La Banque mondiale a publié, la semaine dernière, son rapport de suivi sur la situation économique en Algérie pour l’automne 2025. Le chapitre consacré aux perspectives et risques présente une vision prudente, avec des points favorables et des fragilités qui persistent.
Croissance hors hydrocarbures : une dynamique qui se maintient
Dans son analyse, l’institution estime qu’« une expansion soutenue hors hydrocarbures devrait se poursuivre en 2025 et 2026 En 2025, la croissance devrait s’accélérer légèrement, portée par la vigueur des secteurs hors hydrocarbures ».
Elle prévoit que « dans le scénario de référence, la croissance du PIB atteindrait 3,8 %, soutenue par le dynamisme des activités non liées aux hydrocarbures (+4,0 %) et par la reprise de la production d’hydro carbures (+2,5 %) en ligne avec les hausses de quotas de l’OPEP amorcées en avril 2025. »
Investissement, importations et demande intérieure
Le rapport souligne aussi le rôle de l’investissement privé. Selon la Banque mondiale, « la croissance de l’investissement resterait dynamique, les investissements privés soutenus compensant la consolidation des dépenses publiques d’équipement. »
Concernant les échanges extérieurs, elle anticipe que « la demande générée serait en grande partie satisfaite par les importations, dont la croissance dépasserait celle des exportations, même si ces dernières commenceraient à se redresser grâce à la reprise progressive des exportations d’hydro carbures. »
La demande interne resterait un moteur important, puisque « la consommation privée demeurerait robuste, portée par la hausse des salaires publics et un marché de l’emploi favorable, stimulant ainsi les secteurs des services. »
Pour l’agriculture, le rapport relève des situations contrastées selon les régions. Il précise que « la production agricole resterait résiliente, les données météorologiques et satellitaires suggérant des rendements plus faibles à l’Ouest, mais plus élevés dans le Centre et notamment dans le Nord-Est. »
Tendance à moyen terme : une croissance plus modérée
La Banque mondiale anticipe un léger ralentissement dans les prochaines années, tout en notant la stabilité globale de la dynamique : « La croissance devrait rester soutenue, bien que légèrement ralentie en 2026 et 2027, grâce à la vitalité des secteurs hors hydrocarbures et à la poursuite de la reprise de la production pétrolière et gazière. »
Elle ajoute qu’« une remontée progressive des quotas de l’OPEP est attendue jusqu’en 2026, avant une stabilisation de la production en 2027, dans un contexte où les prix du pétrole resteraient relativement modérés selon le scénario de référence. »
Concernant le gaz, l’institution évoque les projets déjà lancés : « À moyen terme, les partenariats stratégiques déjà conclus pour l’exploration et le développement de nouveaux champs gaziers devraient renforcer la capacité d’exportation, bien que leurs effets ne se matérialisent qu’au-delà de l’horizon immédiat. »
Dépenses publiques et équilibres financiers
Sur le plan budgétaire, le document prévoit une évolution plus prudente : « Les dépenses publiques ralentiraient, en particulier en 2027, avec la mise en œuvre des mesures de consolidation budgétaire inscrites dans le cadre budgétaire à moyen terme du gouvernement, entraînant un ralentissement de la consommation et de la croissance de l’investissement. »
La Banque mondiale estime par ailleurs que « les déficits budgétaire et extérieur demeureraient élevés dans un contexte de prix des hydrocarbures relativement faibles ».
Elle précise que « le déficit du compte courant devrait se creuser sur l’ensemble de la période de projection, tan dis que les réserves de change continueraient de diminuer progressivement. »
Dans le même scénario, « les prix des hydrocarbures resteraient modérés au cours de la période, partiellement compensés par la reprise graduelle des quotas de production de l’OPEP jusqu’en 2026. »
Selon le rapport, « le déficit courant devrait ainsi se détériorer, les importations tirées par l’investissement progressant plus rapidement que les exportations d’hydrocarbures. »
Réserves de change et finances publiques
La Banque mondiale souligne également un risque important sur les réserves : « En l’absence d’un ralentissement marqué des importations ou d’une hausse des prix des hydrocarbures, les réserves de change subiraient une érosion significative sur l’horizon de projection ».
Sur le budget, elle note que « le déficit budgétaire se réduirait légère ment en 2025 avant de rester élevé en 2026 et 2027. En 2025, le déficit se résorberait modestement grâce à un versement exceptionnel de dividendes par la Banque d’Algérie, malgré une légère baisse des recettes issues des hydrocarbures et une hausse modérée des dépenses en proportion du PIB. »
Elle poursuit : « Dans un contexte de prix des hydrocarbures relativement bas selon le scénario de référence, et bien que les quotas de l’OPEP poursuivent leur reprise graduelle, les recettes pétrolières et gazières demeureraient stables en 2026 et 2027. »
Pour 2026, le rapport avertit qu’« en l’absence d’un effort de consolidation budgétaire significatif ou d’une hausse des prix des hydrocarbures, le déficit se creuserait à nou veau, les dividendes élevés de la Banque d’Algérie en 2025 constituant un transfert ponctuel. »
La dette publique atteindrait 71,2 % du PIB en 2027
Il prévoit qu’« en 2027, un effort modéré de consolidation budgétaire, prévu dans le cadre budgétaire à moyen terme du gouvernement, permettrait une légère réduction du déficit, qui demeurerait néanmoins à un niveau élevé. »
La Banque mondiale indique que « les économies issues des hydrocarbures ayant été épuisées pour financer le déficit en 2024, la persistance de déficits élevés entraînerait une hausse rapide de la dette publique, laquelle atteindrait 71,2 % du PIB d’ici 2027. La quasi-totalité de cette dette reste rait détenue localement, à longue maturité et à faible taux d’intérêt ».
La Banque mondiale aborde également les risques pouvant peser sur les perspectives économiques du pays. Elle souligne que « La volatilité des prix des hydrocarbures et la montée des tensions géopolitiques constituent des risques majeurs pour les perspectives économiques ».
Risques liés aux hydrocarbures et incertitudes géopolitiques
Selon elle, « le retour des déficits jumeaux souligne la forte exposition de l’économie algérienne aux fluctuations des prix des hydrocarbures. Les variations récentes des cours du pétrole et du gaz naturel ont entraîné une détérioration rapide des soldes budgétaire et extérieur, révélant la sensibilité du cadre macroéconomique face à la volatilité des marchés mondiaux de l’énergie. »
La Banque mondiale estime aussi que « les déséquilibres budgétaires et extérieurs devraient demeurer importants dans le scénario de référence, entraînant une hausse significative de la dette publique et une érosion continue des réserves de change ». Elle avertit en outre qu’« une baisse des prix des hydrocarbures par rapport aux hypothèses du scénario de référence constituerait un risque majeur, en particulier pour le niveau des réserves extérieures. »
D’après l’institution, « l’incertitude commerciale élevée et la détérioration du contexte géopolitique international accentuent encore ces risques pour les perspectives économiques. » Pour réduire cette vulnérabilité, elle considère qu’« un cadre macroéconomique plus robuste permettrait de réduire la dépendance de l’économie algérienne à la volatilité des marchés mondiaux des hydrocarbures. »
Dans cette optique, « le renforcement de la mobilisation des recettes intérieures, à travers des réformes fiscales et la modernisation continue de l’ad ministration fiscale, contribuerait à diversifier les sources de revenus publics », commente la Banque.
Elle juge aussi que « le renforcement de la planification budgétaire à moyen terme, une meilleure gestion des recettes issues du pétrole et du gaz naturel, ainsi que l’adoption de règles budgétaires adaptées permettraient d’accroître la capacité de la politique budgétaire à stabiliser l’activité économique tout au long du cycle et à limiter l’exposition aux chocs énergétiques. »
Selon son analyse, « la réussite de la transformation économique de l’Algérie dépendra de sa capacité à diversifier son économie et à stimuler une croissance tirée par le secteur privé. Pour y parvenir, il sera essentiel d’accélérer la création d’emplois dans le secteur privé et de garantir un développement inclusif et durable. »
La Banque mondiale considère enfin que « Cette diversification exigera une discipline budgétaire accrue, un renforcement de la gouvernance et de la performance des entreprises publiques, ainsi qu’un environnement plus attractif pour l’investissement étranger ». Elle conclut que « Ces réformes permet traient de libérer le potentiel des secteurs porteurs, de soutenir la croissance des entreprises nationales et de stimuler les exportations hors hydrocarbures. »






