Pr Samia Zekri, spécialiste en médecine interne et experte en diabétologie auprès du ministère de la Santé, a dressé mercredi sur les ondes de la radio chaîne 3 un constat préoccupant sur l’évolution du diabète en Algérie. Invitée de l’émission « L’invité du jour », elle a évoqué la situation nationale et les tendances mondiales à l’occasion de la Journée internationale du diabète célébrée chaque 14 novembre.
« Effectivement, il y a une ascension, il y a une explosion mondiale du nombre de patients vivant avec un diabète et l’Algérie n’est pas épargnée », a-t-elle averti d’emblée. Dans le monde, 537 millions de personnes vivent actuellement avec le diabète, et les projections annoncent 783 millions d’ici 2045. En Algérie, la situation est jugée inquiétante : « une étude menée entre 2016 et 2017 indiquait une prévalence de 14,4 % chez les personnes âgées de 18 à 69 ans. Mais la Fédération Internationale du Diabète a révélé en 2018 une progression inquiétante, portant cette prévalence à 17,5 %, soit environ 4,7 millions d’Algériens touchés ».
Une hausse du diabète de type 2
La forme la plus répandue est le diabète de type 2, « intimement associé à l’obésité ». Le Professeur Zekri met en garde contre l’obésité abdominale, particulièrement dangereuse : « Lorsque vous voyez que votre ventre pointe, c’est que déjà la graisse a entouré vos viscères, y compris le foie, et à ce moment-là, il y a un état d’insulino-résistance. » Le corps produit alors de l’insuline, mais celle-ci devient inefficace.
Selon elle, la lutte contre le surpoids est essentielle. « Si on ne veut pas faire augmenter encore le chiffre de ces patients, il faut absolument lutter contre le surpoids et l’obésité », a-t-elle déclaré. Ces deux phénomènes sont devenus « des épidémies mondiales ». En Algérie, une société dédiée à la lutte contre l’obésité a été créée pour dépister le surpoids et prévenir le prédiabète.
Le thème retenu pour la campagne du 14 novembre, « le diabète touche tous les âges », illustre cette réalité. « Depuis la procréation, l’enfance, l’adulte actif et le troisième âge, tout le monde peut être concerné », souligne-t-elle.
L’obésité infantile en hausse
Une étude de l’Institut National de Santé Publique publiée en janvier 2025 indique que 13,4 % des enfants âgés de 5 à 11 ans sont obèses. « Quand ils sont obèses à ce moment-là, si les parents ne font pas ce qu’il faut pour leur faire régresser de poids, ça risque de se pérenniser à l’âge adulte et ils risquent de devenir diabétiques », explique la professeure.
Elle appelle à revoir les habitudes alimentaires : « Il faut s’éloigner de l’alimentation moderne, c’est-à-dire les produits transformés, industriels, et adopter le régime anti-inflammatoire », autrement dit le régime méditerranéen, qui met l’accent sur les légumes, les fruits et la cuisine faite maison. Elle regrette l’attrait croissant pour la restauration rapide : « Le hamburger, nous l’avons tous adopté, il nous a fait énormément de mal, en particulier à nos enfants. »
Le rôle de l’industrie agroalimentaire
La lutte contre le diabète passe aussi par une action des pouvoirs publics et des industriels. « Le ministère de la Santé a organisé les choses. Il a mis en place un comité multisectoriel, dont les membres ont été nommés par décret présidentiel, pour réduire la quantité de sucre dans les aliments », rappelle le Professeur Zekri.
Après l’indépendance, les taux de sucre avaient été augmentés pour lutter contre la malnutrition, atteignant 160 grammes par kilo ou par litre. « Les textes ont permis de réduire cette quantité à 110 grammes, mais sur le terrain, les boissons paraissent toujours aussi sucrées. »
Certaines entreprises ont remplacé le sucre par des édulcorants. « Or, les édulcorants, au jour d’aujourd’hui, on sait qu’ils sont cancérigènes », avertit la spécialiste. Ils entretiennent aussi une dépendance au goût sucré : « Nous cherchons à ce que la personne diminue petit à petit sa consommation de sucre jusqu’à s’en éloigner, mais pas totalement : il faut choisir les sucres lents et s’éloigner le plus possible des sucres rapides. »
Elle rappelle que d’autres excès sont également nocifs : « En fait, on ne fait pas la chasse qu’au sucre, il y a aussi les trois blancs, à savoir le sucre, le sel et la graisse. »
Prévenir pour mieux vivre
Les complications du diabète peuvent être graves. « C’est la première cause de cécité dans le monde, la première cause des amputations non traumatiques et la première cause de la dialyse », indique le Professeur Zekri. D’où l’importance du dépistage et de la prévention.
Son message est clair : la lutte contre le diabète doit être collective. « Nous devons nous unir, vous et nous, le monde médical, les psychologues, les paramédicaux, tout le monde doit s’unir. »
Pour elle, « l’insigne de l’unité contre le diabète » symbolise cette mobilisation commune. En adoptant une alimentation équilibrée, en bougeant davantage et en réduisant la consommation de sucre, l’Algérie peut, selon elle, freiner la progression du diabète et améliorer la santé de sa population.






