Continuer à dépendre des seules ressources d’hydrocarbures serait suicidaire pour l’Algérie. Les baisses tendancielles de la production (l’Algérie ne produit plus que 700.000 barils/jour) et des recettes (à peine 18 milliards de dollars en 2019), s’inscrivent dans une logique structurelle imparable et le gouvernement algérien semble l’avoir bien compris.
Et, c’est sans doute pourquoi, le président de la république a donné à son gouvernement ce mardi 7 juillet 2020, le feu vert pour entamer l’exploitation à grande échelle de produits miniers dont le pays regorge. Il s’agit on l’a compris de la mine de fer à ciel ouvert de Gara Djebilet (Tindouf), du méga gisement de zinc d’Amizour (Bejaia) et des « terres rares » disséminées à travers tout le territoire national. On s’étonne évidemment de l’intérêt tardif porté par les autorités algériennes à d’aussi importantes sources de revenus.
Elles n’y pensent effectivement que lorsque les revenus pétroliers se dissipent comme en 1986 ou, comme c’est le cas aujourd’hui, avec l’effondrement des cours du pétrole. Elles avaient l’habitude d’enterrer ces projets dès que les recettes pétrolières opèrent une remontée, mais gardons tout de même l’espoir que cela ne sera pas le cas cette fois ci !
Les enjeux financiers sont en effet colossaux. Ils le sont pour le minerai de fer de Gara Djebilet qui offre le privilège d’être facilement exploitable et intarissable durant au minimum un demi-siècle.
Ils le sont aussi pour la mine de zinc d’Amizour qui peut rapporter gros du fait de l’envolée des cours de ce minerai qui tend à manquer sur le marché mondial. Mais ils le sont surtout pour les « terres rares », dont la demande mondiale avait explosée avec l’industrie électronique (ordinateurs, Smartphones, équipements médicaux etc.) et progresse encore plus aujourd’hui, avec l’industrie de la voiture électrique qui requiert des quantités gigantesques de Lanthane, Cérium, Néodyme, L’yttrium, mais aussi et surtout, de Cobalt pour réaliser les batteries Lithium et le matériel électronique qui équiperont les dizaines de millions de véhicules écologiques qui sortiront prochainement en masse de pratiquement toutes les usines d’automobiles du monde.
Pour l’économie algérienne, la prochaine décennie sera sans doute celle des produits miniers et, notamment, celle des « terres rares » dont le pays regorge, à en croire les informations livrées par quelques médias qui en 2017 déjà classaient l’Algérie au troisième rang mondial des réserves disponibles.
Selon les professeurs Farid Benyahia et Kamel Sanhadji, le sous sol algérien renfermerait pas moins de 20% des réserves mondiales de « terres rares ». Si ces informations jamais démenties, venaient à être confirmées par des chercheurs agréés, elles feraient de l’Algérie un pays qui pèsera très lourd, non seulement, sur le plan économique, mais aussi et surtout, sur le plan géostratégique, tant ces métaux rares sont indispensables à l’industrie des équipements de pointe qui, comme on le sait, connaît un essor prodigieux dans les pays les plus puissants de la planète. La présence à une aussi grande échelle de terres rares, serait en effet de nature à faire de l’Algérie, un richissime détenteur de ces métaux précieux indispensables à la fabrication de technologies ultra modernes, que très peu de pays possèdent.
C’est le cas du Cobalt que seuls quelques rares pays possèdent. Le plus important d’entre eux est sans aucun doute le Congo qui détient les deux tiers des réserves et produit environ 100 000 tonnes par an.
La Russie, l’Australie, Cuba et le Maroc comptent également se lancer dans l’aventure des « terres rares » mais ils ne pourront produire au total que 116.800 tonnes de Cobalt alors que le marché mondial en demande 200.000 tonnes aujourd’hui et, sans doute le double, dans les dix prochaines années. Même si son prix a beaucoup régressé (il est passé de 90.000 dollars la tonne en décembre 2018 à 28456 dollars la tonne en aout 2020) le Cobalt reste encore suffisamment rémunérateur aujourd’hui sur le marché mondial. Lorsque que l’économie sortira de la paralysante pandémie de Coronavirus les perspectives en la matière promettent d’être encore plus optimiste vu l’écart qui existera entre la demande qui explosera avec le boum de l’industrie de la voiture électrique et l’offre de cobalt qui demeurera à des niveaux toujours bas.
Si la presse, alimentée par certains « experts », s’est dépêchée d’alimenter la chronique en allant jusqu’à évaluer nos réserves de « terres rares » à environ 2400 milliards de dollars, aucune précision n’a par contre été donnée sur la localisation précise des gisements disponibles. On s’est contenté de les positionner vaguement du coté Est et Sud-ouest du pays. L’évaluation basée sur des études prospectives effectuées au début des années 70 par des ingénieurs chinois est également imprécise, ne serait ce que du fait de l’archaïsme des instruments de détection de l’époque, que du peu de moyens déployés pour la circonstance sur un aussi vaste territoire.
Le ministère de l’Industrie a tout récemment reçu ordre de recruter un maximum d’ingénieurs et géologues pour faire l’inventaire des actifs miniers de l’Algérie. Ce n’est qu’à l’issue de cette prospection à grande échelle qu’on connaitra avec suffisamment de précision la nature des gisements miniers, leurs consistances et leurs localisations précises. On peut toutefois commencer par exploiter des gisements déjà répertoriés parmi lesquelles de possibles de Cobalt.
C’est la première fois que les autorités algériennes évoquent la possibilité d’extraire cette catégorie de métaux rares particulièrement prisée par les industries de pointe. On ne trouve d’ailleurs nulle part trace d’initiatives allant dans ce sens. Bien au contraire un mystérieux « black out » bloque depuis des années toute information relative à cette filière que les nouvelles technologies ont subitement propulsée au devant de la scène. S’il y a effectivement traces d’appel d’offres pour l’exploitation des gisements de fer et de zinc des mines de Gara Djebilet et d’Amizour, on ne trouve par contre aucune initiative de ce genre en ce qui concerne la prospection et à l’exploitation de gisements de « terres rares », ce qui paraît étonnant au regard des gros revenus que pourraient générer à court terme ces richesses notamment en cette période de déclin des recettes d’hydrocarbures. Au niveau du ministère de l’Industrie, on explique le retard à promouvoir l’extraction et le raffinage des terres rares par l’importance du coût des investissements et par l’absence de savoir faire qui contraindra l’Algérie à extraire et valoriser ces métaux en partenariat avec des entreprises étrangères qui maîtrisent le mieux les technologies de l’extraction et du raffinage des « terres rares ». Notre source nous informe que l’industrie des terres rares doit se déployer avec beaucoup de précautions car les risques de pollutions irréversibles sont réels, sans doute même, plus importants que ceux qui résultent de l’extraction d’hydrocarbures de schistes. Mais on n’en est pas encore là ! Car si l’intention d’ouvrir officiellement la voie à l’exploitation des « terres rares » est excellente en soi, il reste beaucoup à faire pour donner effectivement corps à cette industrie toute nouvelle pour l’Algérie. De nombreuses questions se posent dés lors : qui exploitera les gisements de « terres rares ». Si c’est directement l’Etat algérien, faudra t-il créer pour ce faire une société nationale ? Si partenariat avec des firmes étrangères il y aura, quels seront ces partenaires ? Y aura-t-il comme pour le pétrole, des firmes (américaines et françaises notamment) plus privilégiés que d’autres ? Le privé algérien sera-t-il autorisé à exploiter des gisements de « terres rares » ? Les terres rares seront-elles raffinées en Algérie ou exportées à l’état brut ? Comment préserver l’environnement de cette industrie polluante? L’Algérie cherchera telle à développer en aval de l’exploitation de « terres rares », une industrie électronique qui prendrait avantages de la disponibilité du cobalt et autres métaux destinés à ce type d’industrie ?Autant de questions auxquelles il est important de réfléchir dès à présent.