Étouffante à toutes les étapes de la vie des entreprises, l’administration publique est devenue au fil du temps, un obstacle majeur à l’émergence de l’entreprenariat en Algérie.
Tous les gouvernements sans exception ont produit des règlements pour au minimum l’atténuer, mais aucun n’est parvenu a venir à bout de ce fléau qui gangrène le monde des affaires et hypothèque le développement économique et social du pays. L’Algérie dispose en effet d’une pléthore de fonctionnaires (prés de 2 millions) dont la tâche effective semble consister beaucoup plus à compliquer la vie des entrepreneurs qu’à les aider à accomplir du mieux possible leurs activités.
Les tentatives de réformes ont pratiquement toutes échouées, et le pays n’a jamais été aussi fortement livré aux diktats de bureaucratiques confortés par une sur production de textes législatifs et réglementaires qui bloquent l’initiative et découragent les entrepreneurs les plus coriaces.
Pour de nombreux observateurs, ce ne sont pas les textes de lois et règlements qui seraient à l’origine de cette grave dérive bureaucratique, mais leur mauvaise application par des fonctionnaires mal formés, zélés et dans tous les cas non contrôlés par leurs hiérarchies. Si cette carence en matière de formation et de contrôle existe bien, il est toutefois bien évident que de nombreux problèmes d’applications auraient certainement pu être évités, si les législateurs avaient édicté des lois moins ambiguës et prévu des mesures susceptibles d’éviter les applications tendancieuses. Une réforme administrative visant à relever le niveau des fonctionnaires et à clarifier le sens précis des lois, s’avèrent de ce fait nécessaire pour que les administrations concernées ne perdent pas de vue qu’elles sont là pour servir l’intérêt général et, non pas, comme c’est aujourd’hui le cas, à ériger en redoutables machines à casser les bonnes volontés managériales.
Faute de volonté politique de mettre fin aux dérives bureaucratiques, les différents rouages de l’administration algérienne ont fini par devenir des prédateurs d’initiatives plutôt que des accompagnateurs, comme la législation leur indique le chemin. C’est en grande partie ce qui explique que des milliers de projets d’investissements n’arrivent pas à se concrétiser et qu’un nombre impressionnant d’entreprises baissent chaque année rideaux. Tatillonne à l’extrême, la bureaucratie en est arrivée à accorder beaucoup plus d’intérêt au respect de procédures généralement mal explicitées et sujettes à tergiversations, qu’à l’aboutissement rapide des projets que les entrepreneurs souhaitent concrétiser dans les meilleurs délais possibles. L’incertitude et les tracasseries administratives étant les pires ennemis de l’entrepreneuriat, bon nombre de promoteurs préfèreront abandonner et s’en aller faire fructifier leurs capitaux, là où le climat des affaires est plus serein.
Même si on doit reconnaitre que beaucoup a été réalisé en matière d’allégement de formalités civiles (beaucoup de formalités administratives ont été supprimées, les dernières en date étant le casier judiciaire et le certificat de nationalité autrefois exigés pour tout dossier administratif), on doit toutefois déplorer l’absence d’actions de dé bureaucratisation en faveur des entreprises. Le défi majeur consiste aujourd’hui à contraindre le gouvernement à détendre l’environnement des affaires par la promulgation d’une législation d’application facile, à même d’éviter à nos fonctionnaires d’interpréter les lois en fonction de leurs compréhensions personnelles et, comme c’est souvent le cas, de leurs intérêts.
Fort d’une disposition de la nouvelle Constitution qui a fait du climat des affaires une priorité, le gouvernement algérien pourrait à ce titre, procéder à une dérégulation complète et radicale de l’environnement des affaires actuel. Un environnement constitué d’un maquis de textes législatifs et réglementaires souvent confus et contradictoires, résultats de l’accumulation de plusieurs réformes abandonnées sans qu’on songe à abroger les textes de lois y afférent. Pas mal de pays en ont fait l’heureuse expérience et de nombreux experts, parmi lesquels, des prix Nobel recommandent volontiers aux Etat qui n’arrivent pas à sortir des méandres de leurs bureaucraties, ce type d’action. Comme cela se pratique dans de nombreux pays pourquoi, à titre d’exemple, ne pas entamer cette déréglementation en remplaçant l’autorisation préalable d’investir qui décourage les investisseurs, par une simple déclaration destinée uniquement à identifier l’entrepreneur et la nature de l’investissement? Outre le temps gagné, cette déréglementation permettra d’éliminer les abus d’autorité, le clientélisme et la corruption que les investisseurs acceptent souvent de subir pour concrétiser leurs projets.
Le projet de modernisation de l’administration publique est si important qu’il ne peut évidemment faire l’économie d’un débat auquel prendraient part les principaux acteurs sociaux et, bien entendu, les promoteurs intéressés au premier chef par cette réforme susceptible de stimuler leurs affaires. Mais on peut déjà évoquer quelques pistes de travail qui pourraient être prises en considération dans le cadre de ce projet de mise à niveau de l’administration publique. Partant du principe que moins un pays a de bureaucrates et mieux il se porte, l’action fondamentale à entreprendre consisterait à faire l’inventaire des procédures en vigueur dans chacune des administrations concernées, le but étant d’éliminer toutes celles qui gênent inutilement l’action entrepreneuriale et d’affecter les fonctionnaires concernés à des postes où ils seraient plus utiles.
Bien d’autres actions visant à huiler les rouages de l’administration pourraient également être envisagés pour faciliter la vie aux citoyens et redynamiser l’activité économique aujourd’hui étouffée par la bureaucratie et l’instabilité juridique qu’elle génère quasi automatiquement. Les faibles performances de l’administration publique algérienne sont, à bien des égards, dues au fait qu’elle n’a jamais bénéficié d’une mise à niveau des moyens et méthodes de travail restées archaïques et peu performantes. Il s’agit aujourd’hui, de passer à l’action en commençant par spécialiser les fonctionnaires par type d’activités, en obligeant chacun des corps de commis de l’Etat à informer par voie d’affichage ou tout autre moyen de communication, les personnes concernées, des procédures en vigueur et des délais requis pour chacune des prestations à fournir. L’imposition d’un contrat de performance à l’ensemble des responsables administratifs est à ce titre fortement recommandée. Elle serait même incontournable en cas de mise à niveau de nos administrations publiques dont l’archaïsme résulte précisément de l’excès de liberté accordé aux administrations qui, à la longue, ont fini par perdre le sens du service public et se déshumaniser.