L’Algérie a levé, par décret présidentiel, sa réserve à l’article 15-4 de la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). La publication de ce décret au Journal officiel a provoqué des réactions une vive polémique entre, d’un côté, ceux qui y voient une nouvelle avancée dans la promotion des droits des femmes, et, de l’autre, ceux qui mettent en garde contre les conséquences d’un alignement croissant sur des modèles jugés incompatibles avec les coutumes et les traditions du peuple algérien.
L’article 15 alinéa 4 de la CEDAW stipule : « Les États parties reconnaissent à l’homme et à la femme les mêmes droits en matière de loi concernant le choix de leur résidence et de leur domicile. »
L’ancien président du MSP, parti islamiste, Abderrazak Makri, a critiqué cette décision. Il estime que la CEDAW est « dangereuse » car elle « contribue à fragmenter les familles et à soumettre les sociétés au modèle occidental ». Selon lui, l’Algérie aurait cédé aux « pressions occidentales ».
Le MSP a également exprimé sa « surprise » devant cette mesure. Le parti a rappelé les étapes de la ratification de la Convention par l’Algérie et les réserves formulées à l’époque. Pour lui, « la levée de cette réserve annule effectivement le recours aux dispositions du Code de la famille, puisque les accords internationaux priment sur les lois nationales en vertu de la Constitution de 2020 ».
De son côté, le Rassemblement national démocratique (RND) a défendu la décision. Dans un communiqué, il a répondu aux critiques du MSP et de Makri, en affirmant que « (…) la liberté de circulation et de résidence n’est pas un concept étranger. Elle est au cœur des objectifs de l’Islam, qui sont fondés sur la justice et la dignité ».
Le parti souligne aussi que, dans la réalité, « la liberté de circulation et de résidence des femmes existe sur le terrain : des milliers d’Algériennes étudient, travaillent et migrent pour se faire soigner et étudier sans entraves légales. Cette décision ne fait qu’inscrire cette réalité dans un cadre juridique ».
Le RND estime par ailleurs que les craintes d’une « désintégration familiale » avancées par Makri sont « injustifiées », rappelant que la famille algérienne reste « fondée sur le Code de la famille et les coutumes établies ». Pour lui, la levée de la réserve à l’article 15-4 « n’abolit pas » le Code de la famille, mais « met plutôt en équilibre avec les obligations internationales ».
« une simple mesure technique« , selon l’APS
Face à cette polémique, l’Agence officielle APS, citant des sources auprès du secteur concerné, a rapporté « qu’il s’agissait d’une simple mesure technique rendue nécessaire par la disparition de la raison qui avait initialement conduit notre pays à émettre une réserve sur le texte de l’article 15 alinéa 4 lors de la ratification de la convention en 1996. »
« A l’époque, l’Algérie avait émis des réserves sur cinq (5) dispositions en raison de leur incompatibilité avec les lois nationales, notamment le code de la famille et le code de la nationalité », rappelle Algérie Presse Service, avant de préciser : « Avec l’évolution progressive de la législation nationale, notre pays a levé certaines de ces réserves, comme ce fut le cas, en 2005, lorsque l’Algérie a retiré sa réserve sur les dispositions de la Convention reconnaissant le droit de la mère de transmettre sa nationalité à ses enfants, une mesure prise à la suite de l’amendement du Code de la nationalité, selon les mêmes sources. »
« Quant à la réserve levée récemment, elle concerne l’article 15 alinéa 4 de la Convention, qui reconnaît à l’homme et à la femme les mêmes droits en matière de choix de la résidence et du domicile. Notre pays avait émis cette réserve, en 1996, sur la base des dispositions de l’article 37 du code de la famille de l’époque. Mais cet article a été abrogé en 2005, et, par conséquent, la réserve algérienne a perdu sa raison d’être et n’est fondée désormais sur aucune base juridique dans la législation nationale », explique l’APS.
L’Agence officielle précise : « Aussi, contrairement à ce que certaines voix et plumes ont laissé entendre ces derniers jours, cette levée de réserve n’entraînera aucune modification des lois nationales, étant donné que l’approche algérienne concernant ce type de conventions, en particulier, consiste à modifier d’abord la législation nationale avant de procéder, dans un deuxième temps, à la levée des réserves enregistrées au niveau international. »
L’APS souligne : « Autre point important : le maintien de la réserve sur l’article 15 alinéa 4 était instrumentalisé par les parties hostiles à l’Algérie pour promouvoir auprès des organisations de défense des droits de l’homme l’idée selon laquelle notre pays appliquait une discrimination entre les hommes et les femmes concernant le droit de circuler et de choisir la résidence, alors que la législation algérienne ne prévoit aucune mesure restrictive à l’égard des femmes en la matière. »