L’Algérie a besoin d’un baril de pétrole à 60 dollars minimum sur une durée de deux ans pour arriver à équilibrer son budget. C’est ce qu’a affirmé dimanche le ministre de l’Energie Abdelmadjid Attar.
Selon le ministre, le prix du baril qui tourne actuellement autour des 46 dollars, est « une bonne performance par rapport aux mois passés et par rapport à la conjoncture mondiale ». « On gagné pratiquement deux dollars au mois de juillet, grâce aux efforts faits par l’OPEP. Il faut le reconnaître », a-t-il dit, en soulignant le rôle « extraordinaire » de l’Arabie Saoudite et de la Russie en réduisant la plus grosse part.
« Si on se maintient dans la situation actuelle, on va terminer l’année avec une moyenne du baril nettement supérieur peut-être à 42 dollars ou 43 dollars. ça va permettre quand même d’équilibrer le budget qui a été fait à 30 dollars. Mais nous en réalité, on a besoin d’un minimum de 60 dollars le baril sur une période pratiquement de deux ans », a-t-il expliqué dans le l’émission LSA Direct du journal Le Soir d’Algérie.
« Si on arrive à avoir 60 dollars (le baril) sur une période de deux ans, je suppose qu’avec tous les efforts qui sont faits, par ailleurs, pour l’agriculture, l’investissement, l’énergie pour la production de valeur, d’emplois… C’est ça qui va sauver le pays non pas la rente. D’ailleurs, le président de la République l’a annoncé, il faut absolument que la rente baisse de 20%. C’est-à-dire, baisse de la rente de 98% actuellement à 80% et faire de la valeur dans les autres secteurs : agriculture, industrie et services », a-t-il encore expliqué.
La nouvelle loi sur les hydrocarbures est prête mais n’est pas encore entrée en vigueur
Selon le ministre de l’Energie, la nouvelle loi sur les hydrocarbures votée l’année dernière est « prête » mais elle n’est pas encore entrée « en vigueur ». « Cela fait partie des retards. La loi est prête, mais 43 textes d’application ne sont pas prêts », a déploré Abdelmadjid Attar.
« C’est vraiment une tare. En principe, les textes d’application, on doit les préparer avant. C’est-à-dire, en même temps que la loi. Pas tout à fait, parce que la loi peut être amendée au niveau du Parlement et à ce moment-la, il ne faut pas que les textes soient en contradiction. Mais, au moins les grandes lignes et dès que la loi est votée on les met à jour dans le mois qui suit ou dans les deux mois maximum. Parce qu’il y a une lenteur administrative. Ils vont passer au secrétariat général du Gouvernement, Conseil du Gouvernement, Conseil des ministres… Mais là, je suis désolé, cela fait dix mois, et il n’y a aucun texte publié », a-t-il encore regretté.
« Depuis que je suis rentré au ministère de l’Energie, c’était ma priorité numéro une. J’ai mis en place un groupe de 40 cadres qui travaillent aujourd’hui depuis pratiquement presque un mois en continu, et on les isole. On les envoie parfois dans un hôtel, ils restent 4 à 5 jours, ils ne voient pas leurs familles. Ils ne travaillent que sur ça. Aujourd’hui, je peux vous dire qu’il y a à peu près 60 cadres qui sont en réunion entre le siège de Naftal et le siège de Sonatrach, dans différentes salles de réunion, qui travaillent uniquement sur les textes d’application. Et ce n’est pas terminé, on espère qu’au début du mois de septembre avec une quinzaine de textes qu’on va envoyer au secrétariat du Gouvernement, peut-être quinze autres au courant du mois d’octobre et le reste d’ici la fin de l’année », a précisé Abdelmadjid Attar.
« Le gaz de schiste n’est pas une rente mais un appoint à la sécurité énergétique »
A une question de savoir si l’Algérie va recourir au gaz de schiste ou pas, le ministre de l’Energie a estimé qu' »on est en train de fabuler dessus ».
« Le problème dans le monde entier c’est la sécurité énergétique qui est à la base de la préoccupation de tous les pays. La sécurité énergétique c’est quoi? C’est disposer de l’énergie nécessaire au développement. L’énergie c’est quoi? C’est de l’électricité. L’avenir c’est l’électricité. Cette dernière elle vient d’où? Elle vient de deux choses : les ressources non renouvelables qui sont les hydrocarbures, ou alors, de ressources renouvelables », a-t-il expliqué.
« Aujourd’hui, c’est une formule à plusieurs inconnus qu’il faut absolument résoudre. Et là, on ne peut la résoudre que si on dispose de ressources nécessaires. Nous aujourd’hui, nous avons des hydrocarbures dont 2,7 milliards de tonnes d’hydrocarbures liquides. Nous avons aussi 2500 milliards de mètres cubes de réserves prouvées qui seront produits durant les années à venir », a précisé le ministre qui a estimé que « ce n’est pas suffisant ».
Il a rappelé des décisions « importantes » prises par le président de la République, à savoir : la mise en place d’un nouveau ministère de la transition énergétique et des énergies renouvelables. « Il n’y a que ça qui peut nous éviter plus tard d’aller vers le gaz de schiste. Mais, ce n’est pas dans 5 ans, 10 ans ou 15 ans. ça je vous le garantis », a estimé Attar, en soulignant que les hydrocarbures on en aura besoin aussi bien pour l’électricité que pour d’autres activités.
Selon le ministre, la deuxième décision prise par le chef de l’Etat c’est d’orienter et prioriser la consommation de l’énergie vers l’agriculture et l’investissement. « La pression est sur Sonelgaz pour raccorder les agriculteurs, les investisseurs sans leur demander de payer à l’avance », a-t-il dit.
Revenant à la question de l’exploitation du gaz de schiste, Attar a indiqué que Sonatrach fait des évaluations du potentiel. « Il faut qu’on le face par précaution. Parce que dans dix ans, je ne suis pas sûr qu’on puisse assurer effectivement notre transition énergétique. C’est par sécurité aussi. C’est pour prévenir à l’avenir, si jamais d’ici 2030, l’équilibre ne va pas être fait entre énergies renouvelables, économie d’énergie et énergies nouvelles, s’il le faut, oui, on va recourir au gaz de schiste », a-t-il expliqué.
« Le gaz de schiste n’est pas une rente, mais, un appoint pour la sécurité énergétique au-delà de 2030 », a précisé Abdelmadjid Attar.
Sonatrach doit revenir à ses métiers de base
Interrogé sur l’état actuel de la compagnie nationale des hydrocarbures Sonatrach, dont il a été le Pdg de 1997 à 1999, il a d’abord fait état d’une « dégradation » de l’efficacité de la compagnie.
« Je l’ai retrouvée (la Sonatrach) dans un état, plus ou moins, dégradé surtout au point de vue efficacité et renouvellement des réserves (…) en plus, la pression sur elle a augmenté », a-t-il analysé.
Afin de parer à ses défaillances et renforcer sa position, la Sonatrach « doit revenir à ses cinq métiers de base que sont l’exploration, la production, le transport, la commercialisation et la transformation », a-t-il avancé. « C’est ça mon objectif: Sonatrach va petit à petit se retirer des autres métiers », a-t-il affirmé.
« J’ai été sanctionné par Chakib Khelil »
Abdelmadjid Attar a révélé avoir été sanctionné par l’ancien ministre de l’énergie Chakib Khelil pour avoir critiqué dans un article paru dans un quotidien national la loi sur les hydrocarbures adoptée en 2005.
Le ministre a rappelé qu’il avait critiqué en 2000 ou 2001 le projet de loi sur les hydrocarbures adopté 2005. « A cette époque-là, le projet de loi qui était fait avant 2005, c’était pratiquement la livraison des ressources du pays. Je m’étais élevé. En 2001, j’avais fait un article dans le journal l’Expression et j’avais critiqué énormément les grandes idées du projet de loi dès cette époque-là, et j’ai été sanctionné, car j’avais toujours le salaire de la Sonatrach », a-t-il fait savoir, avant de révéler qu’il a été sanctionné par l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, qui lui avait enlevé sa prime pendant six mois. « Parce que j’avais écrit des choses qui ne concordait pas avec ce qu’ils voulaient faire », a-t-il précisé, en disant détenir la copie de la sanction. Selon Attar, cette loi était négative et elle n’a rien rapporté.
Concernant la nouvelle loi, le ministre de l’énergie a rappelé qu’il n’a pas été d’accord avec son adoption mais, maintenant il doit travailler avec. « Dans son ensemble elle est bonne », a-t-il estimé, en ajoutant qu' »elle n’est pas négative ». Pour Attar, cette loi n’est pas « l’idéal, mais, on va essayer de rattraper ça avec les textes d’application ». « Une loi ce n’est pas tout, pour augmenter les réserves et augmenter les partenariats. Je dirais, c’est même moins de 50%. L’essentiel c’est le terrain. Il faut lutter contre la bureaucratie, il faut être transparent vis-à-vis des partenaires… », a-t-il dit.