhla occupée
Un autre événement s’était également produit durant la journée de jeudi dernier et qui serait également derrière le report de cette visite. En effet, le parti du président français Emmanuel Macron, « La République En Marche (LREM) », a annoncé la création prochaine d’une antenne du parti à Dakhla, en territoire du Sahara occidental occupé par le Maroc Cette annonce a été vue par le Royaume comme la création prochaine d’un consulat français.
L’annonce a été faite par la députée du Tarn, Marie-Christine Verdier Jouclas, vice-présidente du groupe d’amitié France-Maroc et porte-parole des députés macronistes à l’Assemblée nationale française. Elle a en effet annoncé la création prochaine par LREM d’un comité à Dakhla (en territoire sahraoui occupé), en ajoutant que ce comité se situe dans « les provinces du Sud marocain » et « qui vient renforcer notre présence auprès des Français de cette zone ».
La députée Verdier Jouclas et le représentant de LREM au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, Jaoued Boussakouran, se sont engagés à se rendre à Dakhla dès que les conditions sanitaires le permettront. « A l’occasion de l’anniversaire des 5 ans de La République en Marche, nous souhaitons saluer la dynamique du mouvement au sein de notre région», ont-ils dit, tout en se réjouissant « particulièrement de la création du comité de LREM à Dakhla, situé dans les provinces du Sud marocain ».
L’ouverture d’une antenne d’En Marche sur place, la veille de la visite à Alger de Jean Castex, « est un geste qui ne pouvait qu’être mal interprété », a souligné Franceinfo.
Jeudi, Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, s’est entretenu par visioconférence avec son homologue marocain, Nasser Bourita. Le MAE français a rappelé le ministre a rappelé « le soutien de la France à la recherche d’une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. » Il a également rappelé que dans cette perspective, « la France considère le plan d’autonomie marocain comme une base sérieuse et crédible », lit-on sur le site du ministère français des affaires étrangères.
L’Algérie défend, elle, un référendum qui permettrait aux populations de ce territoire de dire si elles veulent rester indépendantes ou être rattachées au Maroc. Lors de sa rencontre périodique avec des responsables de certains médias nationaux, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a rappelé la position de l’Algérie au sujet de la cause sahraouie. Il a rappelé que le dossier du Sahara occidental demeure une question de décolonisation et que son règlement implique un retour aux décisions onusiennes pertinentes, exprimant son souhait de voir les frères (Royaume marocain et front Polisario) parvenir à une solution acceptée par les deux parties.
Des lobbies « travaillent contre une entente cordiale entre l’Algérie et la France »
L’ambassadeur d’Algérie à Paris, Mohamed Antar Daoud, a lui aussi évoqué mercredi dernier cette visite du Premier ministre français et la tenue de cinquième session du CIHN. Dans une interview accordée la chaîne publique Canal Algérie, l’ambassadeur d’Algérie à Paris a dénoncé des lobbies qui «travaillent contre une entente cordiale entre l’Algérie et la France».
« C’est une action qui consiste à contrecarrer tout effort de développement entre les deux pays », a-t-il expliqué, tout en affirmant qu' »aujourd’hui, l’Algérie et la France entament une nouvelle période ». Explicitant les fondements de la diplomatie algérienne, l’ambassadeur d’Algérie à Paris a rappelé sur Canal Algérie que notre pays « a des principes en politique étrangère ».
Ces principes sont le droit à l’autodétermination des peuples, la non-interférence dans les affaires intérieures des autres Etats et le respect des frontières héritées au moment de l’indépendance. » « Nous avons nos principes et nous les réaffirmons devant toutes les instances internationales, nous ne le disons pas uniquement à la France qui est un pays ami », a-t-il dit.
L’ambassadeur Mohamed Antar Daoud a également évoqué le dossier de l’usine Renault à Oran qui devait être abordé lors de la visite reportée de Jean Castex.