Dans cet entretien, l’expert économique; M. Lamiri s’exprime sur plusieurs sujets d’actualité, et donne son avis surtout sur la question du projet du plan de relance socio-économique, sur l’industrie automobile mais aussi sur le sujet de l’endettement extérieur.
Algérie-Eco : Le projet du Plan national de relance socio-économique se dessine. Parmi les actions retenues dans ce plan l’optimisation des dérivées du pétrole et du gaz en vue de revoir le Produit national à la hausse. Quel commentaire faites-vous à ce sujet?
M. Lamiri : Il est nécessaire de riposter à la double crise que vit l’Algérie. Nous avons des problèmes structurels graves qui ne peuvent trouver de solutions qu’à travers une restructuration profonde des mécanismes et des modes d’organisation de l’économie algérienne. Mais cela prendra du temps. Entre temps, nous avions eu deux chocs terribles, le Covid19 et les prix pétroliers, qui eurent des répercussions terribles sur l’économie nationale. Il n’y a pas de remède miracle et celui qui vous dira que c’est facile à redresser connait très peu le mode de fonctionnement de l’économie. Le gouvernement est entrain de bouger dans tous les sens. Tous les secteurs de l’économie seraient appelés à jouer un rôle pour, surtout l’agriculture et l’industrie. La valorisation des ressources énergétiques (gaz, pétrole) par une amélioration de l’output et la récupération des valeurs ajoutées importantes sont également explorées ainsi que l’exploitation de nouveaux minerais. Tout ceci est utile et permettrait de faire face à une situation difficile qui se profile à long terme : 50 millions d’habitants avant 2030 et un effondrement de la rente classique. Mais le plus difficile reste à faire : une ingénierie globale qui fera passer l’économie algérienne d’une instance de distribution de la rente à une économie qui sait produire des richesses avec peu de ressources.
Le nouveau plan mise aussi sur les start-up. Est-ce une bonne idée à votre avis?
Le développement des Start-up et la création des entreprises en général est une piste sérieuse à creuser. L’idée est bonne mais il faut l’élargir à la micro entreprise et aux PME/PMI. Mais il faut parallèlement à cela révolutionner le micro environnement de ces entités. Et c’est là ou tout se complique. Comment bouleverser le mode de fonctionnement des banques, des administrations, créer les industries du savoir et mettre à niveau nos institutions. Ceci demeure le talon d’Achille de notre mode de fonctionnement. Aucun gouvernement n’a su le faire depuis notre indépendance. Pour le moment, c’est cette réingénierie globale de l’économie qu’il nous faut. Beaucoup de décisions prises étaient prévisibles et sont nécessaires, indispensables mais pas suffisantes. Il faut encourager les bonnes décisions et pousser vers les autres qui restent.
Le développement de l’industrie automobile fait toujours débat. Quelle stratégie faut-il adopter pour ne pas tomber dans les mêmes erreurs du passé?
On a sur estimé les capacités de certaines de nos entreprises à enraciner une industrie de l’automobile dans notre pays. Nous avons payé très cher le fait de sous estimer la complexité de développer une industrie automobile dans un pays. Les réformes doivent se faire dans trois directions principales : choisir les entreprises publiques ou privées qui disposent de savoir faire managérial et qui possèdent de moyens financiers conséquents : nous en avons un certain nombre. Par ailleurs, il faut les inciter à se mettre en partenariat solide (participation au capital, transfert de technologie) avec quelques meilleurs constructeurs mondiaux. Et en troisième lieu, la création d’un tissu de PME/PMI afin d’améliorer le taux d’intégration à un niveau qui permette l’économie de devises. Il faudrait aussi inciter les partenaires à prendre une proportion de véhicules et les distribuer à l’international grâce à leurs réseaux ; ainsi nous aurions sur le long terme une industrie qui ne saigne pas l’économie nationale.
Pas d’endettement extérieur et pas de planche à billets, tel est la décision du Pouvoir. Qu’en pensez-vous?
L’endettement international est à bannir dans le contexte actuel. Pour de nombreuses raisons : voir mon dernier ouvrage : « La décennie de la dernière chance ». La planche à billets doit fonctionner modérément, faire croître la base monétaire de 2 à 5% maximum. Dans cette phase difficile de recul de l’activité économique on peut aller jusqu’à 10 % mais en orientant nos ressources vers les activités productives du court terme : agriculture, maintient en vie des entreprises fiables mais touchées par la situation et aide aux personnes les plus vulnérables. Mais ou est la solution ? C’est de rendre l’appareil économique productif de richesses : développement humain, industries du savoir, management de classe mondiale dans les entreprises et les institutions à but non lucratif, recherche et développement etc. Mais ceci nécessite d’autres politiques structurelles et d’autres réformes.