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Économie algérienne : la Banque mondiale met en garde contre le retour des déficits jumeaux

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La Banque mondiale a publié son nouveau rapport de suivi consacré à l’économie algérienne, intitulé « Répondre aux défis climatiques et soutenir le développement durable ». Selon le document : « La croissance robuste hors hydrocarbures s’est poursuivie au premier semestre 2025 et l’inflation a ralenti, mais les pressions extérieures et budgétaires demeurent importantes ».

« Au premier semestre 2025, les secteurs hors hydrocarbures et la vigueur de l’investissement ont soutenu la croissance économique », souligne la Banque mondiale, et de préciser : « Après des expansions de 4,1 % en 2023 et de 3,7 % en 2024, la croissance du PIB a progressé de 4,1 % en glissement annuel au premier semestre 2025, soutenu par la dynamique de la croissance hors hydrocar bures. » « La croissance de l’investissement s’est encore accélérée, stimulant les importations, tandis que la consommation des ménages est restée solide malgré un ralentissement de la consommation publique », note la même source.

Et d’ajouter : « Les données satellitaires basées sur les lumières nocturnes suggèrent une croissance robuste et généralisée des secteurs hors hydrocarbures au premier semestre 2025. Cette croissance a été généralisée, soutenue par une production agricole résiliente et une expansion du secteur des services portée par la demande des ménages, tandis que le PIB des hydrocarbures s’est contracté de 2,0 %. »

« L’inflation a continué de ralentir aux neuf premiers mois 2025, sous l’effet de la baisse des prix alimentaires. Après avoir atteint 9,3 % en 2022 et 2023, l’inflation est tombée à 4,0 % en 2024. Elle a poursuivi sa décélération aux neuf premiers mois 2025 pour s’établir à 1,7 % en glissement annuel, en raison de la baisse des prix alimentaires », relève le rapport, et de préciser : « La prime du marché parallèle pour le dollar américain s’est encore creusée, passant d’une estimation de 67,7 % en 2024 à 75,4 % sur les neuf premiers mois de 2025. » « La croissance de la masse monétaire a ralenti et le crédit au secteur privé est resté solide sur la même période. La Banque d’Algérie a abaissé le taux directeur de 3 % à 2,75 % et le taux de réserve obligatoire de 3 % à 2 % fin août 2025 », souligne le document.

Le rapport précise : « La baisse des exportations d’hydrocarbures, conjuguée à l’augmentation des importations stimulée par l’investissement, a exercé une pression significative sur la balance extérieure au premier semestre 2025. L’Algérie a enregistré en 2024 son premier déficit courant en trois ans, en raison de la réduction de la production et des exportations d’hydrocarbures liée aux quotas de l’OPEP. Le déficit s’est fortement creusé au premier semestre 2025, atteignant 10,5 milliards USD, contre 2,9 milliards USD (1,1 % du PIB) en 2024, reflétant la baisse des prix et des volumes d’exportation d’hydrocar bures ainsi que la hausse dynamique des importations stimulée par l’investissement. Les réserves de change s’établissaient à 15 mois d’importations fin 2024, contre 16,4 mois un an plus tôt, et auraient encore diminué au premier semestre 2025. »

« Le retour des déficits jumeaux souligne que l’économie algérienne est exposée aux fluctuations des prix des hydrocarbures »

« Le déficit budgétaire s’est fortement creusé en 2024, les recettes d’hydrocarbures ayant reculé. En 2024, le déficit budgétaire est passé de 5,5 % du PIB en 2023 à 13,8 %, les recettes d’hydrocarbures ayant chuté de 19,1 % à 11,1 % du PIB, sous l’effet de la baisse des prix et des volumes d’exportation », note le rapport, et d’ajouter : « Les recettes fiscales ont diminué de 10,4 % à 9,4 % du PIB, tandis que les dépenses publiques sont restées stables à environ 37 % du PIB. Le déficit budgétaire hors hydrocarbures a atteint 24,8 % du PIB. Dans un contexte de forte croissance, l’ampleur du déficit global reflète l’élargissement du déficit structurel, estimé à 10,1 % du PIB en 2024. »

« La croissance devrait légèrement s’accélérer en 2025, portée par la résilience des activités hors hydrocarbures. Dans le scénario de référence, la croissance du PIB atteindrait 3,8 % en 2025, soutenue par la poursuite d’une croissance hors hydrocarbures étendue. La consommation privée continuerait de stimuler le secteur des services, la production agricole resterait résiliente et l’investissement demeurerait dynamique, entraînant la hausse des importations. La croissance hors hydrocarbures devrait légèrement ralentir mais rester soutenue en 2026 et 2027. La production d’hydrocarbures devrait suivre la reprise progressive des quotas de l’OPEP sur la période de projection », prévoit la Banque mondiale.

Et d’ajouter : « Les déséquilibres extérieurs et budgétaires devraient persister dans un contexte de prix des hydrocarbures relativement faibles. Avec une augmentation lente des quotas de l’OPEP et des prix des hydrocarbures restant modérés dans le scénario de référence, la croissance des exportations serait dépassée par celle des importations stimulées par l’investissement, aggravant le déficit du compte courant. Ce déficit important se traduirait par une diminution des réserves de change dans le scénario de référence. En l’absence de mesures plus fortes de consolidation budgétaire, le déficit public demeurerait élevé sur la période de projection, même si les dépenses diminuent légèrement dans le cadre du cadre budgétaire à moyen terme du gouvernement en 2027. Les économies issues des recettes pétrolières étant épuisées, les déficits budgétaires devraient se traduire par une hausse de la dette publique. »

La Banque mondiale souligne que « les prix volatils des hydrocarbures demeurent le principal risque à court terme, tandis que le changement climatique et les efforts mondiaux de décarbonation pèsent sur les perspectives à moyen et long terme », et de relever « le retour des déficits jumeaux souligne que l’économie algérienne est exposée aux fluctuations des prix des hydrocarbures. »

« Dans un contexte de volatilité récente des prix, les équilibres budgétaire et extérieur se sont rapidement détériorés, révélant les limites du cadre macroéconomique face aux marchés mondiaux du pétrole et du gaz. L’incertitude commerciale accrue et les tensions géopolitiques récentes aggravent ces risques. Un cadre macroéconomique plus robuste, incluant une meilleure mobilisation des recettes domestiques, une gestion renforcée des revenus pétroliers et la mise en place de règles budgétaires, pourrait réduire l’exposition de l’économie à la volatilité des marchés des hydrocarbures », explique l’institution financière internationale.

L’Algérie a déjà exploité plus de 60 % de ses réserves prouvées d’hydrocarbures

Selon la Banque mondiale, « l’augmentation des risques liés au changement climatique souligne l’importance d’intégrer les considérations climatiques dans la stratégie de développement de l’Algérie. » « À court terme, précise-t-elle, « la croissance reste étroitement liée aux conditions climatiques, celles-ci générant périodiquement des épisodes de sécheresse qui affectent la production agricole, les prix alimentaires et les besoins d’importation. » « L’Algérie fait également face à une hausse des températures et à une diminution des précipitations, entraînant une raréfaction accrue des ressources en eau. Les effets varieront selon les régions, le secteur agricole étant particulièrement touché dans le Nord-Ouest et les Hautes Plaines. Ces risques mettent en évidence la nécessité d’élaborer des politiques d’adaptation appropriées pour protéger la production, les entreprises et les ménages », explique la même source.

« La stratégie de croissance de l’Algérie devrait également tenir compte des efforts mondiaux de décarbonation et d’autres facteurs structurels pesant sur une économie dépendante des hydrocarbures », estime la Banque mondiale, qui énumère « trois évolutions structurelles majeures mettent au défi le modèle économique algérien fondé sur les hydrocarbures. » « Premièrement, à mesure que l’adoption de technologies propres et économes en énergie s’accélère, la demande mondiale en hydrocarbures devrait ralentir, entraînant une baisse structurelle des prix. La demande mondiale de pétrole devrait atteindre un pic en 2030, puis diminuer. Deuxièmement, l’offre mondiale de pétrole continue d’augmenter, ce qui contribue également à la baisse des prix des hydrocarbures. Troisième ment, les réserves de l’Algérie diminuent tandis que la demande domestique augmente, réduisant les volumes disponibles à l’exportation », détaille l’institution financière.

Et de souligner : « Si la réforme des subventions énergétiques et de nouvelles découvertes pouvaient ralentir le rythme d’épuisement des réserves et accroître les volumes exportables, le pays a déjà exploité plus de 60 % de ses réserves prouvées. » « À court terme, porsuit-elle, le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’Union européenne imposera, à partir de 2026, des droits additionnels sur plusieurs produits à forte intensité carbone importés dans l’UE. Il s’appliquera aux principales exportations algériennes hors hydrocarbures, notamment les engrais, le fer, l’acier et le ciment, et devrait avoir un impact significatif sur les exportations du pays. Pris ensemble, ces facteurs poseront un défi majeur au modèle économique algérien, à ses équilibres extérieurs et budgétaires, et soulignent l’importance de diversifier l’économie tout en réduisant son intensité carbone. »

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